Par Chofor Che.
L’Afrique subsaharienne est le plus grand bénéficiaire de l’aide publique. La plupart de cette aide va aux États de l’Afrique centrale tels que le Cameroun, le Tchad, la République démocratique du Congo, le Congo-Brazzaville, le Gabon et la Guinée équatoriale. Pourtant, ces États demeurent les plus pauvres du monde. Comment comprendre un tel paradoxe ?
Les perspectives économiques en Afrique montrent que le taux de croissance économique moyen dans la région, au lieu d’augmenter, a ralenti, passant de 6,1 % en 2005 à une moyenne prévue de 4,8 % en 2014. Ces chiffres sont inquiétants car ils restent loin des 7 % correspondant au taux-cible jugé nécessaire pour que la région puisse atteindre les objectifs du Millénaire pour le développement (OMD) en 2015.
Dans une tentative de sortie du sous-développement, la région a bénéficié de projets de grande envergure pour remédier à la stagnation économique via les augmentations de l’aide. Les efforts internationaux consentis dans la région, tels que les 25 Md$ de l’initiative spéciale pour l’Afrique de l’Organisation des Nations Unies, n’ont pas permis un recul de la pauvreté.
Aide accrue et dépendance accrue
Dans la deuxième édition d’un rapport publié par Africanliberty.org en 2014, parrainé par la Fondation américaine ATLAS, Franklin Cudjoe de IMANI Ghana, Maud Martei et Pilar Rukavina affirment que, plutôt que de stimuler le développement, aide accrue et dépendance accrue vont de pair. Selon ces auteurs et d’autres tels que Ayodele T, TA Noluyshungu et Sunwabe CK, plus de 500 Md$ d’aide étrangère ont été injectés en Afrique, avec peu de retour. En effet des tendances contradictoires ont été constatées dans la mesure où les flux renouvelés d’aide ne sont pas corrélés avec une amélioration de la performance économique, puisque le produit intérieur brut (PIB) a en réalité diminué. Selon les données de 2014 sur la pauvreté fournies par le Groupe de la Banque mondiale, on est passé de 140 millions d’Africains vivant dans la pauvreté en 1975 à 204,9 millions en 1981, à 360 millions en 2000, pour atteindre 413,7 millions en 2010.
Tout cela démontre que, au lieu d’améliorer la situation de la région, l’aide sert à maintenir le statu quo en soutenant la corruption et la mauvaise gestion. Comme cela a été proposé par P. Boone dans un article de 1995, intitulé “Politique et efficacité de l’aide étrangère” : “l’aide n’augmente pas de manière significative l’investissement et la croissance, elle ne profite pas non plus aux pauvres (tel que c’est mesuré par l’amélioration des indicateurs de développement humain), en revanche, elle augmente la taille du gouvernement”. Ce phénomène est observable pour certains des États les plus pauvres de la région, en particulier en Afrique centrale. Les États y sont tous caractérisés par des régimes centralisés soutenus par la corruption et l’afflux massif d’aide.
Global Financial Integrity, organisation à but non lucratif basée à Washington DC, qui traque l’argent illicite, estime que sur une année normale, 1000 Md$ sont volés aux pays en voie de développement, en particulier les États africains. Comparés aux 134 M$ que les États en développement reçoivent, il est évident que l’aide étrangère s’apparente à une goutte dans l’océan de l’industrie bien huilée de la corruption. Dans une étude menée au Tchad en 2004, on a découvert que sur la somme totale d’argent envoyée par le ministère des Finances à destination de centres de santé en milieu rural, moins de 1 dollar leur parvient : l’aide n’atteint pas les bénéficiaires auxquels elle était destinée.
Les dirigeants africains ne peuvent être blâmés seuls dans ce détournement des enveloppes de l’aide. Les donateurs connaissant parfaitement ces pratiques, la tolérance dont ils font preuve n’incite pas à une meilleure gouvernance, bien au contraire. Patricia Adams, de Probe International, a affirmé que la Banque mondiale était informée que jusqu’à 30 % de ses prêts ont été détournés par des fonctionnaires corrompus. Malgré l’adoption par la Banque Mondiale de la politique de tolérance zéro, la corruption reste chronique en raison de procédures de contrôle inadéquates.
Il est donc crucial de résister fermement aux demandes croissantes d’aide provenant des pays de la sous-région de l’Afrique Centrale. À ce jour, l’aide étrangère ne s’est pas révélée être la solution et continuera à éloigner les Africains de la véritable voie pour éradiquer la pauvreté.
Ce dont a vraiment besoin l’Afrique est un environnement favorable au marché libre. Un bon point de départ serait d’intégrer les principes du libre marché dans les Constitutions africaines. Une telle démarche devrait donc être suivie d’une réforme des institutions telles que les systèmes judiciaire et fiscal. Cela permettrait aux Africains ordinaires, en particulier ceux de l’Afrique centrale, de prendre possession de leur propre processus de développement, réduisant ainsi la nécessité d’une aide financière étrangère.
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À Lire aussi : L’aide Fatale, de Dambisa Moyo.
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