Un ouvrage qui comblera tous les amateurs d’art de la table. L’auteur donne des conseils précis sur la façon de se tenir, sur les us et coutumes, sans jamais tomber dans le pédantisme ou le formalisme gratuit. Interview.
Entretien réalisé par Jean-Baptiste Noé
Pourquoi avoir écrit un livre sur les façons de recevoir et de se tenir à table ?
Il s’agissait de tenter de faire exhaustif. J’ai une centaine de livres qui traitent du sujet, ce qui oblige à piocher dans les différents livres pour avoir la quintessence du sujet. C’est pourquoi j’ai voulu écrire ce livre, pour essayer de proposer une version exhaustive de ce thème.
De la même façon, j’ai voulu tenir compte des réalités actuelles. C’est pourquoi le livre traite des repas d’affaires et des nouveaux modes de communication. Ce livre est aussi le fruit de plusieurs conférences que j’ai données à des cadres d’entreprise, notamment au Liban. Ceux-ci ont régulièrement des repas d’affaires, il est donc indispensable pour eux de bien maîtriser les usages de la table. Dans ce but, plusieurs banques ont réalisé des documents internes pour rappeler à leurs collaborateurs comment se tenir, s’habiller et se comporter à table, ce qui rejaillit sur l’image de marque de ces maisons.
À travers ces manières de table, n’y a-t-il pas un risque de tomber dans le pur formalisme ?
Les convenances sont un ascenseur social. Ce sont des règles simples que tout un chacun peut suivre, elles ne sont pas réservées aux classes supérieures. Ce sont des règles de politesse qui favorisent les contacts et qui fluidifient les relations entre les personnes. Ce ne sont nullement des manières ou des conventions stériles.
Savoir se tenir à table est important dans les affaires. On m’a raconté plusieurs anecdotes où les recruteurs ont invité les prospects au restaurant pour voir comment ils se comportaient, notamment ne pas s’asseoir avant la personne qui invite, ne pas dire bon appétit, et ne pas commencer à déjeuner avant l’invitant. Ce sont des règles de politesse à respecter, un langage à maîtriser, et l’on peut comprendre que cela soit un critère de sélection.
De nombreuses maisons participent de ces arts de la table, notamment dans la vaissellerie.
Pour la vaisselle, il existe encore de très belles maisons, notamment à Limoges, qui proposent des modèles luxueux et d’autres pour tous les jours. Sèvres produit des pièces s’inspirant des modèles du XVIIIe siècle, avec des assiettes peintes à la main. Mais la manufacture crée aussi de nouveaux modèles chaque année, mais dont les prix sont assez élevés.
Christofle est une autre de ces grandes maisons.
Christofle s’est développé au XIXe siècle, dans le contexte de la bourgeoisie triomphante. La maison a notamment eu l’idée de proposer de façon continuelle de nouveaux couverts : des couverts pour les asperges, pour les melons, ce qui permettait de répondre aux besoins de sa clientèle.
Ces produits sont-ils accessibles ?
Totalement. On peut trouver dans les brocantes et les puces de superbes nappes et services à des prix tout à fait abordables. Chez les antiquaires par exemple, on trouve de l’argenterie à des prix largement inférieurs au neuf. C’est un effet de mode : l’argenterie ne se garde pas, les familles les vendent au moment de l’héritage, se séparant ainsi de leur capital de famille. Cela permet aux amateurs de les racheter.
Les services varient selon les pays et les époques.
Au XVIIIe siècle, l’art de la table est très différent de celui que nous connaissons aujourd’hui. Il est constitué de différents service, parfois jusqu’à huit. À chaque service les domestiques apportent plusieurs plats qu’ils posent sur la table. Les convives se servent dans ces plats, picorant dans chacun d’eux ; les plats sont retirés, puis est apporté un deuxième service, et ainsi de suite.
Au XIXe siècle arrive un ambassadeur russe, Alexandre Kourakine (ambassadeur à Paris de 1808 à 1812), qui fait découvrir le service à la russe. Les gens s’assoient et les domestiques apportent les plats et servent les invités un à un. Cela a été une révolution, car les convives craignaient de manquer de nourriture. C’est le service que nous connaissons aujourd’hui, qui a été rebaptisé service à la française suite à la guerre menée contre la Russie. Ce service est devenu international.
Escoffier invente le service à la cloche. Autrefois, les cuisines étaient très éloignées de la salle à manger à cause des risques d’incendie. Les plats étaient apportés recouverts d’un plat pour les maintenir au chaud le temps qu’on les apporte des cuisines, d’où l’origine du terme « mettre le couvert ». Escoffier, avec le service à l’assiette, a inventé la cloche que l’on pose sur l’assiette pour la maintenir au chaud.
La façon de tenir les couverts semble parfois compliquée.
C’est en fait assez simple. Les couverts se tiennent de façon parallèle à la main. Pour la fourchette, les quatre doigts tiennent le manche et l’index est posé sur la tige. Pour le couteau, l’index est posé sur la mitre de la lame. Le couteau ne se tient pas comme un stylo. Il y a de même un langage international sur la façon de poser ses couverts sur l’assiette. Les couverts se posent sur l’assiette dans le même sens qu’on les tient en main, mais sans les croiser. Lorsque son plat est terminé, on dépose les couverts de façon parallèle dans l’assiette, les manches vers la droite pour faciliter la desserte. Cela permet de distinguer les convives qui ont ou non terminé leur plat.
En France, les pointes des fourchettes sont posées sur la table, puisqu’elles sont gravées à l’extérieur. En Angleterre, où les fourchettes sont gravées à l’intérieur, on les place pointes vers le haut. Désormais, les restaurants placent les fourchettes piques vers le haut, parce que cela évite d’abîmer la nappe avec les pointes, et parce que le geste est plus rapide à réaliser lorsque l’on place les couverts.
Le dressage des verres diffère aussi selon les pays. Les Anglais disposent les verres sur le côté, les Français sur le devant de l’assiette, en ligne. Mais cela dépend aussi de la place dont on dispose et de l’effet que l’on souhaite donner, sans oublier de placer le grand verre pour l’eau, à gauche, suivi à droite par le moyen pour le vin rouge et le petit pour le vin blanc.
La table doit être belle, bien dressée avec une jolie nappe, couverts et verres de qualité. Faire beau ne coûte pas forcément cher, on trouve de très belles assiettes à des prix abordables. Car ce joli décor est un hommage que l’on rend à ses invités, et permet de favoriser le souvenir du dîner.
La table joue un rôle important dans la diplomatie, où les États disposent d’un service du protocole.
Là aussi on retrouve des différences entre les pays, notamment en France et en Angleterre, dans la disposition des convives. En France, les hôtes s’assoient en vis-à-vis au milieu de la table, alors qu’en Angleterre ils sont placés à chaque bout.
Quels sont les principaux us et coutumes à respecter dans les repas d’affaires ?
Il faut veiller à trouver un restaurant qui ne soit pas trop loin du lieu où travaille l’invité, pour lui éviter un trop grand déplacement. Il est nécessaire aussi de connaître les lieux, afin de choisir le bon endroit calme, qui ne soit pas dans le passage ou devant les toilettes. L’invitant doit se sentir comme le maître de maison. Il doit veiller au bon déroulement du repas, et faire en sorte que le placement de ses invités favorise les discussions et les échanges.
La personne qui reçoit doit indiquer discrètement à l’invité le menu qu’il peut prendre, notamment pour le prix, en lui indiquant, par exemple, qu’il connaît le deuxième menu, que tous les plats de ce menus sont délicieux. Mais il doit également proposer à son invité de choisir un plat à la carte, ou encore s’il le désire : le plat du jour. À l’invité ensuite de choisir.
- Jacqueline Queneau, Comment recevoir à la française, Éditions de La Martinière, octobre 2014, 198 pages.
—
Sur le web.
Il y a un truc que je ne comprends pas, cela s’applique uniquement au repas d’affaire?
Qd a la porcelaine de Sèvre et l’orfèvrerie Christofle, accessible, ben pas pour moi et puis ce n’est plus vraiment adapté a notre manière de vivre actuelle, vous en connaissez beaucoup des gens qui utilisent des couverts et plat à asperges? Déjà faut savoir les cuisiner…
Cuisiner les asperges ? 8 minutes à l’eau bouillante en cocotte, un peu plus en casserolle. Ca dépend de leur taille. Une sauce vinaigrette ou hollandaise par dessus, éventuellement quelques miettes d’oeufs dur ou plutôt des oeufs mimosa avec. Ne me dites pas que vous ne savez pas non plus faire les oeufs mimosa ?
Blague à part: rien que l’achat de l’ouvrage « Bocuse dans votre cuisine », recueil de recettes simples, ne saurait résoudre. Tant pour la cuisson des asperges que les oeufs mimosa.
De toutes manières, même si vous ne les utilisez pas dans la vie de tous les jours, il y’a des choses qu’il est bon de connaitre (et utile. Surtout le jour ou vous vous retrouvez dans un milieu qui les appliquent). Surtout que la politesse à table, c’est pas vraiment super contraignant.
Personne ne vous a dit de servir vos repas sous cloche tous les midis.
Enfin entre manger un hamburger dans son carton devant la télé et le service sous cloche, j’ai de la marge… Je dis simplement que la politesse et l’art d’une belle table peuvent s’appliquer un peu tout le temps, ce serait dommage de les cantonner au au repas d’affaire, en plus pour Moi/moi? c’est plutôt agréable!
Tout à fait. Mais l’article ne parle pas seulement de repas d’affaire.
Il est important aussi de savoir s’adapter à la situation. Parfois, il est de bon ton d’ignorer certaines règles. L’important étant de savoir jusqu’où aller, et si vous me servez le vin dans un verre à moutarde, je vais peut-être trouver ça bizarre. Mais à l’inverse, sortir la vaisselle complète et l’argenterie pour un repas informel entre amis me semblerais très excessif.
Dans mon livre je parle de toutes les sortes de repas, dont le repas d’affaire.
Quant à cet article, en réponse aux questions de Jean-Baptiste Noé, je ne dis pas que Christofle est « abordable », je parle de l’argenterie et de la vaisselle que l’on peut trouver sur les brocantes, et dont les prix sont réellement abordables.
Et pour vous contredire également sur « notre manière de vie actuelle », je conçois que, tous les soirs, vouloir sortir la porcelaine de Sèvres serait ridicule, mais cela est, peut-être, moins ridicule pour un dîner en amoureux. Quant à l’argenterie, sachez que l’argent massif passe très bien au lave-vaisselle, et constitue un bon investissement pour l’avenir… Bien à vous. Jacqueline
la casquette se porte t-pelle de cote, ou en arriere?
Toujours de côté voyons !!!
Ni l’un ni l’autre, à table on se découvre, dès l’entrée dans le bâtiment (qui est couvert).
Intéressant. Merci !
« voir comment ils se comportaient, notamment ne pas s’asseoir avant la personne qui invite, ne pas dire bon appétit, et ne pas commencer à déjeuner avant l’invitant. »
Quand on sait se tenir, on ne dit pas « bon appétit » (et encore moins « bonne continuation d’appétit »….).
@jgag: hum le potage Dubarry, dans la soupière de présentation pour tous les jours? Ce sera un peu plus de saison que les asperges 😉
Pas besoin de livre de cuisine, j’ai des vieux cahiers de l’école ménagère!
Comment recevoir à la française: prenez votre ticket, faites la queue, remplissez le cerfa xswpp2054-A et le n° xswpp1-B, sans oublier de joindre les justificatifs certifiés conformes aux originaux, les preuves de paiement des taxes, cotisations et contributions. Pour sortir suivez les panneaux vert et bleu indiquant « sortie B », ne suivez pas les panneaux « sortie A » réservés au personnel. J’ai pas lu l’article, mais ça me semble assez ressemblant à l’art de l’accueil à la française.
Je suis à la recherche d ébahissement du savoir vivre. Comment met on le couvert le protocole. Etc