Le cours du baril de Brent approche les 90$ alors que l’Arabie Saoudite vient de baisser ses prix à ses clients asiatiques… Sont-ce les prémices d’une guerre des prix face à la montée de puissance de la production d’huile de schiste américaine ?
Par Aymeric de Villaret
Les marchés sont quelque peu surpris de la baisse continue, depuis le haut des prix de cet été au plus fort de la peur de manquer de pétrole, lorsque les armées de Daech étaient aux portes de Bagdad.
En ce début octobre, les marchés pétroliers retrouvent les niveaux qui étaient les leurs en décembre 2010 et juin 2012 :
Notons que ces incursions, intervenant après des périodes de forte baisse (>20$), n’ont pas duré avec à chaque fois un retour dans la bande 100 -120 $/baril.
Pourquoi cette chute ?
Pas de soucis du niveau de l’offre
- Les inquiétudes sur un arrêt des exportations irakiennes ont disparu et les frappes des pays occidentaux « rassurent ».
- La Libye n’a jamais autant produit et, en septembre, sa production est en hausse de 280 kb/j.
- De son côté, l’Irak exporte de plus en plus depuis ses terminaux du sud et le Kurdistan a augmenté sa production !
- Mais surtout l’Arabie Saoudite a accru de manière informelle sa production de manière à être prête à compenser tout arrêt possible de production dans les autres pays… L’Arabie a invoqué aussi un retour de la demande en vue de l’hiver et de l’arrêt de la maintenance des raffineurs.
Ces facteurs sont interprétés comme des signes de non-réduction à venir de la part du « swing producer » de l’OPEP. - La production russe de brut n’est pas du tout affectée par la crise ukrainienne.
- Les États-Unis continuent de voir leur production d’huile de schiste progresser, et de plus en plus à tel point que le 9 septembre, l’EIA (Energy Information Administration), dans sa revue World Energy Outlook 2014, a revu à la hausse de 250 kb/j la production de pétrole du pays pour 2015 à 9,53 Mb/j soit 1 Mb/j de plus qu’en 2014. Il y a un mois cette même EIA avait prédit que la croissance annuelle ralentirait…
Craintes sur la demande
- L’Europe a du mal à redémarrer.
- La Chine a importé moins de brut.
- Le Japon a eu une baisse de son PIB au T2.
Les signes de l’Arabie Saoudite avant la réunion de l’OPEP du 27 novembre
À l’annonce d’une offre non réduite (voir plus haut), vient de s’ajouter début octobre une réduction des prix par l’Arabie Saoudite de son brut livré à ses clients asiatiques !
Le message perçu a été que le royaume ne serait pas prêt de couper sa production malgré la baisse des prix, pour ne pas perdre de parts de marchés devant la montée de production de l’huile de schiste américaine…
Réunion de l’OPEP le 27 novembre 2014
Lors de la dernière réunion de l’OPEP le 11 juin dernier, le ministre du pétrole d’Arabie Saoudite Ali Al-Naimi avait indiqué que « 100 dollars, 110 dollars, 95 dollars, c’est un bon prix ».
À 90-95 $, les prix sont donc « presque bons » et comme l’expliquait un représentant d’un pays membre début septembre : « La baisse des cours est temporaire. Ils sont encore dans une fourchette acceptable. Il n’y a pas de véritable crainte. »
Conclusion
Difficile de prédire l’avenir… L’expérience du passé a démontré qu’il fallait être prudent quand les marchés étaient en voie de transformation, c’est-à-dire, si un des acteurs majeurs de ces marchés changeait de politique. Telles sont les interrogations d’aujourd’hui sur l’Arabie Saoudite et un éventuel désir de guerre des prix pour maintenir ses marchés… Ce que nous pouvons dire, et ces dernières années l’ont montré, c’est que toute chute excessive (à l’image de celle de 2008-2009) entraîne une baisse des investissements et donc un rebond. Est-ce que les marchés sont prêts à tester la volonté de l’OPEP et de l’Arabie Saoudite avant fin novembre ?
Tout cela est une très mauvaise nouvelle pour la Russie de Poutine, qui a besoin d’un baril entre 100 et 105 dollars pour équilibrer ses comptes, et dont l’économie dépend beaucoup, une récession n’est plus exclue maintenant.
L’OPEP fait clairement mention du débouclage massif de positions spéculatives pour expliquer la baisse des prix dans son dernier rapport mensuel. Cette info est également sortie sur zerohedge. Dommage de ne pas l’avoir mentionnée.
Vivement la fin de l’OPEP, mais sinon les mouvements de l’AS sont une bonne nouvelle, voila qui ne va pas plaire à Poutine…
Le Moyen Orient va rester la première zone de production de pétrole jusqu’en 2080-2090.
Le Moyen Orient possède 800 milliards de barils de produits pétroliers avec, souvent, de faibles coûts de production.
De quoi produire 30 millions de barils par jour pendant plus de 70 ans.
Toute chute excessive relance aussi massivment la consommation mondiale.
En 2010, la consommation modiale de produits pétroliers a augmenté de 2,7 millions de barils par jour.
C’était la seconde plus forte hausse de la demande modiale depuis 1978 (2,9 millions de barils par jour).