Par Vincent Andrès
« La meilleure arme d’une dictature est le secret, mais la meilleure arme d’une démocratie
devrait être la transparence. » — Niels Bohr
« Le journalisme c’est publier ce que quelqu’un d’autre ne veut pas voir publié.
Tout le reste relève des relations publiques ». – George Orwell
Suite au buzz récent autour de la vraie fausse sortie prochaine de Julian Assange de l’ambassade d’Équateur, Contrepoints est au regret de ne pas s’associer à ses collègues de la presse mainstream pour répéter en boucle à quel point nous ne savons rien à ce sujet. Par contre, plutôt que de gaspiller des temps de cerveaux à débiter des non-informations, nous saisissons cette opportunité pour rappeler quelques éléments dans cette affaire tristement emblématique des atteintes étatiques aux libertés.
Rappel préliminaire : Julian Assange n’est inculpé de rien.
Les accusations contre Assange sont fabriquées
Le préservatif utilisé comme preuve contre Assange ne contient pas son ADN comme le relatent deux sources ici et ici. Dans d’autres affaires, la justice se montre souvent plus tatillonne quant à la crédibilité du témoin qui a fourni une pareille « preuve ».
Des photos d’Assange et de l’une de ses « victimes », Anna Ardin, 48 heures après les faits. La même Anna Ardin qui tweete alors : « Sitting outdoors at 02:00 and hardly freezing with the world’s coolest smartest people, it’s amazing ! »
Une des deux plaignantes n’a même pas signé sa déclaration de témoin… Quelle est alors la valeur juridique (et morale) de ce document au nom duquel Julian Assange est réclamé ?
L’officier de police en charge de l’investigation est un ami de l’une des plaignantes.
Une infographie pour résumer tout ça.
La liste des irrégularités dans le traitement de l’affaire, aussi bien par la justice anglaise que par la justice suédoise, est trop longue pour ce court article de synthèse. Le lecteur intéressé doit consulter les sites spécialisés sur ce dossier : justice4assange.com, wikileaks actu francophone. En juin 2014, pas moins de 59 associations internationales Å“uvrant pour les droits de l’homme ont saisi l’ONU pour faire cesser les violations constatées dans cette affaire.
La « justice » au service de l’État et le deux poids deux mesures
Les États-Unis refusent d’extrader l’ex président Bolivien, accusé de génocide… mais réclament Julian Assange.
Faut-il rappeler la liberté dont jouissait Pinochet en Angleterre, et les polémiques, alors qu’il était accusé non pas de viol, mais de crimes contre l’humanité ?
Pas un seul des crimes de guerre mis en lumière par WikiLeaks n’a fait l’objet d’investigations ou de poursuites. Les victimes, réelles, se comptent pourtant en centaines.
Tous ceux qui ont entraîné les États-Unis dans la guerre en Irak sur des allégations mensongères (armes chimiques etc.) n’ont encore jamais été inquiétés. Pas le moins du monde.
Pour mémoire, l’État américain a refusé de rendre publiques les transcriptions (greffier) du procès Manning (c’est dire s’il est fier de ce procès) obligeant la défense à financer son propre sténographe.
On pourrait aussi s’appesantir sur les attaques informatiques subies par WikiLeaks et dont les auteurs n’ont été ni recherchés, ni bien sûr identifiés.
Visa & MasterCard autorisent les donations au Ku Klux Klan, mais ont bloqué WikiLeaks.
On pourrait hélas longuement prolonger cette liste. Voilà en 2014 nos « États de droit » à géométrie variable. Les fripouilles semblent être partout dans l’appareil d’État, jusqu’au sommet, et les justes persécutés.
Le vrai crime d’Assange
« Government is the Entertainment division of the military-industrial complex. » –– Frank Zappa
Le véritable crime de Julian Assange est d’avoir participé à la révélation des informations sur les ignominies que commettent quotidiennement les États. Bref, d’avoir fait du journalisme (au sens originel du terme). Et en particulier d’avoir contribué à la diffusion d’une fameuse vidéo sur un massacre de civils depuis un hélicoptère en Irak en 2007, vidéo vue des millions de fois. Crime de guerre toujours impuni.
Le contribuable occidental doit absolument continuer à croire aux fariboles de la « noble lutte pour la démocratie au loin » de manière à continuer à financer ces diversions, et les bonnes affaires du complexe militaro-industriel. Informer le public sur la réalité d’un conflit est donc effectivement un crime contre les intérêts des groupes qui instrumentalisent l’État à leurs propres fins.
Les accusations proférées contre Julian Assange n’ont pas d’autre but que de lui coller un fil à la patte (et également de le salir à peu de frais) pour le ramener aux États-Unis le moment venu et vraisemblablement l’y emprisonner pour une très longue durée à titre d’exemple pour tous les autres whistleblowers de par le monde. L’État apparaît dans cette affaire pour un ramassis de voyous qui pratiquent l’intimidation de tous, citoyens, journalistes, blogueurs, lanceurs d’alertes, via la persécution médiatisée de quelques-uns.
La surveillance de Julian Assange à Londres coûte une fortune au contribuable anglais. Certains qualifient cela de gaspillage, mais l’État ne le considère pas ainsi. Ne nous y trompons pas, c’est de facto le coût délibéré d’une intimidation volontairement médiatisée et à destination de tous. Mais, à force de s’asseoir sur la légalité, la légitimité et la morale, c’est tout l’édifice démocratique que les inconscients sapent tranquillement.
Julian Assange n’a pas commis de crime contre le peuple américain, il a commis un crime contre l’État américain, enfin du moins contre ceux qui instrumentalisent l’État américain. Le fait qu’il soit persécuté pour avoir révélé des informations à la population montre bien à quel point l’État américain (comme tant d’autres) est complètement découplé de la population.
WikiLeaks aujourd’hui
Sans tambours ni trompettes (ce qui est bien normal de la part des médias subventionnés) et bien que cela soit rendu compliqué par l’absence de liberté de mouvement de son fondateur, WikiLeaks continue de divulguer régulièrement des informations, sur un rythme mensuel/bimensuel. Tout aussi silencieusement, WikiLeaks a fait des émules dans le monde. En France, mentionnons par exemple WeFightCensorship, le site de Reporter Sans Frontières, ou FrenchLeaks de Mediapart.
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Pour plus de détails, le lecteur intéressé est renvoyé à l’article original ainsi qu’aux liens plus complets ayant servi à l’écriture de cet article de synthèse :
Pour un rappel (non exhaustif) des multiples informations rendues publiques grâce à wikileaks, nous renvoyons aussi à un précédent article de Contrepoints.
Les informations et liens complémentaires que les lecteurs voudront bien communiquer sont d’avance bienvenues.
on comprend mieux pourquoi les merdias en france et ailleurs continuent à nous fournir des infos ( ou plutôt des propagandes ) pour nous endormir ; les assanges et cie ont des convictions qui leur donnent le courage qu’il faut pour nous tenir au courant de tout ce que l’on voudrait nous cacher ; et puis eux n’attendent rien des états sauf la prison dans le meilleur des cas ;
L’histoire de Aaron Swchartz harcelé par un juge psychopathe est aussi symptomatique du pouvoir, octroyé par l’état, que possèdent certains sur les citoyens et dont ils usent et abusent sans vergogne pour protéger leurs privilèges.
Un livre sorti il y a une vingtaine d’années sur la Mafia portait le titre « La Pieuvre ». Aujourd’hui, c’est à l’état qu’il faut donner ce qualificatif.
la question dans tout ça est aussi de savoir si Wikileaks est ou pas un projet gouvernemental visant à promouvoir la transparence politique?
cette question me semble largement plus importante que ce qui se passe en Suède… pourquoi Julian Assange n’explique pas une fois pour toutes quels sont ses liens véritables avec les services secrets et pourquoi autant de mystères autour de son organisation?