La libéralisation du transport par autocar est une des mesures-phares annoncées le 15 octobre par Emmanuel Macron. Le ministre veut ainsi rompre avec un cadre réglementaire que l’Autorité de la concurrence juge malthusien. Mais cette dérèglementation surviendra 35 années plus tard qu’au Royaume-Uni, où ce secteur est beaucoup plus développé.
Par Nicolas Beyls
Les chiffres parlent d’eux mêmes. Selon un avis de l’Autorité de la concurrence en date du 27 février 2014, 110 000 voyageurs ont emprunté l’autocar en France en 2013, ce qui représente 0,0005 % des trajets longue distance. Au Royaume-Uni, la part de marché de l’autocar pour ce type de voyages s’élève à 4 %, avec 30 millions de voyageurs ! Cette différence s’explique par des cadres réglementaires bien différents.
En France, l’offre de transport longue distance par autocar est artificiellement limitée par la réglementation en vigueur. La transposition en 2011 d’une réglementation européenne a uniquement permis le cabotage : un autocariste peut réaliser des liaisons intérieures, mais seulement dans le cadre d’une ligne internationale régulière. Ces dessertes nationales doivent concerner des arrêts situés dans des régions différentes. Surtout, elles doivent représenter moins de 50 % des passagers transportés et moins de 50 % du chiffre d’affaires. Ces dispositions sont à l’origine de situations ubuesques, comme en témoigne Maria Harti, directrice générale d’iDBUS : « Dans les gares routières, nous devons refuser aux clients de leur vendre un billet et, ensuite, ils voient le bus partir avec des places libres ». Enfin le système d’autorisation est jugé « restrictif et opaque » par l’Autorité de la concurrence : le ministère des Transports met en moyenne 7 mois pour traiter les demandes et 40 % d’entre elles sont refusées.
Contrairement à la France, le Royaume-Uni a choisi la voix de la libéralisation dès les années 1980. Le transport de passagers y était fortement réglementé depuis le Road Traffic Act 1930, loi qui avait instauré un système de licences très restrictif. Les Conservateurs, au pouvoir à partir de 1979, ont préféré recourir à l’initiative privée et à la concurrence entre opérateurs. La suppression du système de licences par le Transport Act 1980 a permis l’entrée de nouvelles compagnies sur le marché. Celles-ci ont cherché à se distinguer de l’opérateur historique National Express, alors monopole public, en proposant à leurs voyageurs des prix attractifs ou des services innovants. Mais ces nouveaux entrants se sont retirés du marché avant le milieu des années 1980, ce qui a permis à National Express (privatisé en 1988) de disposer d’un monopole de facto sur le transport par autocar au Royaume-Uni. En effet certaines barrières à l’entrée subsistaient : l’opérateur historique empêchait ses concurrents d’accéder aux gares routières qu’il contrôlait, comme la Victoria Coach Station, idéalement située dans le centre de Londres.
Cette situation monopolistique a pris fin en 2003 avec le lancement par le groupe Stagecoach d’un service low-cost, Megabus. Ce nouvel entrant s’est inspiré des compagnies aériennes à bas coût : ses billets sont vendus essentiellement sur Internet et il propose une tarification différenciée, avec des prix d’appel très bas (1,50 livre). Il cible ainsi des personnes aux revenus faibles qui ne disposent pas de véhicule personnel, comme les jeunes ou les retraités. Megabus propose ainsi des prix plus bas que National Express, mais l’opérateur historique offre un plus grand nombre de destinations et des fréquences plus élevées. Si la part de marché de ce dernier s’élève à près de 70 %, l’arrivée d’un nouvel entrant montre qu’aucune position n’est acquise dans le cadre d’un marché libre. De plus, les nouvelles technologies ont permis de lever certaines barrières à l’entrée et de faire baisser les prix. La dérèglementation du transport par autocar en France, même tardive, ne peut donc être qu’un succès !
Sources :
- Avis du 27 février 2014 relatif au fonctionnement concurrentiel du marché du transport interrégional régulier par autocar, Autorité de la concurrence, 2014.
- Robbins D. : Competition in the UK express coach market 25 years after deregulation: the arrival of Megabus.com, Document de travail AET, 2007.
- Van de Velde D. : Long-distance bus services in Europe : Concessions or free market ?, OECD Discussion Paper n °2009-21, Décembre 2009 véhicule.
—
Sur le web.
Soyons bons princes cette fois : Merci Macron, enfin une avancée concrète.
Distinguons l’annonce de future avancée de l’avancée elle-même. On peut parier que les lignes nouvelles ne pourront s’ouvrir qu’avec l’accord de la SNCF sur les parcours où ça ne lui fera pas concurrence.
Enfin la fin du monopole scandaleux de la SNCF?
Enfin la fin de l’obligation de subir les multiples greves des cheminots avec leur regime special?
Enfin la fin des retards?
Mais surtout enfin la fin des billets chers? (2 a 3 fois plus cher que par covoiturage)
Ce que vous pronostiquez est en fait la situation actuelle en droit. L’ouverture de lignes suppose un avis favorable de la SNCF …..
On imagine que c’est cela qui va changer
Christian Gérondeau. — CO2 – Un mythe planétaire, éditions du Toucan, 2009, p. 208 :
[…] depuis un décret-loi de 1934 toujours reconduit, la libre création de lignes d’autocar est interdite en France « pour protéger le monopole du chemin de fer » […]. C’est notamment pour cette raison que nos autoroutes ne sont pas parcourues de lignes d’autocar comme c’est le cas partout à l’étranger où elles procurent à des tarifs très faibles des possibilités de déplacement inconnues dans notre pays et accessibles aux plus modestes.
http://www.decitre.fr/livres/co2-un-mythe-planetaire-9782810002467.html
Quand est-il aujourd’hui de ce décret-loi et de son éventuelle remise en question qui permettrait la création de lignes d’autocar en France ?
M. Grondeau a tort. Ce n’est pas le décret-loi de 1934, abrogé,qui pose ce principe, mais les textes pris après la LOTI. De 1982.
C’est pas ce que je nomme une libéralisation.
Une libéralisation c’est toute personne qui a un permis de conduire et un autocar en fait l’usage qu’il veut pour transporter des personnes.
C’est mieux que rien. Les gens savaient-ils que leur Etat chéri les empêchait de voyager en bus a des prix raisonnables?
La « libéralisation » des autocars est une ineptie supplémentaire : les autoroutes sont déjà dangereuses à cause des camions qui roulent par groupes, doublent quand ils le veulent et roulent TOUS LES JOURS (même les jours interdits). Les cars en plus ce serait un danger supplémentaires ; les cars sont des dangers publics. Ils roulent à la même vitesse que les automobiles, doublent sans complexes n’importe quand et sans se préoccuper des voitures. S’ils ont plus de travail, ils seront pires que les camions, car ils devront faire des heures et ne s’arrêteront jamais. Les accidents seront plus nombreux et plus mortels….. On voit bien que les politiques qui préconisent cette connerie ne prennent jamais l’autoroute et ne circulent qu’en jet privé.