Par Vincent Bénard.
De nombreux étudiants peinent à trouver un logement dans la ville de leur établissement d’études. En cause, le montant des loyers devenu prohibitif dans les grandes villes, et les sommes demandées à titre de caution par les bailleurs, qui constituent un obstacle à l’entrée sur le marché pour les étudiants d’origine sociale modeste.
Pour y remédier, le gouvernement, au lieu d’analyser et de tenter de remédier aux causes profondes du phénomène, propose un énième dispositif « curatif », la « Caution locative étudiante » publique, permettant à l’État de payer la caution et de se porter garant pour, je cite les informations gouvernementales, « tout étudiant de moins de 28 ans disposant de revenus mais sans caution familiale, amicale ou bancaire », moyennant une cotisation mensuelle égale à 1,5% du loyer, celui-ci étant plafonné à 500€ en province et 700€ à Paris. Cette cotisation alimentera un fonds qui se substituera à l’étudiant en cas d’impayé. Ce n’est donc pas, comme une certaine presse l’a claironné, une « garantie accessible à tous les étudiants ». Il y a des conditions préalables d’accès, fort heureusement, ajouterai-je.
Ni le site « gouvernement.fr » ni « lokaviz », l’antenne du CROUS qui gère les inscriptions au dispositif, ne donnent simplement la définition et le mode de vérification de la présence ou de l’absence d’une garantie familiale, on ne peut donc se prononcer sur la facilité, ou non, de bénéficier indûment du système. Sans doute les concepteurs espèrent-ils que ceux qui peuvent bénéficier d’une caution familiale préféreront faire l’économie d’un paiement mensuel de 1,5% du loyer. De même, je n’ai pu déterminer si le système permettait une récupération « facile » ou, au contraire, conditionnée à un cauchemar administratif pour le bailleur. Mais admettons que ces deux interrogations soient levées.
Les concepteurs du dispositif, soucieux d’éviter les abus, prévoient qu’en cas d’impayé, l’étudiant doit contracter avec les gestionnaires du CLE un échéancier de remboursement, les impayés étant bien considérés comme une dette envers le dispositif. Ouf : sauf faute d’interprétation de ma part, la CLE n’est donc pas un « passeport pour l’irresponsabilité généralisée » que dénoncent certains. Cependant, il est prévisible qu’il engendrera quelques effets pervers :
- Les propriétaires bailleurs pourraient être amenés à privilégier les étudiants « CLE » au détriment d’actifs non étudiants, tout en augmentant les loyers inférieurs à la limite gouvernementale en les rapprochant de celle-ci, un étudiant CLE voyant par nature sa solvabilité améliorée. Le nombre de logements n’étant pas infini et l’offre peinant à satisfaire la demande, notamment dans la frange des consommateurs à faibles revenus, il est probable que la mesure ne fasse que procurer à certains propriétaires un effet d’aubaine.
- Corollaire de l’observation précédente, la mesure ne crée pas plus de logements en zone tendue. Elle ne fait donc que modifier le périmètre de la demande satisfaite, certains étudiants autrefois incapables de trouver un logement pouvant s’en procurer un, mais au détriment d’autres locataires potentiels.
- On peut s’interroger sur la capacité réelle de l’État à recouvrer les créances effectivement contractées par de jeunes mauvais payeurs déterminés à gruger le système, si ceux-ci sont nombreux et s’organisent collectivement (via les réseaux sociaux) pour partager les moyens, légaux ou non, de se soustraire au percepteur et organiser leur insolvabilité. Tout comme la plupart des experts le prévoyaient pour la GUL (garantie universelle des loyers) pensée par l’administration Duflot, et mort-née, la CLE pourrait rapidement voir le montant de ses cotisations perçues ne pas couvrir ses dépenses, et être forcée d’augmenter la cotisation additionnelle sur les loyers.
Quelles alternatives ?
La critique est aisée, mais l’art difficile. Quelles propositions alternatives seraient envisageables pour éviter d’en passer par une garantie financée par l’État ?
Comme de nombreux exemples étrangers le montrent, les propriétaires cessent de demander des garanties extensives lorsque la force publique locale peut expulser un mauvais payeur en 60-90 jours maximum. En France, un mauvais locataire bien conseillé peut tenir plus de 24 mois dans un logement.
D’autre part, l’explosion des prix du foncier et celle, plus récente, des coûts normatifs de construction, ont poussé à la hausse le prix du logement, de plus de 140% en 15 ans. Une libération des règles de construction permettrait de libérer l’offre de logements, notamment locatifs, dont le logement « étudiant » bénéficierait également. En outre, une baisse des prix à l’achat ainsi provoquée ne se répercuterait pas intégralement sur les loyers (les rendements locatifs baissent avec le prix de vente), augmentant les rendements locatifs : on pourrait voir des investisseurs institutionnels revenir (enfin) sur le créneau du logement, pourvu que la fiscalité sur ces rendements accrus soit un peu plus raisonnable qu’actuellement.
Une telle libéralisation permettrait surtout de développer une offre « par le bas » alternative aux logements sociaux subventionnés, de toute façon à la fois trop chers pour les finances publiques exsangues et trop rares par rapport à la demande potentielle. Aujourd’hui, dans les villes de bonne taille, il n’est pas rare de voir plus de quinze étudiants en compétition pour le même logement. Nul doute qu’un assouplissement de la réglementation de l’offre de logement, et notamment de sa composante foncière, permettrait à de nombreux offreurs de répondre favorablement à un tel signal de marché.
Enfin, dans le cas particulier du logement étudiant, des mécénats d’entreprises pourraient permettre de développer du logement étudiant d’entrée de gamme sur les campus, sous réserve que l’administration n’y mette pas de contrainte excessive. Notamment, les « anciens » des universités et écoles supérieures les plus réputées pourraient avoir à cœur d’investir plus qu’aujourd’hui dans ce genre de résidences étudiantes pour leurs jeunes successeurs.
Offrir une garantie dont les coûts pour les finances publiques sont incertains, à certains et pas à d’autres, dans le contexte d’une offre de toute façon contrainte, ne fait que déplacer le problème de certains publics vers d’autres. Il conviendrait d’abord de lever les freins étatiques à l’adaptation quantitative et tarifaire de cette offre à la demande étudiante.
C’est quand même une augmentation de 1.5% des loyers.
Bonne analyse je vous rejoins sur cet article.
Vous soulevez un problème dans votre point 1, l’effet d’aubaine pour certains propriétaires. Il est clairement existant, mais justement pourquoi les propriétaires ne jouent-ils pas le jeu ? Pourquoi vouloir mécaniquement augmenter ses loyers ? Cela sous entend donc que l’un des problèmes vient bien des propriétaires et cela nous démontre que peu importe les lois mises en place, chacun en cherchera son propre avantage.
Jouer quel jeu ? Pourquoi les étudiants ne proposent-ils pas spontanément de payer plus cher ?
« cela nous démontre que peu importe les lois mises en place, chacun en cherchera son propre avantage »
Non, vous croyez, vraiment???!!!!
Cela sous entend donc que l’un des problèmes vient bien des propriétaires et cela nous démontre que peu importe les lois mises en place, chacun en cherchera son propre avantage.
il faut les punir encore plus, ben voyons ❗
Séance publique de fouet et bastonnade.
« pourquoi les propriétaires ne jouent-ils pas le jeu » :
Quel jeu ? Les propriétaires se doivent-ils d’être obligatoirement philanthropes ? De renoncer à augmenter leurs revenus ?
Lorsque vous achetez votre baguette au boulanger du coin, qui travaille 70 h par semaine et ne s’en sort pas, vous lui donnez 2 centimes de plus ?
Certains propriétaires augmenteront, d’autres non : « les » propriétaires, ça n’existe pas plus que « les » fonctionnaires ou « les » politiques…
quel effet d’aubaine ? cette nouvelle loi ne va pas créer un appartement de plus, elle va juste modifier la répartition des logements existants entre les demandeurs. pour certains propriétaires, qui ne demandent rien, ça constituera un effet d’aubaine, pour d’autres propriétaires, qui ne demandent rien, ça aura l’effet d’un désagrément. pour certains locataires, un effet d’aubaine, pour d’autres locataires, un désagrément. pour tous, une méfiance supplémentaire envers l’état, les lois et les juges.
il faut savoir que trop de protection du locataire se retourne fatalement contre le locataire.
par exemple, la loi prévoit qu’on ne puisse interrompre un bail avec un locataire âgé de plus de 70 ans. très bien, alors pour ne pas être dans l’impossibilité de me séparer d’un locataire de plus de 70 ans, je leur demanderai donc systématiquement de quitter mes appartements à partir de 65 ans.
Non mais quand même il faut oser parler de l’irresponsabilité des mairies qui interdisent les constructions sur des gigantesques parts de leurs territoires, l’interdiction des immeubles élevés à Paris, etc… Construire un nouveau logement est un véritable projet de désarmement…
Il y a aussi les lois qui encouragent les propriétaires à ne pas louer ou a louer a moins d’un loyer ahurissant a cause des risques de mauvais payeurs et des impôts qui bouffent les marges. Concrètement le problème c’est que l’Etat sous utilise le parc foncier francais pour des raisons politiques et électoralistes.
« lorsque la force publique locale peut expulser un mauvais payeur en 60-90 jours maximum. En France, un mauvais locataire bien conseillé peut tenir plus de 24 mois dans un logement. »
je suis bien conscient qu’un locataire mauvais payeur inexpulsable est un cauchemar pour un propriétaire. Je connais plusieurs exemples de locataires indélicats autour de moi (et je ne parle pas de M.Thévenoud :-)), qui ont coûté beaucoup aux propriétaires.
Mais je ne peux pas croire que tous les mauvais payeurs soient tous de mauvaises foi. Il peut arriver des « accidents de la vie » à n’importe qui.
Dans ce cas, expulser une famille en 2 ou 3 mois seulement peut dans certains cas paraître excessif.
Que se passe-t-il après l’expulsion dans ces pays que vous citez ?
Que se passe-t-il après l’expulsion dans ces pays que vous citez ?
Il n’y a pas d’expulsion, parce que les gens sont obligés de négocier ou de respecter les contrats.
Donc pas de parasites, le parasite disparaît naturellement.
Before: « Dans ce cas, expulser une famille en 2 ou 3 mois seulement peut dans certains cas paraître excessif. »
Ce n’est pas au propriétaire de payer pour les accidents de la vie des autres (ou la mauvaise volonté) pas plus que je ne viens vous demander de payer pour les miens ou que vous ne le demandez au boulanger.
-Quid des amis, parents et proches de la famille, absent ? Pas envie d’aider ? S’en lavent les mains ?
-Après un coup dur, il faut lutter et avant un coup dur, il faut être responsable et prévoir.
-Pourquoi les gens se bougeraient après des revers s’ils peuvent garder exactement les même chose mais au frais des autres ? Est-ce leur rendre service que ne rien leur demander au risque d’une dépression sévère ?
Effet pervers, les propriétaires ainsi que les logements disparaissent rendant la situation dramatique.
De situations particulière difficiles mais rares sur un marché ouvert avec toutes les gammes de prix on passe, avec l’intervention du gouvernement à des situations dramatique fréquente, il devient très difficile de se loger décemment, même pour les gens méritant, la mobilité en souffre, donc l’emploi et le secteur immobilier aussi, donc encore plus de difficultés. On rajoute les tombereaux d’argent que le gouvernement dépense pour corriger ses méfaits et on aboutit à la France actuelle, catastrophique, sur-endettée.
@ Ilmryn
« Ce n’est pas au propriétaire de payer pour les accidents de la vie des autres » : on est parfaitement d’accord. Ma question était à prendre au premier degré, et Vincent a apporté un élément de réponse.
=> encore une fois, mettre l’accent sur la responsabilité personnelle, et ça me va parfaitement !
@before : bonne question.
Au Canada, on expulse même en plein hiver, et vous savez que la bas, les hivers… Pourtant (sauf Vancouver, pbm législatif lié à la province) il y a très peu de SDF, et l’expulsion est hyper rare. Pourquoi ?
Parce que les propriétaires ne demandent aucune caution, aucune garantie. Quant une famille sent qu’elle va avoir une difficulté pour payer son loyer, elle anticipe et cherche moins cher, moins bien situé, avec une pièce de moins, etc… Pas le pied, mais pas le drame non plus. Et elle trouve sans problème car les propriétaires ne demandent pas de garantie.
Aussi il est très rare que le propriétaire doive avoir recours à la force publique pour récupérer son bien.
Vous soulevez un point intéressant Vincent au sujet des caution et je m’étonne que cette pratique ne soit pas davantage dénoncée coté liberaux.
Parce que si il y a bien un truc qui va a l’encontre de l’esprit de la responsabilité, du contrat et de l’autonomie entre adultes responsables; ce sont bien ces fichues garants (je parle des personnes devant se porter caution et non de la somme versée) qu’on demande à un adulte comme si il était sous tutelle ou curatelle.
Dans quel pays hormis la France; demande t’on a un adulte disons de 40 ans, en CDI; que ses parents / frère soeurs / grand parents / curé / etc se portent garant de lui ? Oo
mais qu’y a t’il de choquant au système de la caution ?
si le propriétaire demande des cautions excessives, il courre le risque de ne pas louer, donc il peut selon son choix demander une caution ou pas.
si le locataire veut louer tel ou tel appartement « un peu cher pour lui », c’est à dire dont le loyer dépasse tel pourcentage de ses revenus, si il sait qu’il est capable de payer mais qu’il pense que le propriétaire n’aurait pas envie de lui louer parce que c’est « un peu cher », en quoi le locataire est il lésé de présenter une caution au propriétaire ?
je veux dire, si on ne vous oblige pas vous à être caution pour un tiers que vous ne connaissez pas ou à qui vous ne faites pas confiance, en quoi êtes vous concerné et pourquoi l’interdire à ceux à qui cela convient ?
Merci de cet élément de réponse. Je n’avais pas pensé à l’absence de caution.
Ceci dit, ça ne peut effectivement fonctionner que si le propriétaire est sûr de récupérer rapidement son bien, en bon état.
bonsoir ,tout se passe comme si ces étudiants n’avaient pas de famille ; et les grands-parents alors ? n’ont-ils pas souhaité que leur descendance ferait mieux qu’eux-mêmes et prévus de longue date un pécule si modeste soit-il ,sachant que depuis toujours existe cette difficulté *, partant les parents de ces jeunes là travaillent encore ,font eux aussi des économies, n’ont pas de temps libre pour aller « négocier » avec les propriétaires ,déménager /aménager etc….
* Qu’ils subirent eux-mêmes lorsqu’ils étaient étudiants