Le défaut de l’Argentine : une question complexe et politique

La tendance surprenante de l’Argentine à gérer les crises financières avec une stratégie de matamore est déplorable.

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Le défaut de l’Argentine : une question complexe et politique

Publié le 4 août 2014
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Par Youri Chassin
Un article de l’Institut économique de Montréal

Cristina Fernández de Kirchner et Axel Kicillof
Cristina Fernández de Kirchner, la Présidente de l’Argentine et son ministre de l’Économie, Axel Kicillof.

 

Le gouvernement de l’Argentine se retrouve au seuil d’un nouveau défaut de paiement envers ses créanciers. Après la crise qu’avait entraînée le défaut précédent, en 2001, cette situation a de quoi inquiéter.

Une question de 1,3 milliard de dollars ?

Le gouvernement argentin devait payer ses créanciers au plus tard le 30 juillet. Mais une décision d’un juge new-yorkais lui sommait de s’entendre d’abord avec deux fonds détenant des titres de dettes avant de verser leur dû aux autres créanciers.

L’Argentine doit à ces deux fonds 1,3 milliard de dollars, ce que le gouvernement peut très bien se permettre de payer. Par contre, la décision judiciaire donne aussi à ces deux fonds le droit de se faire rembourser 100% de la valeur de leurs titres de dette alors que 93% des autres créanciers avaient accepté une réduction de ce qu’on leur devait après le défaut de paiement précédent, en 2001.

Le dilemme d’Axel Kicillof, le ministre argentin de l’Économie, c’est que si le gouvernement paie ces deux fonds en totalité, les autres créanciers ayant accepté une entente à rabais pourraient demander le même traitement. Leur entente prévoit en effet une clause (la clause RUFO ou « Rights on Future Offers ») qui garantit à tous les créanciers qu’ils recevront autant que la meilleure entente. Deux fonds obtenant 100% de leur dû pourraient donc accorder de facto 100% des dettes à tous les autres créanciers.

Obéir à la justice est-il un acte volontaire ?

Pour compliquer encore plus toute l’affaire, la clause RUFO mentionne que c’est la meilleure entente « volontaire » conclue par l’Argentine qui compte pour tous les autres. Mais obéir à une décision d’une cour de justice constitue-t-il un acte volontaire ou contraint ?

En fait, le gouvernement de l’Argentine ne veut pas connaître la réponse parce que si la clause RUFO s’applique bel et bien, cela signifierait des dizaines de milliards de dollars à rembourser, exigeant une rigueur budgétaire inhabituelle.

Le judiciaire et le politique

Aux États-Unis, comme au Canada, la séparation entre le pouvoir politique et le pouvoir judiciaire est plutôt étanche. C’est d’ailleurs pourquoi les problèmes financiers de l’Argentine se règlent devant les cours américaines : pour rassurer les créanciers internationaux. Par contre, en Amérique latine, cette étanchéité n’est pas toujours à toute épreuve ! Le gouvernement argentin a donc beau jeu de faire croire à sa population que ce sont les États-Unis qui cherchent à lui dicter sa conduite, un argument populiste déplorable, mais rentable politiquement.

Cette joute politique dont le gouvernement argentin tire parti explique sans doute pourquoi ce dernier gère cette crise avec autant d’insouciance ! Connaissant les conséquences d’un défaut de paiement, on pourrait s’attendre à ce que ce soit une question prioritaire et urgente ! Pourtant, ce n’est que le 29 juillet que le ministre de l’Économie a accepté pour la première fois de rencontrer face à face les deux fonds, à New York !

La tendance surprenante de l’Argentine à gérer les crises financières avec une stratégie de matamore est déplorable. En attendant la onzième heure pour négocier, c’est la qualité de vie de sa propre population que le gouvernement argentin met en danger.


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  • La justice ne fait qu’empêcher l’Argentine d’éluder ses obligations contractuelles, donc la clause RUFO devrait s’appliquer. S’il suffisait de dire « je ne veux pas rembourser » pour éviter son déclenchement, cette clause n’aurait aucun sens.

  • Je comprends la position argentine, ces fonds spéculatifs savaient qu’ils prenaient des risques et se faisaient très certainement grassement rémunérer alors. La possibilité pour un état d’être en faillite est un risque réel, et la valeur de sa monnaie en est le pendant. Et la justice américaine n’est pas la justice du monde comme elle a beaucoup trop tendance à le croire , surtout que les USA refusent obstinément de participer aux tribunaux internationaux ce que nous européens acceptons. Si l’Argentine accepte ce jugement, que vont exiger tous ses autres créanciers? C’est sans issue….le vrai problème de l’Argentine c’est son obstination à rester isolée et de pratiquer un protectionnisme d’un autre age.

    • « Et la justice américaine n’est pas la justice du monde comme elle a beaucoup trop tendance à le croire  »
      Mais dans le cas présent, c’est l’Argentine qui a choisi de se référer au droit américain.

    • Où sont les risques dans ce cas? Si l’Etat fait défaut et qu’on récupère quand même la mise (avec un bénéfice en prime dans le cas des fonds vautours) ? Pourquoi prend-on en compte le « default premium » dans le calcul des taux d’intérêts si quoi qu’il arrive on récupère notre argent?

      • Il y a un risque très réel qu’ils ne respectent aucun de leurs engagements, y compris ces garanties. C’est un régime malhonnête, qui ment constamment à sa population et au reste du monde. Il n’hésitera pas à spolier qui que ce soit s’il pense s’en tirer à bon compte.

        • Vous ne répondez pas à ma question.
          Il ne peut pas y avoir deux niveaux de « default risk ». Soit on honore ses engagements, soit on fait défaut. Et si on a peur d’un défaut on prend des CDS, c’est connu comme combine pourtant.

          • C’est surtout que votre question est complètement stupide. L’Argentine a toujours voulu faire défaut, elle voulait juste arnaquer le plus de gens possible en faisant trainer les choses. Elle ne payera rien, garantie ou pas. Ces garanties ne servent que contre un gouvernement qui respecte le droit, et l’Argentine n’en est pas un. Ces fonds ont parié sur le fait que l’Argentine est un état de droit (c’est là qu’est le risque), et ils ont perdu.

    • salut marc. suis l’exemple de l’Argentine, ce pays chroniquement mal géré par des socialistes hontectomisés, et on en reparle.

    • Et c’est parti, les spéculateurs et gna gna gna…
      Rien a voir, quand t’empruntes de l’argent, c’est aussi a toi de t’assurer que tu peux rembourser. C’est ce qu’on appel les responsabilités. Ces responsabilités sont d’autant plus a prendre quand on prétend diriger un pays et qu’on est payé très grassement pour ça (sans compter ce qui est détourné…).

  • Quand tu vois les guss à la tête de l’état Argentins tu flippes !

  • Dans cette histoire, je trouve surréaliste qu’on puisse défendre l’Argentine, sauf peut-être quand on a peur de se retrouver un jour dans la même situation, d’où par exemple la réaction de Michel Sapin. La situation est semblable aux exemple ci-dessous :

    Empruntez un million à votre banque, tentez de ne la rembourser qu’à hauteur de 300 000 et attendez de voir comment elle réagira. Vous êtes chef d’entreprise, laissez un million de factures en souffrance chez un fournisseur, proposez lui de lui payer 300 000 et attendez sa réaction.
    Ici la situation est la même, l »Argentine n’a pas honoré ses dettes, certains organismes qui en avaient marre de ne pas être remboursés se sont donc délestés de la leur chez des spécialistes du recouvrement de créances qui font…Leur job.

    Et puis bon, un état est au moins aussi vautour que les plus vautours des acteurs de la finance, s’il vous réclame 1 million en impôts et que lui dites « je vous propose de vous payer 300 000 », je parie un petit billet qu’il agira comme les deux fonds qui veulent être remboursés à 100% donc pour la « morale », on repassera !

    • Non, il n’agira comme les deux fonds, car l’Etat possède le monopole de « la violence légitime », donc il t’enverra en prison….
      Deux poids, deux mesures, ceux d’en haut ne font que rarement face a leurs responsabilités.

  • Ceux qui gueulent sur les « fonds vautours » sont les premiers a dénoncer les entreprises qui font de l’évasion fiscale. En gros, ne pas payer ses dettes (encore qu’appeler des impots des dettes ca me fait mal au cul…) c’est immoral quand ça les arrange.

  • Quelle greluche vaniteuse cette Cristina Kirchner…

  • La notion de « dette odieuse et illégitime  » est reconnu par le droit international à tort ou à raison.Maintenant l’Argentine est gérée n’importe comment avec notamment un fonctionnement permanent de la « planche à billets »…Donc tant pis pour elle…

  • A la différence une entrepris e, on ne peut pas liquider un pays. C’est pour cela que le réglement d’une crise d’édettement est toujours politique, il me semble.

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Entretien original paru dans La Nation le 23 août 2024. 

 

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