Par Ferghane Azihari.
La notion de démocratie est loin de faire consensus chez les partisans de la liberté au sens large.
Entre ceux qui l’observent avec fascination et méfiance comme Tocqueville, et ceux qui y voient une forme insidieuse de domination comme Proudhon, le régime politique démocratique n’a pas fini de susciter des controverses.
Cet article a l’ambition de proposer une nouvelle conception de la démocratie qui puisse satisfaire l’ensemble des idéaux libéraux.
De la souveraineté populaire à la souveraineté individuelle
L’idéologie démocratique dominante dérive d’une conception rousseauiste de la volonté générale.
Celle-ci est réputée infaillible et a par conséquent longtemps dominé les régimes politiques européens.
L’avènement des régimes fascistes dément les postulats de Rousseau. La majorité peut mal faire. Loin de se caractériser par le pouvoir de la majorité, on admet qu’une société n’est démocratique que si elle garantit les droits et libertés de la plus petite minorité : l’individu. On assiste ainsi au développement du constitutionnalisme dans la seconde moitié du XXe siècle. Son rôle est précisément d’encadrer la loi afin de protéger les libertés individuelles.
Dans ces conditions, nous nous attacherons à proposer ici une nouvelle théorie de la démocratie, à savoir une forme de société dans laquelle les individus sont libres d’édicter les règles qu’ils s’appliquent selon un principe d’égalité juridique. Ce faisant, la norme la plus démocratique qui puisse exister dans une société n’est pas la loi. C’est le contrat. La liberté étant universelle, la démocratie n’est pas plus consubstantielle à la nation qu’elle ne l’est à l’État.
Cela signifie que là où il y a des Hommes, il y a une démocratie en puissance. À travers le prisme de la définition susmentionnée, on peut ainsi faire une typologie des régimes démocratiques en distinguant des formes primitives, des formes avancées, ainsi que des formes idéales.
Les démocraties primitives
On entend par « démocratie primitive » la forme de société qui, loin de permettre à chacun d’édicter les règles qu’il veut bien s’appliquer, permet à chacun d’édicter les règles qu’il veut appliquer à l’autre.
Il en va par exemple de la démocratie jacobine qui, au nom de l’indivisibilité d’une société, s’attache à nier la singularité de l’individu au profit d’une dictature de la majorité (voire d’une minorité) uniformisante. Il en va aussi de la démocratie social-étatiste qui s’attache à régenter excessivement la vie de l’individu par la multiplication d’interdictions et autres statuts légaux préétablis qui se substituent à la liberté contractuelle dans des domaines aussi divers et variés que l’économie (le Code du travail) ou encore l’intimité de l’individu (le mariage civil).
La dernière forme de démocratie primitive que l’on peut identifier est la démocratie nationale. C’est la plus dangereuse de toutes. Dans la plupart des cas, le social-étatisme puise justement sa force dans le nationalisme. Celui-ci ne sert qu’à asseoir l’hégémonie de la puissance publique indépendamment de considérations rationnelles. La nation est en effet une construction idéologique visant à définir un patrimoine historique propre à une communauté, ce patrimoine devant justifier l’établissement et l’action d’un État.
Outre le caractère foncièrement arbitraire du « patrimoine historique », le nationalisme dénature la société en renversant les rapports légitimes entre l’autorité publique et l’individu, le premier devenant une fin et l’autre un moyen. Les démocraties primitives ont toutes une assise idéologique commune qui se fonde sur une gestion élitiste et très centralisée de la société. Elles insistent sur sa dimension institutionnelle en dénigrant son aspect contractuel.
En ce sens, ces sociétés constituent bien plus des oligarchies électives que de véritables démocraties.
Les démocraties avancées
À côté des démocraties primitives, on trouve des démocraties avancées.
Celles-ci ont le mérite de conférer plus de libertés individuelles en encadrant plus fermement les prérogatives de puissance publique. C’est le cas des sociétés minarchistes qui fonctionnent selon une certaine éthique de la subsidiarité et de la proportionnalité.
La subsidiarité postule que, quand elle nécessaire, l’action politique doit être exercée par l’entité politique la plus petite. Ce souci de la petitesse part du constat que le poids politique d’un individu est inversement proportionnel à la grandeur d’une société, alors qu’il est obligé par les mêmes termes de la loi. Il en découle naturellement que plus une société politique est petite, plus elle est respectueuse de la diversité des réalités individuelles, et corrélativement de l’idéal démocratique.
Ce principe de subsidiarité est au cœur de la doctrine des démocraties fédérales par opposition aux fondements idéologiques de la démocratie jacobine.
En effet, dans une société fondamentalement fédérale, les entités fédérées sont libres de choisir leurs degrés de centralisation et de collectivisme. L’inverse n’est pas vrai. La subsidiarité doit également s’accompagner de la proportionnalité de l’action politique, à savoir que les moyens ne doivent pas excéder ce qui est nécessaire pour atteindre le but poursuivi. La démocratie minarchiste doit enfin privilégier une dépolitisation maximale des processus décisionnels au profit de la liberté contractuelle et l’auto-détermination de la société civile par opposition à la prolifération de statuts légaux préétablis. Une démocratie minarchiste est enfin post-nationale.
Elle préfère se fonder sur des valeurs rationnelles et puiser sa légitimité dans la protection des libertés individuelles en lieu et place de la religion nationale.
Les démocraties idéales
Proudhon énonçait que « la plus haute perfection de la société se trouve dans l’union de l’ordre et de l’anarchie ».
Le monopole de la violence légitime est le symbole d’une humanité inachevée. Les sociétés anarchiques et libertaires sont dans ces conditions les meilleures formes de démocratie. Seule la démocratie qui existe en dehors du cadre du monopole de la violence légitime peut se targuer d’être un véritable contrat social. Selon la théorie dominante du droit public, l’État est l’ultime détenteur de la souveraineté, un pouvoir politique absolu qui n’a d’autre justification que lui-même.
Autant d’énonciations qui vont à l’encontre de la nature du contrat d’association qui suppose préalablement un libre consentement et une libre adhésion.
Or, la liberté individuelle étant inaliénable, un véritable contrat social se doit d’être révocable à tout moment par les parties contractantes, et cela indépendamment de la volonté de la société. Dans cette perspective, le pouvoir politique a une justification subordonnée à la volonté des membres qui la composent, ce que n’admet pas la théorie de l’État moderne qui se targue d’être un contrat tout en agissant comme une institution indépendante des membres qui la pratiquent. Ce faisant, l’association et l’organisation internationale qui voient leurs existences respectives beaucoup plus subordonnées au consentement de ses membres sont a fortiori structurellement plus démocratiques que l’État souverain. Il semble que cette conception de la démocratie puisse satisfaire l’ensemble d’idéaux libéraux mais également l’idéal libertaire.
En effet, le sociologue Alain Touraine, lors d’une conférence organisée à Sciences-Po Paris le 30 janvier 2014 sur la démocratisation des institutions internationales, énonçait la chose suivante :
« On a toujours pensé la démocratie en termes de pouvoir afin de savoir qui on allait placer sur le Fauteuil. Est-ce le monarque, la nation, le peuple ? Pourtant, la démocratie, c’est justement lorsqu’il n’y a plus personne sur le fauteuil ».
Les libertaires sont des nihilistes pour lesquelles il n’existe pas de valeurs morales objectives.Â
Leur conception de la liberté est purement négative, la simple absence de frein à la volonté individuelle.Â
Pour les libéraux, dont les valeurs sont historiquement d’origine chrétienne, il ne s’agit pas de liberté mais de licence, qui conduit l’homme à opprimer son prochain.Â
L’expression politique du nihilisme moral est l’anarchie, qui conduit inévitablement à la tyrannie. Â
L’expression politique du libéralisme est la démocratie constitutionnelle.Â
Qu’est-ce qui a le mieux fonctionné dans l’histoire ?
En fait pour les libertaires/anarchistes, seule la liberté peut entraver la liberté. Il n’a pas bon de confondre l’anarchie qui est une forme de société avec l’état-de-nature 🙂 Je pense que vous pouvez donc garder vos accusation de nihilisme. Qu’est-ce que le constitutionnalisme ? Sinon une philosophie qui cherche à encadrer les prérogatives d’une collectivité humaine pour protéger l’individu ? Or l’Etat n’est pas la seule forme de collectivité humaine. Il y en a eu d’autres avant lui, il y en aura d’autres après.
Si « seule la liberté peut entraver la liberté » cela signifie qu’elle est la seule valeur morale.Â
Et comme votre conception de la liberté se résume à l’exercice sans frein de la volonté individuelle, c’est bien une forme de nihilisme.Â
Ne pas être nihiliste c’est considérer que la liberté est bornée par la morale (au sens large).Â
Dans votre « anarchie » chacun est à la fois un tyran et un esclave.Â
C’est votre droit d’être libertaire,  mais ce n’est pas du libéralisme. C’est même contraire au libéralisme.Â
Soit. Vous persistez à dire que je prône un monde où la liberté n’a pas de frein quand j’essaie de vous dire au contraire que celle-ci doit s’exercer par rapport à la liberté d’autrui et qu’elle est par conséquent relative. Mais comme vous semblez connaitre ma pensée mieux que moi…
Comment définissez-vous la liberté ?
Comment définissez-vous la morale ?
Si je n’ai pas la même morale que vous, et que j’agis selon cette dernière, mais que mes actions ne lèse pas votre propre liberté, essayerez-vous d’attenter à ma personne ou à mes biens ?
Vous essayez de faire le grand écart entre votre constructivisme et le libéralisme. Votre définition de la liberté semble se borner à votre propre conception de la morale, et cela, mon cher, cela n’a strictement rien de libéral.
Historiquement, le libéralisme est, justement, en opposition relative avec la religion. Le libéralisme est né en même temps que les guerres de religions. On a considéré, à ce moment, que si chacun n’essayait plus d’imposer à autrui sa religion, la société pouvait devenir plus apaisée. De proche à proche a été théorisé qu’au final : moins on essaie d’imposer à autrui, plus la société est apaisée.
Bref, je ne sais trop ce que vous essayez de démontrer. Mais forcer de constater que si c’est l’idée de croire que le libéralisme met des bornes à la liberté individuelle autres que la liberté d’autrui, vous risquez d’aller de déconvenue en déconvenue.
Vous avez parfaitement le droit d’être un constructiviste conservateur, mais ne venez pas me dire que vous êtes libéral.
La question est très simple.
La liberté ne peut pas borner la liberté car pour arbitrer les conflits il faut des valeurs objectives.
Pour moi ces valeurs doivent être morales et se traduire dans la loi.
Mais comme personne n’a le monopole de la morale le rôle des citoyens est de participer à cette élaboration.
Le problème est que vous avez tendance à confondre morale et ligue de vertu.
Vous ne pouvez pas évacuer le problème de la morale, car alors de quelle nature est l’obligation de respecter les droits d »autrui ?
Vous êtes constructiviste : c’est tout, c’est votre droit, mais ne venez pas dire que c’est la seule solution.
Pas plus que vous n’avez à imposer votre religion aux autres, vous n’avez aucun droit de leur imposer votre « morale ». Ce que vous proposez s’appelle la démocratie totalitaire. Ni plus, ni moins.
« La liberté ne peut pas borner la liberté car pour arbitrer les conflits il faut des valeurs objectives. »
=> Cette assertion est parfaitement fausse. Pour arbitrer des conflits, il suffit de se poser la question suivante : « Est-ce que les droits naturels du requérant ont été violé par les actions du défendeur ? ». Nul besoin de faire parler votre « morale », on a définit les droits naturels, suffit de constater la réponse.
Morale et loi sont tout à fait distinct. Votre idée est aussi vieille que le droit, et a été arbitré il y a très longtemps. La morale est personnelle, la loi est générale. Si la morale devient la loi : on règne dans le totalitarisme le plus franc.
« Vous ne pouvez pas évacuer le problème de la morale, car alors de quelle nature est l’obligation de respecter les droits d »autrui ? »
Non seulement je peux, mais en plus je fais. Vous confondez morale et loi.
L’obligation de respecter les droits naturels d’autrui doit-être lié à la loi.
Que votre morale vous dise que vous pouvez me tuer : je m’en fous totalement. Tout ce qui importe c’est que la loi constate que cela est faux, et qu’elle autorise la force publique, ou m’autorise à vous arrêter personnellement, à vous arrêter.
L’obligation en société est légale et non morale.
Dire que quelqu’un a un droit  signifie simplement qu’il est immoral d’y porter atteinte. La loi prête le concours de la force publique (ou pas) à la protection de ce droit.
Une loi qui ne serait pas morale est une loi tyrannique.
Vous êtes un nihiliste moral et en tant que tel nous ne proposez aucun fondement pour la loi, ce qui vous ne laisse que deux options : l’anarchie ou, et en fin de compte, la tyrannie.
Vous n’êtes pas libéral, vous êtes libertaire.Â
« Les droits individuels sont les moyens de subordonner la société a la loi morale »Â
(« Individual Rights are the means to subordinate society to the moral law » en VO)Â
Ayn Rand (!)
Le rôle de la loi n’est pas de définir « La Morale » (sauf dans l’esprit des conservateurs de gauche ou de droite). Elle est de permettre à toutes les morales de s’exprimer pour peu qu’elles ne portent pas atteinte à la liberté/sûreté d’autrui.
Je ne dis pas que la loi doit définir la morale mais qu’elle doit définir les principes objectifs qui permettent d’arbitrer les conflits (la justice au sens large).
Ces principes doivent être conformes à la morale.Â
Comme le dit Rand, ces principes subordonnent la société à la morale.Â
Les seuls principes moraux objectifs que vous admettez sont de ne pas porter atteinte à la liberté et à la sureté d’autrui.
Mais cela ne suffit pas, car il faut encore préciser ce qu’est la liberté, ou elle commence et ou elle finit.Â
Par exemple, suis-je libre de torturer un animal qui serait ma propriété ? Plusieurs réponses, « morales » comme vous dites ne peuvent pas coexister en paix.Â
L’idée libertaire d’un pluralisme éthique est une illusion qui conduit au communautarisme et à la violence.Â
 Â
Ferghane Azihari: « celle-ci doit s’exercer par rapport à la liberté d’autrui »
En pratique dans le monde réel comment ça marche ? Quelles sont les pays qui l’ont appliqué dans l’histoire ou l’appliquent actuellement et par quel moyens ?
J’ai la par exemple, la liste des pays les plus démocratiques, ce sont des démocraties participative qui font toutes parties des pays les mieux gérés et les plus libéraux de la planète. (économique et civile)
Visiblement ça marche, ça existe et la France n’en fait pas partie… avant d’aller chercher des utopies ne faudrait-il pas reformer la France pour quelle rejoigne déjà ces pays ?
CLASSEMENT DEMOCRATIE VS LIBERTE
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Indice de démocratie vs liberté économique
Démocratie participative (« Démocratie » )
1-Norvège – Classement liberté économique: 32eme – Dette: 33%
2-Islande – Classement liberté économique: 23eme – Dette: 99% (crise bancaire)
3-Danemark – Classement liberté économique: 10eme – Dette: 46%
4-Suède – Classement liberté économique: 20eme – Dette 37%
5-Nouvelle-Zélande – Classement liberté économique: 5eme – Dette: 25%
6-Australie – Classement liberté économique: 3eme – Dette: 22%
7-Suisse – Classement liberté économique: 4eme – Dette 40%
8-Canada – Classement liberté économique: 6eme – Dette 48%
9-Finlande – Classement liberté économique: 19eme – Dette 38%
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Démocratie représentative (« Démocratie Imparfaite » )
29-France – Classement liberté économique: 70eme – Dette 90%
Comme disait Francis Fukuyama dans la fin de l’histoire, la démocratie libérale est la seule alternative crédible après la chute du mur de Berlin et du communisme à l’Est. Elle garantit des droits et libertés, la propriété privée, la responsabilité individuelle, le constitutionnalisme. Combinée au Libéralisme économique dans un Etat, elle est source des richesses et de croissance. Le marasme socialiste dans lequel est plongé ce grand pays, la France, est une pathologie qu’il faut absolument mettre au placard. N’ y a-t-il pas de vrais libéraux en France, dans le style Thatcher pour remettre sur les rails ce pays rempli d’histoire ?
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