Pétrole : l’OPEP a-t-elle perdu la main ?

L’OPEP aurait-elle perdu la main ? Le marché aurait-il repris ses droits ?

Partager sur:
Sauvegarder cet article
Aimer cet article 0
poker credits ale ale (licence creative commons)

La liberté d’expression n’est pas gratuite!

Mais déductible à 66% des impôts

N’oubliez pas de faire un don !

Faire un don

Pétrole : l’OPEP a-t-elle perdu la main ?

Publié le 6 novembre 2014
- A +

Par Jean-Yves Naudet.

poker credits ale ale (licence creative commons)

Que se passe-t-il sur le marché pétrolier ? En quatre mois, le cours du pétrole est passé de 115 à 85 dollars. Il y a certes à cela de nombreuses et bonnes raisons, mais nous étions habitués à ce que l’OPEP, cartel des pays pétroliers, manipule les cours et empêche leur chute. L’OPEP aurait-elle perdu la main ? Le marché aurait-il repris ses droits ? En réalité, un cartel étatique peut manipuler les cours en courte période, mais il n’a jamais raison à long terme contre le marché, c’est-à-dire la bonne vieille loi de l’offre et de la demande.

Un cartel de producteurs

Longue histoire que celle de l’OPEP et du marché pétrolier. L’Organisation des Pays Exportateurs de Pétrole se constitue en 1960 ; c’est un cartel des pays producteurs. Le cours du pétrole était jusque-là assez bas (3 dollars le baril), simplement parce que l’offre était assez concurrentielle et la demande plutôt élastique : toute l’économie n’était pas encore tournée vers le pétrole et il existait certains produits de substitution. L’OPEP se veut être une arme de combat des États contre les compagnies pétrolières, accusées (à tort) de s’entendre sur le dos des exportateurs. Quels États ? Ils ne sont pas parmi les plus démocratiques, de l’Arabie Saoudite à l’Algérie, en passant par l’Iran ou le Venezuela, l’Irak ou la Libye. Leur première offensive va consister à nationaliser la production de pétrole, pour la sortir des griffes des compagnies.

Puis, dans les années 60/70, la demande de pétrole devient de plus en plus inélastique (on ne peut alors s’en passer pour le chauffage, les déplacements, la production d’électricité, etc.), tandis que le cartel de l’OPEP regroupe la majorité des exportateurs (85% environ). Il était donc logique que les États membres de l’OPEP augmentent les prix à l’occasion d’événements géopolitiques favorisant une réduction de l’offre, comme en 1973 avec la guerre au Proche-Orient ou en 1979 avec la révolution iranienne. Les prix ont été multipliés par 4, puis encore par trois, dépassant les 35 dollars le baril (ce qui fait, compte tenu de l’inflation depuis cette période, une valeur en termes réels plus élevée que les prix actuels).

Il semble qu’il n’y ait rien à faire : un cartel d’États (le pire de tous), en situation de quasi-monopole pour l’exportation, sur un marché dont les consommateurs ne peuvent pratiquement se passer (demande inélastique). L’histoire a montré depuis le début des années 80, au-delà des fluctuations et épisodes divers, que même dans cette situation le marché a repris ses droits et le pouvoir de nuisance de l’OPEP n’a cessé de reculer.

Le marché réagit de lui-même

Les États occidentaux se vantent d’avoir contribué au changement par « les politiques d’économies d’énergie ». Elles n’ont joué qu’à la marge, car ce sont d’abord les consommateurs eux-mêmes qui se sont adaptés : à 3 dollars le baril, on ne prend pas garde aux gaspillages ; à 35 dollars ou plus, il est parfaitement rationnel de réduire les gaspillages en matière de chauffage ou de conduite automobile. Pas besoin d’une loi pour nous obliger à « devenir de bons citoyens » : nous allons désormais éviter des dépenses excessives.

Ensuite, d’autres pays producteurs et exportateurs de pétrole existent, de la Russie au Mexique, des États-Unis à la Norvège ou au Royaume-Uni. Le prix de plus en plus élevé du pétrole a encouragé les recherches, l’exploitation et l’exportation de pétrole de ces pays. Ainsi, le pétrole offshore dans des régions comme la mer du Nord n’aurait jamais été exploité aussi intensément si le baril de pétrole était resté à 3 dollars ! Donc, plus l’OPEP augmentait ses prix, plus ce cartel encourageait la production de pétrole partout dans le monde, réduisant la part de l’OPEP dans les exportations devenue peu à peu minoritaire, aux environs de 40%. L’OPEP sciait ainsi la branche sur laquelle elle était assise.

Mais les États croient toujours avoir plus d’un tour dans leur sac. L’OPEP a pratiqué une politique des quotas visant à réduire la production, donc l’offre, afin de soutenir artificiellement les cours. Souvent, ils ont effectivement fait remonter les cours à court ou moyen terme. Mais, là encore, plus l’OPEP réduisait son offre pour faire grimper les prix, plus cela encourageait la production de pétrole hors OPEP.

Et le prix élevé encourage les produits de substitution

L’erreur a également été de raisonner sur un produit, alors que les clients ne cherchent pas un produit, mais les services que rendent les produits. Et plusieurs produits peuvent rendre des services comparables en matière de carburant, de chauffage ou de fabrication de l’électricité. La hausse artificielle du cours du pétrole a donc non seulement stimulé la production de pétrole hors OPEP, mais aussi celle de produits de substitution comme le gaz, l’électricité d’origine nucléaire, l’exploitation des schistes bitumineux, etc.. Là encore ce n‘est pas le fruit des mesures politiques des gouvernements, mais une simple adaptation logique : face à la hausse du prix d’un produit, les entrepreneurs se lancent dans la recherche d’autres produits rendant des services substituables.

Le marché ne reste jamais passif, sans réactions, car derrière le marché, il y a des entrepreneurs, des consommateurs. Le marché n’est pas un personnage mystérieux, il n’est fait que de toutes les décisions prises par des milliers de gens qui cherchent en permanence une meilleure solution.

Il est incontestable que la mise en exploitation des « gaz non conventionnels » a bouleversé le marché mondial de l’énergie. Aujourd’hui, les États-Unis et le Canada ne sont plus tributaires des importations de pétrole. Bien au contraire, ces pays ont commencé à exporter vers l’Europe. En Europe même, des pays comme la Pologne ont des réserves considérables de gaz de schiste et s’affranchiront des fluctuations des cours du pétrole. On ose espérer que ce sera bientôt la chance de la France, privée de richesses par les décrets de Mesdames NKM et Duflot (Ségolène Royal va-t-elle provoquer les écologistes ?)

Le marché trouve la solution

Ainsi, progressivement, on voit le prix du pétrole fluctuer en dépit des manœuvres de l’OPEP. Dans les années 2000, la croissance des pays émergents entraîne une forte poussée de la demande mondiale ; à la crise économique de 2008 et au ralentissement de la croissance correspond une réduction de la demande.

Et maintenant ? On doit tout d’abord partir des évolutions durables : les producteurs hors OPEP sont de plus en plus nombreux. Russie et États-Unis jouent un rôle plus actif sur le marché et la valeur du dollar pourrait être chancelante, ce qui pèse également sur le prix nominal du baril.
En tous cas, pour l’instant, en dépit du vif recul des cours en quatre mois (de 115 à 85 dollars), l’OPEP n’a pas réagi. C’est que même un cartel d’États peut connaître des tensions internes. Une entente ne marche qu’en cas de discipline collective. Or les douze membres de l’OPEP sont sensibles à des divergences d’intérêts géopolitiques, à des conflits régionaux. Certains souhaitent un cours plus élevé pour équilibrer leur budget, d’autres n’en ont pas besoin. Et l’Arabie Saoudite ne souhaite pas porter seule la charge d’une réduction des quotas et s’inquiète d’un éventuel rapprochement des USA et de l’Iran.

L’histoire n’est pas finie : la politique et la guerre peuvent à nouveau faire monter les cours ; mais le marché impose toujours sa loi à terme, car les adaptations, les évolutions, déjouent les manœuvres étatiques : les Etats peuvent nuire, mais la liberté gagne à long terme. Ce qui ne veut pas dire que les cours resteront orientés à la baisse ; un jour ou l’autre, il n’y aura plus de pétrole « conventionnel », donc il est possible qu’à long terme son prix s’élève. Mais bien imprudents ont été les prophètes du fameux rapport Meadows qui, en 1972, avaient prévu la disparition totale du pétrole et ont prêché la fin du système capitaliste et inventé le « développement durable » ! Les cartels passent, les Etats manœuvrent, mais la liberté économique permet de trouver la solution à travers les fluctuations du marché.


Sur le web

Voir les commentaires (4)

Laisser un commentaire

Créer un compte Tous les commentaires (4)

La liberté d’expression n’est pas gratuite!

Mais déductible à 66% des impôts

N’oubliez pas de faire un don !

Faire un don

Après les élections du 28 juillet 2024, Nicolas Maduro pense pouvoir rester au pouvoir malgré l’exil forcé de son opposant en Espagne. En dépit des critiques, rien de concret n’a été fait pour assurer la transparence des élections.

 

Même les États-Unis envoient des signaux contradictoires. La saisie, le 2 septembre, de l’avion du dictateur en République dominicaine par les États-Unis a semblé être une mesure concrète, bien que largement symbolique. Dans le même temps, le Trésor américain a délivré des licences à plus de di... Poursuivre la lecture

Contrepoints a publié le 8 août 2017 un article de Samuel Furfari intitulé « Venezuela : malédiction du pétrole ou du socialisme ? ». Sept ans plus tard, cet article est malheureusement toujours d’actualité. L’auteur l’a adapté pour prendre en compte les changements intervenus depuis, mais le même constat s’applique : la malédiction du socialisme perdure au Venezuela.

 

Les élections du 28 juillet rappellent le désastre économique que les politiques socialistes infligent au peuple vénézuélien. Depuis l’arrivée au pouvoir de... Poursuivre la lecture

Auditionné au Sénat à la demande de Yannick Jadot, le PDG de Total Patrick Pouyanné a donné une leçon sur l'énergie, les investissements et l'économie. Quatre minutes pour comprendre les enjeux du pétrole à l'échelle mondiale.

 

En audition au sénat, Patrick Pouyanné évoque les failles méthodologiques des scénarios Net Zéro de l’AIE : « je veux bien que tout le monde s’y raccroche, qu’on ait un nouveau pape et une nouvelle bible, mais ce n’est pas la réalité de ce que nous vivons aujourd’hui». pic.twitt... Poursuivre la lecture

Voir plus d'articles