Une rigueur sans précédent va frapper de nombreux ministères, qui devront consentir des baisses microscopiques de dépense et n’ont même pas la certitude ou l’ambition d’y parvenir réellement. Il existe pourtant de réels moyens de réduire la dépense, qui ne seront sans doute jamais appliqués faute de dirigeants dignes de ce nom.
Conceptuellement, il existe deux moteurs d’évolution de la dépense publique : les prérogatives de l’État (ses missions), et la façon dont elles sont remplies, que l’on peut décomposer sous forme d’objectifs d’une part et de moyens d’autre part.
On pourrait donc d’abord envisager de réduire la dépense publique en réduisant les prérogatives de l’État. Si ce dernier ne se donnait plus pour mission de lutter contre le chômage, il pourrait économiser tout ce qu’il dépense aujourd’hui inutilement pour camoufler à court terme une partie des demandeurs d’emploi. On pourrait aussi considérer que ce n’est pas à l’État d’organiser les villes et de choisir ce qu’on peut construire chez soi, de choisir quelle culture doit prévaloir, de financer une presse que les Français ne lisent plus, etc. Les économies, on le comprend aisément, sont substantielles, et la France se porterait d’autant mieux à long terme que l’État intervient moins. Mais il faut un vrai courage politique, ou une vraie nécessité, pour que les Français acceptent l’idée même que la solution est entre leurs mains, plutôt qu’entre celles de leurs élus qui se servent dans les poches des autres.
On peut donc, tout en conservant les mêmes missions, se fixer d’autres objectifs. Les missions de « service public », par exemple, peuvent être redéfinies ; à l’heure des courriers électroniques, il semble concevable que la distribution du courrier soit moins fréquente, nécessitant d’autant moins de postiers. On pourrait même imaginer que toute la distribution soit, elle aussi, électronique ; les globe-trotters ont déjà recours à des services postaux leur envoyant un document électronique consultable n’importe où pour chaque courrier reçu. Les formations dispensées aux demandeurs d’emploi pourraient aussi être plus ciblées, et destinées à leur permettre de trouver un emploi plutôt qu’à les occuper pour un moment. Cette redéfinition des objectifs est un levier important et rarement inclus dans le débat public, réservé le plus souvent à des discussions entre hauts fonctionnaires et conseillers.
Mais sans même redéfinir les missions de l’État et modifier ses objectifs, il est possible de réaliser d’importantes économies en redéfinissant les moyens employés pour remplir les mêmes missions avec les mêmes objectifs.
Les entreprises prévoient généralement leur budget pour l’année suivante sur la base du budget de l’année en cours, et c’est le raisonnement aussi adopté par l’État : chaque réforme vise à transformer un peu le cadre existant, à la marge. Même les plus ambitieux politiciens, qui se lancent avec succès dans la course aux plus hautes fonctions derrière le slogan « Le changement, c’est maintenant », se révèlent très mous dans l’exercice du pouvoir et se rangent confortablement derrière cette approche. Mais elle n’est pas unique et, en temps de crise, nombreuses sont les entreprises à chercher à remplir les mêmes objectifs avec moins de moyens.
Pour cela, elles composent un budget futur sur la base non des budgets précédents, mais d’une page blanche ; on appelle communément cette méthode « Budget base zéro », par opposition au « budget base n ». Le mille-feuille administratif français pourrait rapidement être restructuré si on pensait plus en termes d’efficacité que d’héritage ; les administrations, comités, conseils et autres instances qui seraient supprimés sont difficiles à concevoir tant leur enchevêtrement est aujourd’hui obscur.
L’avantage de cette méthode est notamment de percevoir rapidement les redondances et de supprimer les processus inutiles, difficiles à appréhender lorsqu’on observe la situation telle qu’elle est et que l’existant limite l’imagination des possibles.
Mais ces méthodes, qui ont fait leurs preuves dans le privé, ne sont pas adoptées dans le public, et les raisons tiennent à autre chose qu’au manque d’imagination ou d’ouverture des responsables. Leur mise en œuvre suppose quelques pré-requis, qui ne sont pas prêts d’être instaurés.
La fin de l’emploi à vie pour les fonctionnaires est nécessaire pour que les conclusions d’un tel exercice aient la moindre chance d’être suivies. Il faut également un changement des mentalités relevant du choc culturel pour qu’une décision puisse être prise simplement parce qu’elle a du sens ; chaque élu et haut fonctionnaire a ses prérogatives et peut faire échouer des projets pleins de sens pour des raisons parfois obscures. Et c’est ainsi que se révèle la plus grande difficulté, à savoir les objectifs masqués des décideurs.
Beaucoup de fonctionnaires, c’est beaucoup d’électeurs potentiels pour quiconque saura les satisfaire. Beaucoup de comités et administrations, c’est beaucoup d’endroits où placer les copains, voire se recaser soi-même une fois le mandat perdu (quand on ne devient pas tout simplement avocat, vendant son carnet d’adresses et ses services à la manière d’un parrain qui aurait les dents plus longues que sa loyauté).
Il ne reste plus donc qu’à espérer, si l’édifice étatique ne s’effondre pas de lui-même, que les citoyens s’emparent d’un tel projet, redéfinissent leur État et fassent de sa transformation un programme politique. Il leur restera ensuite à convaincre le reste des Français, dont tous ceux dont la redondance au moins partielle serait mise en évidence et corrigée par ledit programme.
Si les citoyens y parviennent toutefois, ils auront alors la chance (sic) de s’apercevoir que notre démocratie est percluse de défauts, et que le peuple a toutes les difficultés du monde à faire entendre sa volonté. Entre les diverses possibilités de blocage par d’autres instances élues et le pouvoir qu’ont les administrations, il leur faudrait avoir encore l’énergie de mener leur combat pour un État qui corresponde à leurs besoins et leurs objectifs, malgré les déconvenues qui résultent toujours de la divergence entre des objectifs ambitieux et ce qu’il est possible de réaliser en pratique.
En attendant, les Français subiront quelques temps encore une inefficacité de l’État déjà insupportable pour beaucoup, mais dont certains profitent sans scrupules.
À lire aussi :
- notre dossier sur comment baisser les dépenses publiques
Excellente analyse, comme d’hab, seulement ca fait deja longtemps qu’on est entres dans un joli dialogue de sourd avec l’etat. J’ai pas mis sourd au pluriel comme il n’y a qu’un sourdingue pathologique dans l’hitoire. La seule maniere tangible et praticable, tragiquement, de reduire la dette, on pourrait lui donner de jolis noms, tous plus ou moins synonymes les uns des autres : faillite, banqueroute, capilotade, culbute, deconfiture historico-financiere, etc…
Votre conclusion, qui est excellente de lucidite, me rappelle inconfortablement la conclusion que fait Matt Frei a la fin de son livre « Italy, the unfinished revolution » (je l’ai lu en Anglais et je n’ai pas le titre en francais s’il en existe une traduction) au sujet de la situation Italienne vis a vis d’une application et respect universels de la loi par tous, la ou une immense majorite d’italiens la reclame mais ou bien peu acceptent de ne pas faire exception a celle-ci.
Un début de réponse avec « nous citoyens »…
Ce mouvement est une grosse blague.
+ 1
C’est le seul à proposer une alternative acceptable aux libéraux.Faites qu’ils aient un candidat en 2017 et qu’ils montent en force.
Etant donné les diverses résistances institutionnalisées, destinées à interdire tout arrêt dans la marche en avant vers toujours plus de collectivisation, Il est hautement improbable que la seconde méthode puisse jamais être mise en oeuvre.
Il faudra donc couper, soudainement et profondément, en quelques jours, par l’abandon de pans entiers de ces missions non régaliennes indûment envahies par l’Etat.
Oui, la contrainte viendra de l’extérieur. Ce sera soudain, et les politiques pourront agir au nom des méchants marchés qui les contraignent …
Tant qu’ils n’auront pas une cautoin pour se dédouaner, evedemment ils ne feront rien. Ils l’attendent, bardés d’edredons pour amortir le choc : nous trinquerons, pas eux.
À la suppression de l’emploi à vie des fonctionnaires, il faudra ajouter l’interdiction de voter et de se faire élire.
je dirai plutôt pondérer chaque voix en fonction des impôts payés…
Oui; le retour au suffrage censitaire sur la base de l’IRPP est une évidence. Quant à parvenir à se faire élire sur un tel programme…
Prenons l’exemple de la Poste.
Ils vont bénéficier du CICE car comme un chacun sait, la Poste innove et est soumise à la compétition internationale tous les jours
On va augmenter les tarifs dans des proportions hallucinantes (baisse du volume oblige)
On ne va pas toucher aux effectifs
Une boîte qui ne déciderait pas de ses tarifs se poserait la question, par exemple, d’avoir à relever une boîte postale tous les douze mètres.
En Allemagne, il y a une boîte postale par quartier, pas une par rue. Personne ne se plaint de la qualité du service.
Ah ! en Allemagne 1 boite par quartier ça marche surtout les vieux et vieilles ça marche bien alors tiens copions sur l’ Allemagne …
Je ne partage pas l » avis de l’ auteur de l’ article oui les postiers ont moins de courrier mais les dirigeants ont une idée PLUS positive que de réduire donc celle de proposer d’ autres services /
On l’a déjà fait pour les poubelles : suppression et remplacement par des « molock », pas toujours aussi proche.
Je connais un cas, ou il faut se payer une cote, et traverser la route.
Alors là, si on est vieux et plein d’arthrose, sans voiture, on déguste.
On est plus à cela près 🙁
Bien sur, aller faire ses courses c’est moins lourd que d’envoyer les emballages vides à la poubelle. Moralité les douleurs de l’arthroses sont inversement proportionnelles au poids.-)))))
En voiture pas de problème …
Enfin, c’est pas le mien.
je résume,
Oui, aux services publics,
Non à la fonction publique
Le boulanger remplit une mission de service public et n’est pourtant pas fonctionnaire.
Il ne faut pas remplacer le dogme collectiviste par un autre dogme concurrentiel….
Personnellement, ce qui m’interesse, c’est l’efficience globale des dépenses publiques et des dépenses des ménages/entreprises….
c’est la dérive normative et l’inflation législative qu’il faut combattre…
J’aime l’exemple du Permis de Conduire.
– aujourd’hui passage obligé par un examinateur fonctionnaire = cout de l’examen + cout de la pénurie d’examinateur + cout de l’inflation des contenus parasites ==> et tout ça sans impact sur la qualité de la conduite et la sécurité routière….
– reduction des couts pour le citoyen devrait être : attribution du permis provisoire par auto école responsabilisée + attribution automatique au bout de 3 ans avec encore 1 pt minimum + suppression de 75% des fonctionnaires + conserver les 25% restant pour le controle statistique à posteriori et inspection des autoécoles.
ce n’est qu’un petit exemple…
Autre chantier : si la concurrence est bonne pour la téléphonie, c’est surement aussi bon pour l’éducation, la santé…
Il y a bien plus simple pour le permis de conduire: obligation (comme actuellement) d’etre assure au tiers.
C’est a la compagnie d’assurance a examiner comme elle le veut son client pour savoir s’il est bon conducteur ou pas.
On a juste besoin des fonctionnaires (policiers) pour faire respecter l’obligation d’assurance.
@baba
Je n’ai pas d’appétence particulière pour remplacer un pouvoir par un autre!
D’autant que les assureurs brillent par leur cupidité ( maintien de la rente du malus/bonus)
La rente du malus/bonus c’est parce que la concurrence ne joue pas bien son role: il y a de tres grosses barrieres a l’entree pour creer une entreprise d’assurance, et les contrats ne sont pas vraiment libres (mentions obligatoires/interdites)
Dans l’absolu, je prefererai aussi me passer de l’obligatoin d’assurance (qui est de toute facon de moins en moins respectee) mais je ne vois pas de solution au probleme de gens irresponsables qui rouleront a tombeau ouvert dans des poubelles et tueront sur leur passage (en se tuant eux-meme dans le meilleur des cas)
Si vous avez une solution sans coercition, je suis preneur!
Vous avez des ébauches d’idées, aucune ne va au fond des tous ces problèmes résolus par vous en une trentaine de lignes.
Bien sur, sur tout il est simple de dire un contraire, donc, essayez de vous faire élire (j’en doute) et passez aux actes.
L’économiste Milton Friedman qui a consacré sa vie à démontrer de façon empirique que les programmes gouvernementaux sont invariablement inefficaces, explique qu’il y a quatre façons de dépenser de l’argent:
1- Quand vous dépensez votre argent pour vous-même, vous faites attention autant à ce que vous dépensez qu’à la manière dont vous le dépensez.
2- Quand vous dépensez votre argent pour quelqu’un d’autre (un cadeau, par exemple), vous faites toujours très attention à ce que vous dépensez (combien) et un peu moins à la manière dont vous le dépensez (comment).
3- Quand vous dépensez l’argent de quelqu’un d’autre pour vous acheter quelque chose (par exemple, un repas d’affaires), le montant de la dépense (le coût, combien) vous importe peu, en revanche, vous faites très attention au « comment » et vous êtes très attentif au fait que vous en avez ou non pour votre argent.
4- Mais quand vous dépensez l’argent de quelqu’un d’autre au profit d’une autre personne que vous, ni le montant de la dépense (combien), ni la façon dont l’argent est utilisé (comment) n’ont vraiment d’importance.
Avec les individus, ce sera invariablement les trois premiers qui primeront. Pour les gouvernements, c’est pratiquement exclusivement la quatrième méthode qui prime. C’est pour ça que pratiquement tous les programmes gouvernementaux aboutiront inévitablement avec des dépassements de coûts, du gaspillage et de la corruption.