Par Johan Rivalland
Alors que le ministre de l’Éducation sort de son chapeau cette « nouvelle » (comme si elle l’était vraiment) grande idée de bannir les « notes sanctions » à l’école, on constate chaque jour les dégâts causés par le règne des bonnes intentions en matière d’éducation (pour peu qu’elles le soient vraiment, et ne résultent pas simplement d’une volonté de dissimuler d’autres maux plus profonds).
Et, en ce domaine comme dans d’autres, on n’est jamais à cours d’idées pour tenter d’adoucir les esprits et dévier les regards de l’essentiel.
Au-delà du problème de la notation, qui n’est bien sûr que l’arbre qui cache la forêt, les ouvrages abondent, depuis de nombreuses années, de la part de professionnels parfois découragés, annonçant qui la « mort programmée de l’école », qui sa tragique débâcle, qui pourraient pourtant être évitées.
Des collectifs se sont même formés, des associations organisées, tous dans le même but : informer, recueillir les témoignages, s’organiser, agir.
Mais, bien sûr, avec une bien moindre influence et efficacité que ne peuvent l’avoir les véritables maîtres du jeu, à la fois craints et laissés seuls aux commandes : les syndicats.
Parmi les ouvrages qui ont tenté d’alerter, j’en présenterai ici deux.
Le premier constitue un véritable cri de colère de la part de deux jeunes enseignantes désabusées mais nullement résignées, l’autre d’une désormais célèbre ex-enseignante devenue journaliste qui, malgré son actuel côté moralisant et assez agaçant sur bien des aspects, faisait alors preuve de révolte utile à de multiples égards.
Ignare Academy – Les naufrages de l’enseignement
Sorti en 2002, cet ouvrage écrit alors par deux jeunes enseignantes, toutes deux docteurs et agrégées, l’une en histoire et l’autre en philosophie, s’intéresse à l’effondrement du système éducatif au cours de ces dernières années.
Constat toujours aussi accablant et dont on connaît parfaitement les causes, ainsi que les remèdes qu’il conviendrait d’appliquer.
Cet ouvrage est probablement l’un des tout meilleurs que j’ai lus sur le sujet.
Il n’a d’ailleurs rien perdu de sa pertinence et de son actualité, tant les choses sont malheureusement très lentes à évoluer.
Le titre est bien trouvé. Ignare Academy. À une époque où une émission de divertissement à forte notoriété clôturait sa première saison, avec un certain retentissement.
On a bien l’impression, effectivement, de se trouver dans un « concours de médiocrité ». À qui « adaptera le mieux le savoir » aux enfants (les fameux « apprenants », pour reprendre l’affreux vocabulaire officiel), plutôt que de les « élever à la connaissance », pour reprendre la formulation criante de vérité des deux auteurs.
Où l’on « confond l’utile et l’essentiel, la liberté et la facilité », pour reprendre encore des propos très justes des deux professeurs.
On établit, en effet, sans cesse une confusion entre liberté et illusion d’accès à la culture, là où l’on enferme au contraire les esprits même les plus volontaires dans des carcans d’idées préconçues ou, pour reprendre encore une fois les termes des auteurs, « des plaidoyers préfabriqués sur un canevas politique consensuel et au goût du jour », quand on ne privilégie pas tout simplement une « diététique de la culture » au détriment de toute forme de réflexion évoluée.
Réformes viciées, vision manichéenne, optimisme de façade, illusions de la prétendue modernité ou des idées égalitaristes et haine de la sélection ou de toute forme d’élitisme, assimilation de la démocratie au multiculturalisme et excommunication des discours alternatifs, sous le règne des fameux « pédagogistes » et leur invention des IUFM.
Tels sont certains des sujets évoqués dans ce livre de très bonne facture, extrêmement intéressant et assez complet.
J’y ajouterais simplement que les matières littéraires sont loin d’être les seules concernées, puisque dans les sciences économiques, sociales, même les mathématiques ou les matières professionnelles (pour lesquelles on forme de plus en plus de purs « exécutants » sans trop de capacité de recul ou de réflexion), les constats sont hélas les mêmes.
Hélas, rien de fondamental n’a encore changé depuis la sortie de cet ouvrage. Il faudra, quoi qu’il en soit, beaucoup de temps pour commencer à endiguer la dégradation profonde observée.
Ce type d’ouvrage n’en demeure que plus utile et se veut d’ailleurs optimiste et volontariste. Il en appelle à contester radicalement les réformes passées, seule garantie de pouvoir alors espérer un redressement de la situation pour les générations à venir. C’est la seule planche de salut. Il en va de l’avenir de notre société même, tant l’éducation est à la base de tout.
Nos enfants gâchés
En 2005, une jeune auteur se faisait remarquer par un ouvrage plein de verve, exprimant une révolte contre un système qui érige la médiocrité en valeur suprême, préférant l’expression du ressenti de chacun plutôt que l’apprentissage de la connaissance, à commencer par un système scolaire en déliquescence, voire sclérosé, issu de la génération 68.
Ici, ce sont les conséquences plus durables sur notre société et les dangers pour notre démocratie, fruit des multiples héritages de notre histoire, qui étaient mis en valeur.
Natacha Polony montrait comment, à préférer toujours l’expression de la spontanéité, on favorise la disparition de tout l’héritage culturel et civilisationnel qui est le nôtre. Ceci risquant non seulement de déboucher sur la réitération des grandes erreurs du passé, mais entraînant à plus court terme un renforcement des inégalités, celles-là même que l’on entendait combattre, et une inaptitude de toute une génération à accepter toute contrainte et s’adapter à toute vie professionnelle, compromettant ainsi son propre avenir.
Néanmoins, on pouvait déjà regretter ce qui constitue désormais la marque de fabrique bien connue de la Natacha Polony médiatique que nous connaissons à présent, à savoir le parti pris anticapitaliste, particulièrement affirmé dans le dernier chapitre, au point de prendre en référence la Chine (!).
Si l’analyse est très pertinente sur le fond, et l’inquiétude légitime au sujet de ce que l’on peut éprouver vis-à -vis de l’avenir en raison de la dilapidation de nos valeurs civilisationnelles, c’est bien au contraire l’excès d’interventionnisme qui est à l’origine de ces maux, et non la « compétition économique » capitaliste. Les entreprises n’interviennent d’ailleurs pas dans l’élaboration des programmes, que nous sachions…
Mais nous retiendrons surtout de cet ouvrage sa fraîcheur de ton, sa force de conviction et sa détermination à éveiller les consciences, qui en font un pamphlet utile.
— Claire Laux et Isabel Weiss, Ignare Academy, Nil Editions, septembre 2002, 201 pages.
— Natacha Polony, Nos enfants gâchés, JC Lattès, mars 2005, 207 pages.
Bel article agrémenté de références tout aussi intéressantes.
Il y a une évidence, en France, tout le système scolaire est concentré sur le seul BAC, avec le nivellement par le bas qui s’impose, objectifs oblige. Le système est focalisé sur cet examen, tout ce qui peut se dérouler par la suite est terra incognita. Certes il y a des salons de l’étudiant et tout un tas d’initiatives du genre mais, elles ne sont pas évoquées en amont du bac ou très sporadiquement.
Il y a du reste une expression bien Française, « passe ton bac d’abord… », on retrouve de nombreux films (nanars) sur le sujet du BAC ! les sous doués en vacances, les diplômés du dernier rang, bac ou mariage, le péril jeune, les résultats du bac, les irréductibles, nos 18 ans, les profs, passe ton bac d’abord
source : Allo Ciné.
« La transformation de l’instruction publique en éducation nationale est la plus fasciste de mes réformes. » Benito Mussolini
le nombre de fonctionnaires du ministère de l’éducnat et apparentés est supérieur à celui des enseignants de terrain …
Normal: C’est un secteur économique planifié.
Il y a deux manière d’attribuer les ressources: Le marché ou la planification.
Celle-ci produit invariablement les résultats désastreux que vous constatez ici.
Une seule chose ne lasse pas de me surprendre: Que ce constat puisse encore surprendre.
Après mille échecs et zéro succès.
Plus on nationalise, plus on centralise, et plus on s’enfonce – et plus on en accuse le capitalisme.
Donc on centralise davantage, etc.
Nous sommes victimes d’un mythe: L’école nationale aurait été de grande qualité.
Une série d’erreurs l’ont faite décliner, il faut revenir aux fondements.
C’est faux : L’école nationale ne peut que décliner.
Les qualités initiales de l’école nationale étaient réelles mais héritées de l’école que les socialistes ont éradiquée pour lui substituer l’école nationale.
Revenir aux fondements qui permirent à l’école nationale d’être excellente, c’est revenir sur l’école nationale. L’école catholique n’était pas centralisée à outrance, ni contrôlée par des syndicats, encore moins des syndicats communistes.
La solution est le recours maximal au privé.
La nationalisation n’a de sens que dans un objectif égalitariste, et l’égalitarisme est antinomique de la qualité et indissociable de la décadence.
Que voulez-vous : l’éducation nationale reconnaîtrait-elle sa faillite qu’il se trouverait probablement encore une majorité de français pour la défendre, estimant le système en lui-même excellent pour peu qu’on corrige ses excès.
Le principal écueil étant sans doute l’idée fortement ancrée qu’un service public est nécessaire pour assurer l’accès à l’instruction, que si l’on devait l’abolir, ce serait le retour à l’esclavage des enfants, analphabètes et ignares, forcés de travailler au service après-vente d’Orange dès l’âge de 15 ans.
L’école formerait-elle déjà 90% de ces analphabètes ignares que le spectre de sa privatisation ferait craindre l’émergence d’une situation pire encore.
Le plus difficile est donc, sous réserve que l’opinion exprimée ci-dessus, qui reflète mon impression certes subjective mais accablante tant il me fut rare d’observer pareil consensus (« sans éducation nationale, pas d’instruction pour les pauvres »), se retrouve dans une quelconque enquête représentative, de changer les mentalités, de regarder l’éducation nationale pour ce qu’elle est vraiment : une entrave.
l’éducnat est truffée d’ex-staliniens cacochymes ou de leurs progéniture soixante-huitarde dans les couloirs du ministère en nombre plus important que celui des enseignants de terrain, à partir de là . . .
Absolument, une entrave à la connaissance du monde, à l’apprentissage de la réflexion personnelle argumentée (même en maternelle) puis à la créativité, et enfin une entrave à l’excellence.
L’esprit critique a été effacé au profit de la grille de lecture. Et je ne suis pas bien sûr que les fonctionnaires qui ont établi ces grilles n’en soient pas les premiers prisonniers!
C’est révoltant quand on a des enfants et que l’on est conscient de cette lobotomisation.
C’est marrant de retrouver une partie du texte de l’article, sur le lien suivant (2009) :
http://www.amazon.fr/gp/aw/cr/2841112624/ref=mw_dp_cr?qid=1403922294&sr=8-1
… Et marrant de voir que le nom de l’auteur est le même.
Cordialement.
Content de vous lire Johan.
Avez-vous un avis sur les livres suivants ?
Le pacte immoral
(Sophie Coignard)
L’école de la lâcheté
(Maurice T. Maschino)
L’art d’apprendre à ignorer
(Xavier Darcos, ex ministre de l’éducation)
A hurler le soir au fond des collèges
(Claude Duneton)
Le dressage des élites
(Marie-Laure de Léotard)
Et aussi, plus généralistes :
Que transmettre à nos enfants ? (Marc Ferro et Philippe Jeammet) et enfin :
Le talent qui dort, la France en manque d’entrepreneurs (Patrick Fauconnier, 1996 😉 fondateur de Challenges)
Cordialement
Désolé, je n’ai lu aucun de ces livres, même s’ils me semblent tous intéressants.
Je lis sur des sujets variés et il m’est donc difficile de pouvoir lire tout ce que j’aimerais.
Par contre, je serais ravi de connaître votre avis concernant certains de ces livres, si vous souhaitez le faire ici…