Par Frédéric Mas.
Le début des années 1970 annonce le renouveau intellectuel du libéralisme politique, après sa longue éclipse amorcée quelque part entre les deux guerres. Robert Nozick, David et Milton Friedman, John Rawls, James Buchanan ou encore Michael Oakeshott signent leurs principaux essais à cette période. Pour tous, l’ambition est de redéfinir et de clarifier le sens du libéralisme pour en proposer une version cohérente. Parmi eux, Friedrich Hayek (1899-1992) se distingue par son attachement aux Lumières écossaises. Héritier de David Hume, d’Adam Smith et d’Edmund Burke, il fait de l’ordre spontané des règles et des conventions humaines le cÅ“ur de sa définition du libéralisme politique :
Le concept central du libéralisme est que, par l’application de règles universelles de juste conduite, qui protègent le domaine privé individuel reconnaissable, un ordre spontané apparaîtra de lui-même dans les affaires humaines, d’une complexité plus grande qu’aucun arrangement délibéré n’aurait pu en produire, et que, par conséquent, les actions coercitives de l’État doivent être cantonnées à l’application de telles règles, quels que puissent être les autres services rendus par l’État dans l’administration des ressources particulières mises à sa disposition pour des buts précis.
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Source : Friedrich A. Hayek, Essais de philosophie, de science politique et d’économie, Les Belles Lettres, p. 250.
Si certains rejettent l’ordre spontané, c’est qu’ils dénient à la société, à la collectivité humaine, à chacun de nous, la capacité à créer un ordre social naturel auquel la société parvient par essais successifs, lents et progressifs, qu’on désigne sous le terme générique de tradition, où chacun trouve sa juste place en fonction des efforts qu’il consent. Pourquoi ? Sans doute parce que dans cet ordre social spontané, ils n’ont pas la place qu’ils jugent devoir mériter, quelque part, tout là -haut, sans avoir à travailler, donc en refusant de rendre service à autrui, unique définition de la solidarité, travail à la mesure de leurs ambitions personnelles. Le socialisme résulte de cette incroyable prétention humaine fondée sur l’égoïsme, la haine, la jalousie et l’envie, bref le choix du mal contre le bien, qu’il serait possible de construire artificiellement un nouvel ordre social où, bien sûr, les impétrants socialistes imaginent qu’ils seront en position de force vis-à -vis d’autrui, évidemment sans avoir besoin de fournir autant d’efforts qu’il serait nécessaire s’ils avaient dû respecter l’ordre spontané traditionnel.
Quand, par malheur pour autrui, à force de mensonges idéologiques, ils sont parvenus au pouvoir, ils provoquent sciemment toutes les crises imaginables pour ne surtout pas redescendre à leur juste place, tout en bas, là où ils doivent être de droit. Mais voilà , arrive toujours ce moment de justice immanente où il faut payer le prix de l’incroyable prétention, le prix de la corruption des institutions humaines devenues immorales parce que placées sous la sujétion de ceux qui y usurpent leur place, du fait d’une profonde et cruelle absence de mérite.
La France, en 2014.
Je lis avec intérêt vos commentaires et vous avez tout dit Sud le socialisme, mais je doute que peu de français aient cette lucidité….
oui enfin… ce sont des réflexions éthiques et morales, pas économiques.
Au passage, le Socialisme, c’est l’abolition de l’État… cela n’a rien à voir avec l’Étatisme, qui est la première forme du Capitalisme (cf : Weber, L’Éthique protestante et l’esprit du capitalisme ; et Bismarck et son État Providence).
Le Socialisme vise à fonder les interactions libres des individus sur la démocratie, et non plus sur le marché. Cela consiste simplement à remplacer le suffrage censitaire des actionnaires (seuls ceux qui ont de l’argent ont le droit de vote), par un suffrage universel (tout le monde vote).
Le Socialisme est donc une forme de libéralisme, dans lequel l’ordre spontané n’est plus le produit d’une dynamique de marché et de négociations commerciales, mais le produit d’une dynamique démocratique et de débats rationnels.
Soit dit au passage, le développement de l’automatisation nous amène à un taux de chômage immense, et ce faisant, les dynamiques de marché permettant l’ordre spontanée ne vont plus être possible. Si on a plus de 50% de chômage, que la majorité des structures de production sont automatisées, le marché ne permettra plus une dynamique interindividuelle, mais placera toutes les décisions dans les mains d’un tout petit nombre de personnes à la têtes des États-Nations et des grands trusts monopolistiques. Sur ce sujet, voir les derniers propos de Larry Page ( PDG de Google ), et la vidéo très libérale qui fait le Buzz outre-atlantique : Humans Need Not Apply
https://www.youtube.com/watch?v=7Pq-S557XQU
http://www.techtimes.com/articles/9929/20140708/google-ceo-larry-page-believes-working-too-much-is-bad.htm
Comme Schumpeter l’avait très bien compris, comme John Rawls l’explique à demi mot (la loterie sociale ), le libéralisme, pour survivre, a besoin du Socialisme.
C’est fou comme aujourd’hui les gens confondent totalement le libéralisme avec Hayek et Friedman…. Or, ils ne sont pas des libéraux, ils sont des anti-keynésiens, et cela n’a rien à voir. Le Libéralisme n’a pas besoin de se définir négativement. Le libéralisme, ce n’est pas l’inverse de Keynes.
La filiation historique c’est : John Lock, David Hume, Stuart Mill, Adam Smith, David Ricardo, Karl Marx, Joseph Schumpeter, John Rawls. Eux, ont défini positivement leurs théories.
Fridmann et l’école de Chicago, c’est une tentative malheureuse, dogmatique, de retourner aux conceptions de Smith en faisant croire que c’est le marché qui créé la richesse (ce qui est totalement absurde, comme Ricardo et Marx l’ont démontré sans difficulté).
La création de richesse et la valeur proviennent du travail (Ricardo, Schumpeter), pas du marché (Smith, Friedman). D’ailleurs, John Lock lui-même fondait la propriété privée sur le travail (ce qui a fourni la base argumentative pour justifier l’expropriation des indiens d’Amérique qui n’exploitaient par leurs terres).
Ce qui créé ou non la croissance, ce n’est pas l’État (Keynes) ou l’absence d’État (Friedman…) ; ce sont les révolutions permanentes des structures de l’appareil de production (Marx, Schumpeter).
Vous pouvez augmenter les impôts et la redistribution (Keynes), ou baisser les impôts et les dépenses de l’État (Friedmann) : CELA NE CRÉÉ PAS D’EMPLOIS, NI DE RICHESSES.
Ce qui créé de la richesse : ce sont les révolutions technologiques (Marx, Schumpeter). Par exemple : la révolution de l’automobile et de la plasturgie dans les années 50, Internet dans les années 2000… et les greentechs dans les années 20.
Bref : pour que les libéraux retrouvent de la voix dans le débat politique, il serait grand temps qu’ils arrêtent de se définir négativement par rapport aux Keynésiens, et qu’ils s’appuient sur la triade RICARDO – MARX – SCHUMPETER.
Les Théoriciens de l’économie : Friedrich von Hayek https://www.youtube.com/watch?v=v0ZBpfY431A