Le féminisme de genre, parasite de la cause de la liberté des femmes 1/3

Comment la juste cause du féminisme a été pervertie : du combat héroïque des proto-féministes à l’idéologie haineuse des féministes de genre.

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Le féminisme de genre, parasite de la cause de la liberté des femmes 1/3

Publié le 30 juin 2014
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Par Jabial

feminismeIl était une fois un monde terrifiant où les femmes étaient traitées au mieux comme des enfants à protéger et au pire comme du patrimoine, c’est-à-dire comme des choses dont l’existence n’avait d’autre but que d’agrémenter celle de leur propriétaire. Dans cette société ignoble où une tolérance polie, qui trop souvent dissimulait mal le regret d’être associé à une telle anomalie, était la meilleure chose qu’une femme exceptionnelle pouvait attendre des hommes qui auraient dû se battre pour elle, Dieu seul sait combien de talents ont été perdus.

L’être humain étant doté d’un sens naturel de la justice, quoi qu’il pût être facilement perverti par la pression sociale (le terrible paradoxe étant que les pires horreurs ont souvent été commises au nom d’un bien supérieur), il devait y avoir une réaction tôt ou tard. Elle n’est pas venue de ceux qui auraient pu facilement imposer le changement, les philosophes des Lumières ; au contraire, ils n’étaient pas exempts des préjugés de leur époque. Elle est venue de femmes héroïques qui, trouvant insupportable le carcan dans lequel elles se trouvaient enfermées, se sont résolues à le faire exploser quitte à passer pour folles.

Et c’est bien ainsi que la société de leur époque les a traitées : comme des folles.

Je ne pense pas que les libéraux éprouvent de la difficulté à ressentir une empathie très forte pour ces pionnières et une rage terrible contre la société qui les a rejetées de leur vivant hormis quelques exceptions notables. En effet, nous avons la faiblesse et peut-être l’arrogance de croire que notre démarche participe de la même passion brûlante pour la liberté qui pousse à refuser les règles, à jeter les préjugés au feu, et à défendre ce que l’on considère comme juste quitte à se faire mépriser ou haïr par ceux qui, tout en se prétendant parfois des rebelles et parfois simplement raisonnables, ont la position facile que confère la force du nombre.

Ces femmes extraordinaires trop souvent mortes incomprises et courageuses parfois jusqu’au martyre ne seront réhabilitées que bien plus tard. Elles sont aujourd’hui tristement qualifiées de proto-féministes par ceux qui, hommes et femmes, se réclament de leur héritage tout en refusant de leur en concéder la maternité pleine et entière.

 

Le féminisme de première génération : les dernières combattantes de la liberté

Sans rupture franche mais plutôt dans une gradation historique, les dernières grandes héroïnes de la lutte pour la liberté des femmes, qu’on appelle aujourd’hui les féministes de première génération, ont succédé à ces pionnières.

Face à un monde qui commençait à entrouvrir les yeux tout en refusant d’en tirer les conséquences, elles se sont battues pour obtenir que leur soient reconnus les droits fondamentaux de tout être humain, qui sont, pour reprendre la première Déclaration des Droits de l’Homme, la liberté, la propriété et la résistance à l’oppression.

Cela n’avait rien d’évident quand on sait qu’en France une femme ne pouvait disposer sans l’accord de son mari des revenus de son propre travail jusqu’en 1907 ; et ce n’est qu’en 1965 que les femmes obtiendront le droit d’engager les biens du ménage. Malgré la persistance de dispositions discriminatoires vestigiales telles que la loi sur le travail de nuit, on peut dire que le combat des suffragettes, qu’on cite trop rarement comme cas exemplaire de désobéissance civile vertueuse, a clôturé pour l’essentiel cette période historique de la lutte pour l’égalité devant la loi.

 

Le féminisme de deuxième génération : l’émergence d’un avatar du socialisme

Quand le féminisme de deuxième génération commence-t-il exactement ?

Je ne saurais le dire, mais ce que je sais, c’est qu’il ne prend plus ses racines dans le libéralisme des Lumières mais dans l’idéologie socialiste qui a été l’idée-phare du XIXe siècle. La liberté n’est plus recherchée ; bien au contraire, elle est l’instrument par lequel la classe dominante peut exercer son pouvoir sur la classe dominée. Fruit d’une confusion conceptuelle sur les notions de liberté et de pouvoir, cette vision popularisée par le marxisme qui oppose possédants et prolétaires est facilement transposable à toute autre question sociale.

C’est ainsi, au nom du combat contre une idéologie imaginaire pompeusement intitulée « patriarcat » comme d’autres ont parlé de « capitalisme » avant que ce terme ne soit réinvesti, que naît le féminisme de genre, ou gender feminism, pour qui les femmes sont une classe opprimée et qui substitue l’égalité des conditions à l’égalité des droits.

Bien entendu, s’il n’y a personne pour le déconstruire et en expliciter les dangereux ressorts, ce type de vision populiste ne peut qu’avoir du succès chez la masse des médiocres, toujours prêts à penser que leur manque de succès ne saurait être lié qu’à une conspiration contre eux-mêmes et les leurs, et non au peu qu’ils ont de talent et de désir d’apporter au monde.

Il génère aussi, de façon quasi-automatique, des extrémistes dangereux. Le socialisme, sous sa forme nationaliste ou non, a mis le monde à feu et à sang. Fort heureusement, les rapports naturels entre les êtres humains étant ce qu’ils sont, la haine aveugle d’une altérité dont la nature impose la proximité ne convainc que des marginaux, et les dégâts du féminisme de genre seront plus limités. C’est ainsi qu’en 1967, Valérie Solanas, qui n’a jamais rencontré des hommes que le pire, écrit un manifeste qui pourrait être qualifié de Mein Kampf de l’extrême féminisme, et qui invite à exterminer tous les hommes sauf quelques spécimens conservés pour la reproduction. Ce n’est pas sans rappeler dans une ironie sinistre les écrits terrifiants du tueur fou Elliot Rodger, qui voulait faire subir aux femmes le même sort. En 1968, frustrée de ne pas être publiée, Valérie Solonas tente d’assassiner Andy Warhol qui en restera handicapé jusqu’à la fin de ses jours.

 

Le féminisme de troisième génération : les habits neufs de la haine de genre

Le féminisme de troisième génération est au féminisme de seconde génération ce que l’altermondialisme est au socialisme post-soviétique.

Devant le désinvestissement par la jeunesse d’une idéologie ringardisée et la concurrence d’une réaction parfois plus malfaisante encore mais bien plus attrayante, il s’agit alors d’utiliser les mêmes méthodes tout en y intégrant des causes annexes de nature à la moderniser. Là où les altermondialistes ont intégré le mouvement écologiste, historiquement réactionnaire, ainsi que les divers mouvements de lutte contre le racisme qu’ils ont réussi à corrompre idéologiquement, les féministes de troisième génération ont intégré à leur cause les mouvements de revendication des minorités sexuelles. C’est ce que l’on appelle le mouvement LGBTQIA, pour lesbiennes, gay, bi, trans, queer, intersexuels et asexuels. Ce mouvement, du reste, n’a de réalité que pour s’opposer à la vision traditionnelle et majoritaire de l’identité sexuelle, tant la plupart des membres politisés de ses différentes composantes ont des préjugés déplorables les uns envers les autres et ne se fréquentent que fort peu hors des événements militants qui les rassemblent. La différence… Quelle différence ?

Les altermondialistes, tout en ne prônant plus la dictature du prolétariat, promettent un « autre monde » où chacun pourrait vivre en produisant des choses dont personne ne veut à un prix guidé non par ce que l’acheteur est prêt à payer mais par ce qu’ils considèrent comme un revenu souhaitable pour chacun. Le seul problème est que cela ne peut en réalité s’envisager sérieusement sans une économie dirigée dont on sait pertinemment qu’elle est vouée à l’échec.

De la même manière, les revendications centrales des féministes de troisième génération n’ont que superficiellement évolué par rapport aux précédentes. Leur schéma idéologique repose toujours sur une vision pervertie de la nature humaine, une haine catégorielle mal dissimulée et le sentiment que tout leur est dû. Leurs méthodes, quant à elles, sont bâties sur le mensonge, la calomnie et l’intimidation.

(À suivre)

 

La suite : Le féminisme de genre, parasite de la cause de la liberté des femmes 2/3

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  • Article particulièrement intéressant, et je suis heureux de voir le sujet traité sur Contrepoints, chose que j’attendais depuis longtemps !

    Cependant, je tiens à affirmer que l’isonomie juridique ne date, à proprement parler, pas du libéralisme classique des Lumières. L’Eglise a contribué en grande partie à la reconnaissance de la femme en tant qu’égale de l’homme.

    Ainsi, Paul, dans un épître (Galates, III, 26-28) affirme qu’ « il n’y a ni Juif ni Grec, il n’y a ni esclave ni homme libre ; il n’y a ni homme ni femme, car tous vous ne faîtes qu’un dans le Christ Jésus. » La femme, non plus, ne comptait pas dans le monde méditerranéen ancien, mais les hommes et femmes, dans la Gloire de Dieu, sont égaux et ces distinctions secondaires. Et pourtant, Paul est juif et de citoyenneté romaine.
    De même, dans l’Europe chrétienne, de nombreuses femmes gouverneraient tant des provinces que des principautés et royaumes (ainsi Jeanne de Flandres). De plus, certaines femmes seront chanoinesses et appelées à la sainteté. In jure, et uniquement à titre d’exemple, l’Eglise est parvenue, au XIIe siècle, à affranchir la fille du consentement paternel quant à son mariage chrétien. Or, les tribunaux ecclésiastiques était particulièrement appréciés pour la qualité de leur justice et avait une compétence assez étendue tandis que les autres tribunaux, notamment seigneuriaux et de commerce, étaient soit plus spécialisés, soit moins efficaces (et c’est un très bon exemple de justice en concurrence pour les anarcapistes ! :D).

    Bref, tout ceci pour dire que le féminisme comme égalité en droit est bien plus vieux qu’on peut le penser ! Limite, si ça intéresse le lectorat et la rédaction de Contrepoints, il y a moyen que j’en fasse un article !

    • Je serais très intéressé de pouvoir vous lire sur ce sujet-là, comme d’autres.

    • 3Je veux cependant que vous sachiez que Christ est le chef de tout homme, que l’homme est le chef de la femme, et que Dieu est le chef de Christ.

      1 Corinthiens 11

    • A ceux qui souhaitent en savoir plus sur le rôle que le christianisme a joué dans l’émancipation des femmes, je conseille la lecture de cet ouvrage: « La femme au temps des cathédrales » de l’historienne Régine Pernoud.
      Il se complète avec son « Histoire de la bourgeoisie en France »(2 tomes).

  • Oh je trouve cela intéressant. L’impression que j’ai est que pour toute chose combattue la suite n’est pas forcément la libération. Comme si le combat nous enfermé dans un autre carcan.
    J’aime néanmoins votre référence à Paul, Serpico!

  • Merci pour cet article excellent tant par l’importance de son sujet que par la qualité de sa rédaction.

    La perversion progressive du féminisme original est le parfait témoin de la route (de la servitude) empruntée par la société tout entière et je ne m’explique par la frilosité de certains libéraux sur tout ce qui touche à ce sujet.
    Votre billet n’est pas seulement instructif, il est salutaire.

    @Serpico

    Je ne parle que pour moi mais votre connaissance historique m’intéresse sincèrement et mérite d’être partagé sur ces colonnes.

  • Il existe bien une filiation intellectuelle et organique, une matrice intellectuelle commune aux anticapitalistes qui diabolisent la mondialisation et qui ont enfilé les pantoufles de ceux d’avant 1989, et les féministes du 3ème type noyautées par les LGBT, mais attention aux amalgames et contresens, si « la concurrence d’une réaction parfois plus malfaisante encore » vise les extrémistes PRO CHOICE. Un curieux tropisme français est l’ ignorance de l’histoire bien distincte des idées et des mentalités de votre propre pays et celle des autres. Elle brouille toute visibilité et conduit à imaginer cette attirance collective d’une poignée d’ illuminés, nuisibles certes, criminels parfois, pour une autre secte, tout aussi marginale et insignifiante, alors que le réseau LGBTetc coiffe tout cela, il est désormais le plus puissant de France. Il a détrôné les autres (franc-macs, calotins,énarques) car la nature a horreur du vide

  • « […] et qui substitue l’égalité des conditions à l’égalité des droits. »
    J’aimerai savoir ce que vous trouvez de mal à vouloir une égalité des conditions (sous-entendu sociales) entre les hommes et les femmes ?
    J’entends ici l’expression « égalité des conditions » comme signifiant l’égalité dans les faits, en plus de l’égalité aux yeux de la loi, ce qui est bien sûr nécessaire en plus de l’égalité des droits qui n’a aucune valeur si elle n’est pas appliquée.

    De plus je ne vois pas bien ce que ce désir d’égalité dans les faits en plus de l’égalité dans la loi a de populiste comme vous le dites dans le paragraphe suivant.

    • « l’égalité des droits qui n’a aucune valeur si elle n’est pas appliquée. »
      troll ou pas?
      Nous avons tous le droit de devenir milliardaires. C’est appliqué , non? Et pourtant ce n’est pas la condition observée. Une loi, vite?

    • Je suis tout à fait d’accord sur le fait que les Hommes sont inégaux en potentialité. Mon point est que tous devraient avoir les mêmes chances au départ auxquelles seules leurs particularités et capacités respectives viendraient s’ajouter. Or dans de nombreux cas des discriminations viennent s’ajouter, celle-ci pouvant avoir plusieurs origines (historiques, culturelles…). Certains de ces cas sont liés à des discriminations hommes/femmes et je pense qu’il est nécessaire de lutter contre ces inégalités pour que chacun ait la possibilité d’exprimer pleinement ses capacités sans restrictions, pour que chacun puisse utiliser sa liberté sans contrainte.

      • C’est tjs pareil l’enfer est pavé de bonne intention (quoique j’en doute).

        « Je suis tout à fait d’accord sur le fait que les Hommes sont inégaux en potentialité. »
        Hé bien n’en parlons plus.
        Vous allez comment savoir si l’inégalité de résultat (que je trouve une bonne chose) n’est pas due uniquement à cette différence de potentialité.
        Qui êtes vous pour décider de la place des gens et pour discriminer (parce que c’est ce que vous voulez faire, pas moi) et contraindre les gens.
        Moi je ne veut pas discriminer vous oui.

      • Mais, Gibi, l’égalité de départ est une horreur, c’est inhumain car l’homme se projette, les parents se projettent, s’investissent pus ou moins de manière égocentrique ou alors se consacrent à leurs enfants. L’inégalité de départ est patente, humaine et liée à notre nature et à nos choix qui ont des conséquences. Vouloir briser ces différences, c’est nier notre civilisation, nier la famille, nier la liberté et la responsabilité.

  • Merci pour ce bel article qui introduit une « nuance » de taille entre « les féministes », une nuance sacrément nécessaire pour arriver à débattre de certains sujets avec certains et certaines …
    Vivement la suite …

  • Un sujet dont ont ne parle pas suffisamment sur ce site, merci pour cet article.

  • « La liberté n’est plus recherchée ; bien au contraire, elle est l’instrument par lequel la classe dominante peut exercer son pouvoir sur la classe dominée. »

    Oui c’est la définition même que le Socialisme donne à la Liberté : le Pouvoir !

    Article intéressant, merci !

    • Exactement. D’ailleurs, l’on peut constater que les dictatures socialistes se pavanent sans cesse des mots « liberté » et « démocratie ».

      • Elles veulent façonner l’homme à leur image et le rendre libre à leur condition… un tel non-sens est pathétique.
        Et elles associent le mot « populaire » afin de donner l’impression qu’il existe une masse qui soutient leur programme. République populaire, démocratie populaire… Au fond, si nous laissions n’importe quel parti politique français (socialiste par exemple) aller au bout de son programme sans contre-pouvoir, nous assisterions à la même situation que dans ces dictatures : tous défendent des intérêts particuliers au nom du prétendue masse populaire majoritaire qui les soutiendrait

  • La tension entre l’égalité et la liberté est le noeud gordien de la démocratie et les inégalités NATURELLES, celles de la force ou du talent, par ex., en sont le carburant. Si l’on faisait lire Tocqueville et Condorcet à nos lycéens et étudiants au lieu de Rousseau, ils auraient plus de discernement et ne tomberaient pas dans le piège de l’antilibéralisme primaire qui fait d’eux des perroquets décérébrés.
    L’Ecole de la raison, celle qui n’en finit pas d’agoniser depuis 40 ans que l’égalitarisme y fait la loi, respecte ces inégalités NATURELLES et elle les exploite, elle les met à profit pour développer et encourager la méritocratie républicaine, qui s’est substituée à l’aristocratie de jadis. Or, le nivellement social imposé d’en haut est un pilier de la doxa socialiste; égalitariste donc illibérale.
    C’est pourtant limpide et l’histoire ne cesse de nous le confirmer: l’égalitarisme est liberticide par essence et la liberté doit impérativement primer sur l’égalité pour avoir une chance d’exister. Milton Friedman l’exprimait ainsi: A society that aims for equality over liberty will end up with neither liberty nor equality; If it chooses liberty over equality, it may end up with a fair measure of both.

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Pierre Valentin est diplômé de philosophie et de science politique, ainsi que l'auteur de la première note en France sur l'idéologie woke en 2021 pour la Fondapol. Il publie en ce moment Comprendre la Révolution Woke chez Gallimard dans la collection Le Débat.

 

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