Absent du Bundestag mais disposant de sept représentants au Parlement européen, l’AfD, créée en 2013 et réclamant dans sa profession de foi la sortie de l’Allemagne de la zone euro, espère frapper un grand coup fin août.
Par Pierryck Boulet.
Alors que les élections législatives régionales de Saxe se tiendront le 31 août, les récents sondages parient sur une possible entrée de l’AfD (Alternative für Deutschland, Alternative pour l’Allemagne) au Parlement régional. Ce parti espère remporter une nouvelle victoire dans un Land, frontalier de la Pologne et de la République Tchèque, qui lui est particulièrement favorable, puisqu’il y a respectivement obtenu 6,8% et 10,1% des suffrages aux élections fédérales de 2013 puis européennes de cette année.
Absent du Bundestag mais disposant de sept représentants au Parlement européen, l’AfD, créée en 2013 et réclamant dans sa profession de foi la sortie de l’Allemagne de la zone euro, espère frapper un grand coup fin août. Crédité de 6 à 8% des intentions de vote selon les instituts de sondage, le parti de Bernd Lucke franchirait quoiqu’il en soit le seuil des 5%, une barrière à surmonter pour prétendre être représenté au Parlement (Fünf-Prozent-Hürde). Outre une réelle visibilité sur l’échiquier politique, l’AfD pourrait entraîner, par son score historique, la sortie de l’hémicycle du FDP (Freie Demokratische Partei, le parti libéral-démocrate) et du NPD (Nationaldemokratische Partei Deutschlands, le parti nationaliste). En outre, l’AfD viendrait jouer les trouble-fête en empêchant la CDU, le parti d’Angela Merkel, de remporter le scrutin à la majorité absolue.
Les facteurs d’élargissement de la base électorale de l’AfD
Comme le détaille un article du Spiegel paru cette semaine, les cadres du parti s’appuient sur une rhétorique populiste pour tenter de convaincre une base qui ne cesse de s’étendre. En proposant « davantage d’argent pour les routes allemandes que pour les banques du sud de l’Europe » ou « la fin de l’euro », ils espèrent ainsi s’attirer les faveurs d’abstentionnistes lassés par un discours politique traditionnel auquel ils n’adhèrent plus. À en croire une récente étude de l’Université de Leipzig, une majorité d’électeurs de l’AfD serait par ailleurs sensible aux arguments avancés par les partis d’extrême-droite, sans qu’ils n’aient toutefois voulu grossir les rangs du NPD qui demeure un parti marginal. Alors que d’aucuns estiment que la CDU est obligée de renoncer à de trop nombreux engagements en raison de sa coalition avec le SPD (Sozialdemokratische Partei Deutschlands, le parti socialiste), l’AfD représenterait donc un compromis pour des électeurs qui se positionnaient traditionnellement au niveau de l’aile droite du parti chrétien-démocrate, mais qui dénoncent aujourd’hui un message brouillé par les incessants compromis gouvernementaux inhérents à la « Grande Coalition ».
Selon le politologue Werner Patzelt, les électeurs de l’AfD éprouveraient un sentiment de « malaise » dans l’actuel système politique allemand et auraient tendance à exprimer, par ce vote, leur scepticisme grandissant envers des institutions qu’ils estiment ne plus répondre à leurs attentes et à leurs problèmes du quotidien. À cela s’ajoute le sentiment croissant d’insécurité, alimenté par une recrudescence des actes malveillants et délinquants (vols et cambriolages notamment) en Allemagne et en Saxe en particulier. « Lutter contre les criminels, protéger les victimes », tel était le slogan de l’un des derniers tracts distribués par l’AfD dans cette campagne pour les élections législatives régionales.
Enfin, si l’AfD attire autant d’électeurs, c’est aussi grâce au profil de ses cadres, dont l’expérience « rassure » et « inspire confiance ». Bernd Lucke, professeur de macroéconomie au département d’économie de l’université de Hambourg, a également été Directeur de l’Institut pour la croissance et la conjoncture et conseiller de la Banque mondiale. Hans-Olaf Henkel, député européen du parti, a pour sa part été successivement PDG d’IBM Europe, Moyen-Orient, Afrique, Président du BDI (l’équivalent du MEDEF allemand), et conseiller de la Bank of America. Leurs analyses, tant politiques qu’économiques, trouvent ainsi un large écho dans l’espace médiatique, contrairement à d’autres partis plus marginaux, dont la ligne idéologique reste parfois mal connue du corps électoral.
Sources : DW et Der Spiegel
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