Par Jacques Henry.
Quand je suis arrivé à Narita (Japon) dimanche dernier (le 16 novembre), il y avait une escouade de douaniers avec des chiens renifleurs, comme les avions du temps de Giscard, dont la mission était de détecter un bagage suspect contenant éventuellement de la drogue. Éduquer un chien pour sentir de la coke ou une autre drogue illicite est un travail harassant et de longue haleine, un peu comme un paysan des coteaux cévenols apprend à son meilleur ami à trouver des truffes. Il faut procéder à une longue éducation dont le fil directeur est la récompense en cas de succès.
Mais qu’en est-il de l’autre commensal de l’homme depuis des temps immémoriaux, je veux évoquer le rat ? On va donc ici parler de Gatuso. Ce n’est pas une star du football ni du showbizz, il s’agit d’un rat et pas n’importe quel rat puisque l’on considère qu’il est une star dans son domaine, la détection de mines antipersonnel. C’est vrai et c’est beaucoup moins compliqué et coûteux d’éduquer des rats plutôt que des chiens et passons sur les interventions humaines à haut risque dans les opérations de déminage. Le chien présente un gros inconvénient dans la détection des mines qui infestent les campagnes du Sud-Soudan, de la Somalie ou encore de l’Angola, et de bien d’autres pays, puisqu’on estime qu’en Angola seulement il reste quelque 15 millions de mines dispersées dans des campagnes tout à fait aptes à produire de bonnes récoltes, mais complètement désertées en raison des risques encourus si on tente d’aller dans ces no-man’s lands dûment signalés par des panneaux rouillés. Les chiens sont trop lourds et un coup de patte quand ils ont reniflé l’odeur du TNT (trinitrotoluène pour les intimes) les transforme en viande pour chat, avec les quelque 10 000 dollars qu’a coûté l’apprentissage.
Pour une somme encore conséquente (8 000 dollars) il est plus rapide d’éduquer un rat. Pas n’importe quel rat puisqu’il s’agit du Cricetomys gambianus, excusez du peu, qui va détecter presque infailliblement la présence de relents infimes de TNT dans un champ envahi d’herbes hautes depuis des années, car interdit en raison des mines antipersonnel redoutables pour tuer ou mutiler des innocents. Ce sont les restes d’une longue guerre civile qui se termina il y a plus de douze ans en Angola et qui laissa entre dix et vingt millions de mines antipersonnel un peu partout dans le pays. C’est originellement une idée de Bart Weetjens, un designer belge un brin excentrique et bouddhiste à ses heures perdues, que d’utiliser des rats plutôt que des chiens dans ce délicat travail.
Le rat géant à bajoues fut choisi et Bart créa une petite société, il y a une douzaine d’années dans le but d’entraîner ces rats à la recherche de mines (apopo.org). Jusqu’à ce jour, le déminage avec des rats est un succès en Tanzanie comme en Angola. Dans ce dernier pays, 27 rats sont d’ores et déjà opérationnels avec un staff de 12 personnes bien entraînées. Ce projet a été financé par la Norvège et développé spécialement dans les alentours de Catamenda, à 400 km de Luanda, pour restituer aux villageois de bonnes terres arables où ils ne peuvent aller cultiver quoi que ce soit depuis la fin de la guerre civile.
Mais revenons à Gatuso (photo ci-dessus). Il a en charge une vingtaine d’hectares de terrain recouvert d’herbes hautes et de restes de plantations de manioc. Son manager, un certain Austragildo Freitas, ancien combattant de la guerre civile qui s’occupe de déminage depuis douze ans, emmène Gatuso et ses collègues démineurs dans son 4×4 et aime à dire fièrement que Gatuso a trouvé plus de mines que Lionel Messi a marqué de buts ! Les meilleurs moments de la journée sont le matin et en soirée quand la température n’est pas trop élevée. L’idéal serait de faire travailler les rats la nuit car ce sont des animaux aux mœurs nocturnes mais il faudrait alors éclairer le terrain ce qui compliquerait considérablement l’opération. Gatuso a déjà localisé plus de 1300 mines. Sa récompense préférée est une bonne banane mais certains de ses collègues démineurs ont un penchant pour des cacahuètes ou d’autres friandises locales beaucoup moins coûteuses que la nourriture pour chiens qu’il faut importer.
Il reste encore dans le monde une soixantaine de millions de mines réparties dans 65 régions ou pays du globe, un aspect terriblement sordide du comportement humain, privant des centaines de millions de personnes de bonnes terres agricoles. On estime que les gouvernements variés bellicistes, que je ne nommerai pas ici, disposent encore de près de 100 millions de mines alors que l’usage de ces petits objets mortels est interdit ! Heureusement que les rats sont là pour, cette fois, améliorer la vie de quelques humains …
Source : Forbes
Vive l’innovation inversée !
Pauvres bêtes quand même. Et les droits des animaux alors ?
Ont ils une prime de risque au moins ?
Travail de nuit, pas de 35 h….mais que font les syndicats des rats alors ? Hein.
En plus, le pire, payé en banane. Non mais, des fois.
Il y a un objet inventé qui est poussé par le vent et écrabouille les mines avec ses multiples bras. Ça marche aussi ! C’est moins fin, mais moins coûteux et surtout moins dangereux pour le démineur.
Parfois, on se demande : pourquoi faire simple ?
bah …généralement , quand ” l’humain ” se sert des animaux c’est trés rarement pour lui faire du bien….
Bonjour e moi
de quel appareil parlez-vous s’il vous plaît?
Je crois que c’est cette invention 🙂
http://bigbrowser.blog.lemonde.fr/2012/12/03/design-une-sphere-en-bambou-qui-roule-au-vent-contre-les-mines-dafghanistan/
Merci
Notons que l’idée remonte.
http://en.wikipedia.org/wiki/APOPO
Si elle marche et se développe, c’est une nouvelle fantastique.
Dieu que voilà une nouvelle réjouissante. Bien, très bien. Du bon sens, du terrain, de l’innovation, de la simplicité… que dire, bravo !