Par Francis Richard.
Pourquoi lire de l’Amélie Nothomb ? Non pas parce que ses livres font chaque année partie des meilleures ventes de la rentrée littéraire, mais parce que c’est un réel plaisir d’en lire.
Cette année encore, depuis sa parution fin août, son petit dernier, Pétronille, n’échappe pas au succès. À la date du 9 octobre 2014, il est toujours dans le top 10 des ventes de livres chez Payot, que publie L’Hebdo, chaque semaine…
Comme à l’accoutumée dans ses romans, Amélie Nothomb a l’art et la manière de faire passer un bon moment au lecteur. Dans ce roman-ci, c’est en sa compagnie que se passe ce bon moment. Elle s’y met elle-même une nouvelle fois en scène, avec beaucoup d’autodérision. Pétronille Fanto est une admiratrice d’Amélie Nothomb. Après échange de deux trois lettres, elles se rencontrent, fin 1997, lors d’une séance de dédicace du Sabotage amoureux, dans une librairie de la rue de Lévis à Paris. Pour Amélie, c’est une surprise. Elle n’imaginait pas vraiment comment pouvait être physiquement sa correspondante. Celle-ci, étudiante en littérature élisabéthaine, âgée pourtant de vingt-deux ans, a en fait « l’apparence d’un garçon de quinze ans » : « Elle m’avait écrit des choses si profondes et si ténébreuses que j’avais pensé avoir affaire à une personne vieillissante. Et je me retrouvais nez à nez avec une adolescente au regard de piment rouge. »
Cette rencontre tombe à point nommé. En effet, par analogie avec compagnon ou compagne (étymologiquement, qui partage le pain), Amélie cherche désespérément un « convignon » ou une « convigne », c’est-à -dire quelqu’un avec qui elle puisse boire du champagne, ce sublime breuvage qui provoque des visions qui lui sont apparentées : l’or de sa robe coulant en bracelets, ses bulles en diamants… Or, Pétronille, prolétaire véritable, le temps d’une soirée, s’avère pour Amélie, qui est de la haute et qui est née dans une ambassade, la prometteuse compagne de beuverie qu’elle cherche, le champagne de qualité étant pour elles deux un terrain d’entente tout trouvé.
Quatre années passent. En octobre 2001, Pétronille publie son premier livre, Vinaigre de miel. Les rôles d’Amélie et de Pétronille s’inversent. C’est Pétronille qui dédicace l’exemplaire d’Amélie, laquelle, en apparaissant devant elle, lui donne « une atroce envie de Roederer ». Envie qu’elles satisfont au Café Beaubourg, où Amélie a ses habitudes… À la fin de ce mois d’octobre, elles se retrouvent, pour un après-midi de dégustation de champagne, au Ritz, où les seules personnes fréquentables sont les échansons, où elles évitent les dames à serre-tête qui snobent Pétronille, et où elles partent à cheval sur le vin de champagne pour le pays de l’ivresse et de la complicité.
La suite du roman, de 2001 à aujourd’hui, est le récit des relations tumultueuses des deux « convignes » et écrivains. Ces relations ne sont pas non plus immobiles puisque l’auteur emmène le lecteur à Londres, dans une station alpine ou à Antony, en banlieue parisienne. Le dénouement confirme qu’écrire peut être dangereux et, même, qu’on peut y risquer sa vie…
L’histoire de Pétronille a cependant moins d’importance que la façon humoristique avec laquelle elle est relatée par l’auteur, que les réflexions sur l’allié précieux dans la vie que peut s’avérer être le champagne (à boire en s’abstenant de manger), et que les répliques que se donnent Pétronille et Amélie, toutes deux ayant ce grain de folie sans lequel l’existence n’aurait pas de sel.
Amélie Nothomb adresse au passage un clin d’œil à « un grand écrivain suisse », « spécialiste des ogres », écrivant, en 2009, ce petit mot à l’héroïne, après la sortie de son roman, Aimer le ventre vide :
 « Chère Pétronille Fanto,
Votre roman confirme ce que j’ai vu: vous êtes un enfant et vous êtes un ogre.
Vous faites désormais partie de mes fous.
Jacques Chessex »
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Amélie Nothomb, Pétronille, Albin Michel, 180 pages.
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Qu’est-ce que vous trouvez de bien chez Nothomb ?
J’ai lu 2 de ses romans et je ne trouve vraiment pas ça terrible, même si j’ai eu assez de curiosité pour finir l’un des deux.