Par Vincent Delhomme.
Un article de Trop libre.
The Fourth Revolution, The Global Race to Reinvent the State est un de ces essais si brillants et documentés qu’ils se lisent comme des romans. Écrit à quatre mains par deux journalistes de The Economist, rarement un ouvrage n’avait décrit avec autant d’acuité les difficultés rencontrées par les vieilles démocraties et le dysfonctionnement de leurs gouvernements.
État-providence inefficace et bureaucratisé, faillite financière, démocratie sclérosée : la liste des maux qui frappent nos sociétés est connue mais celle des remèdes l’est moins. De Singapour à la Californie en passant par l’Europe du Nord, les auteurs nous proposent un tour du monde des recettes innovantes. Ils tracent la voie vers un nouveau mode de gouvernement, restreint et intelligent, se concentrant sur ses compétences régaliennes et la délivrance des biens publics de base. La démocratie se débarrasse ainsi de ses promesses intenables, aussi désastreuses pour les finances des États que créatrices de frustration chez les citoyens.
Au moment où la France cherche les réformes susceptibles de sortir de l’ornière, ce livre est une boîte à outils à mettre entre les mains de tous. Et les solutions sont à portée de main. Dans un chapitre au titre évocateur, « The Place where the Future Happened First », les auteurs rappellent qu’une région en Europe fait à ce titre figure d’exemple. Confrontés à nos problèmes actuels au début des années 90, une économie en panne et un secteur public devenu obèse, les pays d’Europe du Nord ont su réagir rapidement pour sauver leur modèle. Pour ce faire, ils ont comme le disent les auteurs « étendu le marché à l’État ».
Jusqu’au début des années 90, la Suède était « the closest thing to a socialist paradise », un positionnement qui a radicalement changé. Après une décennie de marasme économique, c’est une thérapie de choc que s’inflige le pays scandinave : dépenses publiques ramenées de 67% en 1993 à 49% aujourd’hui, dette réduite de 70% du PIB à 37%, avec un déficit pré-crise aux alentours de 0,3%. La Suède a très rapidement compris que le seul moyen d’assurer la pérennité de son modèle, sa Folkhemet, était de l’installer sur des bases financières solides et de rendre son État-providence efficace. Deux réformes illustrent parfaitement ce changement.
La première, la plus emblématique, fut la réforme des retraites. Applaudie dans le monde entier, elle a mené le système suédois vers un modèle hybride, mélange de public et de privé. Votée entre 1994 et 2001, elle fut le fruit de quinze années de réflexion transpartisane puis votée à l’unanimité. On n’imagine pas tableau plus opposé aux demi-réformes non financées que nous imposent nos gouvernants tous les deux ans.
Le système demeure un système par répartition, mais avec une gestion individuelle et un recours complémentaire à des assurances privées. L’âge légal du départ à la retraite fut repoussé à 67 ans et des mécanismes d’équilibre inédits furent introduits.
La durée de cotisation s’allonge automatiquement avec l’espérance de vie, et le niveau des pensions s’adapte avec celui de l’activité économique. L’assurance retraite s’assure ainsi de la pérennité de son financement et n’a d’ailleurs pas connu de changement majeur depuis.
Le système de santé a lui aussi été réformé en profondeur afin de réaliser des économies. Un paiement forfaitaire par le patient pour tous les actes de santé fut par exemple mis en place, afin d’éviter le syndrome qualifié par les auteurs d’ « all you can eat buffet ». De nouveaux modes d’organisation ont été introduits dans les hôpitaux, ceux-ci ayant été invités à réduire leurs coûts, optimiser leurs activités et leurs équipes. Ils sont désormais évalués pour chacun de leurs actes et leurs performances sont disponibles au public. Les séjours à l’hôpital en Suède sont sensiblement plus courts que ceux de ses voisins européens (4,5 jours en moyenne contre 5,2 en France) et le nombre de lits moitié moins importants que celui de la France (2,8 contre 6,4 pour mille habitants). La Suède demeure néanmoins l’un des pays où l’espérance de vie est la plus forte et dispose, selon les auteurs, du système de santé le plus performant du monde.
Bien évidemment tous les pays connaissent des problématiques différentes et ces réformes ne sont que des exemples. Mais l’expérience suédoise montre qu’il est possible de réformer en profondeur l’État et son fonctionnement sans abandonner pour autant des modèles sociaux auxquels les citoyens sont attachés. Elle apporte un démenti à l’affirmation que toute politique réformatrice d’inspiration libérale passe nécessairement par de la « casse sociale ».
Ceux qui croient en l’émergence de véritables démocraties modernes et libérales, qui délivrent à leur population les services nécessaires comme l’éducation et la santé avec sobriété, trouveront dans cet ouvrage de vraies raisons d’espérer. Ceux qui cherchent encore les réformes dont notre pays a tant besoin y verront une véritable source d’inspiration.
- John Micklethwait, Adrian Wooldridge, The Fourth Revolution, The Global Race to Reinvent the State, The Penguin Press, 2014, 305 pages.Â
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Sur le web.
S’il faut saluer cette réforme des retraites en Suède, il ne faut pas oublier qu’une réforme libérale amènerait à donner le choix à l’individu quant au type de système de retraite qu’il veut utiliser sans contrainte.
Si la Suède l’a fait, pourquoi la France ne pourrait-elle pas le faire ?
Le système suédois est un bon compromis. Le système suisse est aussi intéressant.
Le français devrait arrêter de d’examiner son nombril : les autres ne sont pas des crétins, et ils ont des bonnes idées bien avant nous.
Je ne veux pas de leur système étatique avec des âges de départ à la retraite à 70 ans.
Mon pognon = mes décisions. Je n’ai pas besoin, et je ne veux absolument pas, qu’une bande de branquignoles à qui je ne confierai même pas une boite de trombone gèrent mon pognon.
Les réformes des retraites par répartition et de la sécurité sociale à réaliser sont celles qui consiste à les supprimer toutes les deux.