Le combat entre les grandes entreprises et les libéraux du Parti républicain

Big Business et libéralisme ne font pas bon ménage, comme l’a montré la primaire républicaine en Virginie où un candidat du Tea Party a battu le n°2 de la Chambre des représentants.

Partager sur:
Sauvegarder cet article
Aimer cet article 0
Richmond Virginie CC Fire At Will

La liberté d’expression n’est pas gratuite!

Mais déductible à 66% des impôts

N’oubliez pas de faire un don !

Faire un don

Le combat entre les grandes entreprises et les libéraux du Parti républicain

Les points de vue exprimés dans les articles d’opinion sont strictement ceux de l'auteur et ne reflètent pas forcément ceux de la rédaction.
Publié le 23 juillet 2014
- A +

Par David Boaz, depuis les États-Unis
Un article du Cato Institute

Richmond Virginie CC Fire At WillLes Républicains qui ne cèdent pas aux quatre volontés des grandes entreprises (Big Business) semblent avoir touché le gros lot. Le mois dernier, ces dernières ont perdu la partie lors des primaires en Virginie. En effet, le leader de la Chambre des Représentants, Eric Cantor, a perdu contre David Brat, un inconnu chouchou du Tea Party. Ce dernier a critiqué Cantor pour ses liens avec le monde des affaires et a promis ceci : « Je vais me battre pour mettre fin au capitalisme de copinage (crony capitalism) qui n’avantage que les riches et les puissants. »

Cependant, ailleurs dans le pays, les grandes entreprises ne ménagent pas leurs efforts pour tenter de défaire les rares politiciens aux tendances libérales (libertarian), tant au Congrès que dans les législatures étatiques. Pourquoi, par exemple, ont-elles dépensé autant d’argent pour défaire un élu géorgien républicain en mai ? Il semble que le représentant Charles Gregory était simplement trop libéral pour la Chambre de commerce de Géorgie et pour des sociétés comme Coca-Cola, Delta Airlines, Georgia Power et AT&T. Elles ont soudainement mis sur pied la « Georgia Coalition for Job Growth » (GCJG, Coalition géorgienne pour l’emploi) pour s’opposer à Gregory et aux autres membres du Tea Party.

Ce n’est pas le seul exemple de la saison des primaires. Au Kentucky, des hommes d’affaires ont exercé beaucoup de pression (finalement sans succès) pour que Steve Stevens, président de la Chambre de commerce du nord du Kentucky, se lance dans une course contre le représentant Thomas Massie. Lui-même homme d’affaires, Massie est fortement conservateur d’un point de vue fiscal, mais certains de ses pairs n’apprécient guère son point de vue non interventionniste.

Un consultant d’affaire de Washington a récemment déménagé dans le nord de la Californie pour s’opposer au représentant Tom McClintock, qui combat les earmarks1. « Les représentants doivent livrer la marchandise à domicile pour leurs électeurs », a-t-il dit à un journaliste.

Et c’est tout. Ce n’est pas le mariage homosexuel ni la politique étrangère qui semblent déranger ces grandes entreprises qui nouent des contacts politiques stratégiques. Elles en ont simplement après ces élus libéraux qui ne jouent pas leur jeu, qui ne vont pas chercher leur part du gâteau et qui prennent vraiment au sérieux cette idée d’un État minimal. La plupart des Républicains ne font que prétendre adhérer à cette idée.

Au Michigan, des hommes d’affaires financent la campagne du consultant financier Brian Ellis contre le représentant Justin Amash. Depuis l’élection de ce dernier en 2010, au faîte de la vague du Tea Party, il est devenu le représentant le plus libéral de la Chambre. Il se classe tout juste derrière McClintock, dans un classement tenu par la National Taxpayer Union, quant à ses positions dans les projets de dépense. Il a eu l’occasion d’organiser un soutien bipartisan pour tenter de contrôler la National Security Agency (NSA) – le projet ne manquait que quelques votes à la Chambre pour passer. Il préside aussi le Liberty Caucus à la Chambre. Amash a notamment déclaré au New York Times : « Je suis guidé par des principes ; je suis la Constitution. C’est d’ailleurs pour cette raison que je vote pour un État minimal ainsi qu’en faveur des libertés individuelles et économiques. »

Pourquoi donc des hommes d’affaires de Grand Rapids sont-ils si peu concernés par un jeune élu aussi admirable ? Ils disent vouloir un représentant qui travaillera pour « faire avancer les choses. » Andrew Johnston, le directeur politique de la Chambre de commerce de Grand Rapids, a déclaré ceci au Wall Street Journal : « Beaucoup se sentent frustrés en raison de sa rigidité qui empêche l’avancement des projets de loi. » Il a promis qu’Ellis « aura accès à des fonds en faveur de sa campagne. »

Il n’y a pas que les hommes d’affaires locaux. Des lobbyistes de Washington se rangent aussi derrière Ellis, qui a également utilisé 400.000 $ de son propre argent dans sa campagne. Les fonds reposent surtout sur des prêts, qui pourront être remboursés par davantage de contributions de lobbyistes s’il gagne la course.

Dans un entretien au Weekly Standard, Ellis a rejeté d’un revers de la main la position de principe d’Amash en faveur de la constitution. « Il explique pourquoi il vote de cette façon, mais ça m’importe peu. Je suis un homme d’affaires, je ne m’intéresse qu’aux résultats. S’il y a quelque chose d’anticonstitutionnel, on a un système judiciaire qui s’en occupera. »

La majorité des congressistes votent des lois anticonstitutionnelles, bien que peu d’entre eux en fassent une promesse aussi explicite.

Comme tout politicien aux tendances libérales, Amash a des ennemis, mais aussi des alliés dans le monde des affaires. Plusieurs membres des familles DeVos et Andel, fondatrices d’Amway, ont contribué à sa réélection. Amash demeure populaire parmi les groupes nationaux prônant l’économie de marché.

« Il est la norme de référence des principes constitutionnels au Congrès, a affirmé Dean Clancy, ancien vice-président aux politiques publiques à FreedomWorks, au journal The Hill. On a eu vent que l’establishment de K Street2 veut le mettre KO ; nous avons la ferme intention de répliquer à chaque coup. »

Ce sont les questions économiques qui ont contribué à ce que les personnes influentes du monde des affaires d’Atlanta se liguent contre le représentant Gregory, un grand partisan de Ron Paul, l’ancien candidat à la présidentielle. Le problème n’était pas qu’il militait pour la légalisation des drogues ou le rapatriement des soldats d’Afghanistan. Non, rien de tout cela : les pubs et les sites internet dirigés par la GCJG l’accusaient de voter contre les dépenses d’éducation et contre une mesure intrusive qui obligeait les demandeurs de food stamps3 de passer un test de dépistage de drogue.

Le vrai problème est plutôt qu’il ne soutenait pas les projets de servir la soupe aux entreprises, tels que, par exemple, le déménagement des Braves d’Atlanta (baseball), payé sur fonds publics, dans le comté de Cobb. Un lobbyiste impliqué dans cette campagne a affirmé à l’Atlanta Journal-Constitution : « Nous ne laisserons pas les Républicains libéraux réécrire l’agenda du Parti républicain. »

Il semble peu probable qu’un défenseur de l’économie de marché comme Gregory veuille « réécrire l’agenda. » En revanche, il pourrait tenter de persuader le Parti Républicain d’arrêter les subventions et les ententes en faveur des entreprises.

Cet affrontement entre les libéraux, partisans de l’économie de marché, et les hommes d’affaires ayant un penchant politique ne date pas d’hier. Adam Smith a écrit La richesse des nations pour dénoncer le mercantilisme, le capitalisme de copinage de son temps. Milton Friedman, de son côté, a écrit : « Il existe une idée reçue selon laquelle les gens en faveur de l’économie de marché seraient également en faveur de tout ce que font les grandes entreprises. En réalité, il n’en est rien. »

T.J. Rodgers, le volubile PDG de Cypress Semiconductor, s’inquiète de l’influence corruptrice des entreprises vis-à-vis de l’establishment républicain. « Le monde politique de Washington est complètement opposé aux valeurs qui font notre succès sur les marchés internationaux. Il risque de transformer les entrepreneurs en hommes d’affaires étatistes… Les Républicains se réclament de l’économie de marché, mais ils ont montré [sous Bush] qu’ils sont aussi dépensiers que les Démocrates. »

C’est ce que les libéraux (libertarians) s’efforcent de changer, et les hommes d’affaires qui tentent d’épurer les politiciens aux tendances libérales ne font que confirmer leurs craintes.


Traduit de l’anglais par Pierre-Guy Veer pour Contrepoints.

  1. Fonds spécial, inclus dans un projet de loi, qui paie un projet et s’assure du soutien du politicien du district touché pour ledit projet de loi.
  2. Où se trouvent la plupart des firmes de lobbying à Washington.
  3. Carte de débit que les gens les plus pauvres reçoivent pour payer leurs emplettes.
Voir les commentaires (0)

Laisser un commentaire

Créer un compte

La liberté d’expression n’est pas gratuite!

Mais déductible à 66% des impôts

N’oubliez pas de faire un don !

Faire un don

La députée de Paris Sandrine Rousseau (NFP - EELV) possède à l'évidence un talent tout particulier pour combiner à l'infini ses éléments de langage favoris dans ses tweets, quel que soit l'événement soumis à sa verve politicienne. Nouvel exemple fascinant avec la victoire du républicain et ancien président Donald Trump face à la vice-présidente démocrate Kamala Harris dans la course à la Maison Blanche de ce 5 novembre 2024. À croire que tout ce qui fonde la "convergence des luttes" chère à la gauche s'est donné rendez-vous dans sa prose :Poursuivre la lecture

pouvoir d'achat
4
Sauvegarder cet article

Pour se faire une idée de l'état d'une économie, la plupart des économistes s'appuient sur une statistique commune, le produit intérieur brut (PIB). Le PIB représente la valeur des biens et services finaux produits au cours d'une période donnée, généralement un trimestre ou une année.

L'utilisation de cette mesure statistique suppose que le moteur de l'économie n'est pas la production de biens et de services, mais plutôt la consommation. Dans le PIB, ce qui compte, c'est la demande de biens et de services finaux. Étant donné que les dé... Poursuivre la lecture

Voulant rassurer un électorat féminin qui lui fait défaut, le républicain s’est mué en « pro-choice ». Une stratégie sur laquelle il est vite revenu après avoir été vertement critiqué par les évangéliques, prouvant la difficulté pour la droite populiste américaine de trouver un équilibre sur le sujet.

Par Alexandre Mendel

L’arithmétique électorale américaine est une science de laboratoire. Un mauvais dosage de promesses, un mélange de stratégies non miscibles entre elles, et vous voilà à devoir refaire le retard que vous pensiez... Poursuivre la lecture

Voir plus d'articles