Par Philippe Fabry et Julien Lalanne.
En France, de manière très paradoxale, c’est probablement chez les libéraux que la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen de 1789 a la plus mauvaise réputation. Damien Theillier, à la suite de Jacques de Guenin, résumait tantôt quelques griefs dans un article au sein de ces colonnes. D’autres voient carrément dans le texte la source de tous les collectivismes pseudo-démocratiques.
Globalement, les critiques se résument à un point fondamental : la DDHC donnerait un trop grand rôle à la loi, « expression de la volonté générale ». Elle mettrait donc les droits naturels, spécialement la liberté et la propriété, à la merci de la majorité démocratique ; la DDHC non seulement ne garantirait donc aucun droit, mais serait même nuisible, un danger pour l’État de droit et la liberté.
La conséquence naturelle et évidente de ce regard porté par les libéraux sur la DDHC est qu’ils évitent soigneusement d’y avoir recours dans le débat public. Or en France cette déclaration jouit toujours d’un prestige culturel important, et ses interprétations tordues et contraires au droit sont d’autant plus favorisées que pour les raisons ci-dessus évoquées, les libéraux ont renoncé à défendre une lecture authentiquement libérale qui leur semble impossible. Ce faisant, ils se privent d’une arme politique de premier ordre pour la promotion du libéralisme tout en permettant de triompher à des interprétations complètement absurdes de ce texte qui est, nous l’affirmons, un chef-d’œuvre libéral.
La Déclaration des droits de l’Homme et du citoyen de 1789 est principalement abordée sous un angle philosophique ou historique. Elle est pourtant un texte dont le Droit est l’objet. Il est excessivement rare, au regard de la célébrité du texte et de son caractère juridique, de trouver le texte abordé sous l’angle du Droit.
Or l’Assemblée nationale qui le rédigea était en grande partie composée sinon de professionnels du droit, du moins d’individus qui avaient fait des études de droit. La Déclaration de 1789 est donc largement l’œuvre de juristes, et l’on prend le risque de nombreux contresens à ne pas la lire suivant les méthodes normales d’interprétation des textes juridiques, c’est-à -dire d’une part en lisant le texte comme un tout, spécifiquement en subordonnant la lecture des articles à tout ce qui les précède, et qui leur impose un sens (et nous allons voir qu’en procédant ainsi, l’idée que la loi se définit comme « l’expression de la volonté générale » est un contresens complet) ; et d’autre part en prenant la peine de dégager les définitions des termes telles qu’elles se dégagent du texte lui-même – puisqu’il se veut un texte de principe, non subordonné à un autre.
Lire la Déclaration des droits de l’Homme comme un tout
Le raisonnement suivi par les adversaires libéraux de la Déclaration est le suivant :
Majeure : une bonne déclaration de défense des droits naturels ne peut être contraire au droit naturel.
Mineure : je connais une interprétation de tel ou tel article de la déclaration 1789 qui est contraire au droit naturel.
Conclusion erronée : la déclaration des droits de l’Homme est contraire au droit naturel, elle est donc une mauvaise déclaration.
Alors qu’un raisonnement (juridique) rigoureux conduit nécessairement à la conclusion suivante :
« L’interprétation de la DDHC 1789 qui est contraire au droit naturel est une mauvaise interprétation ».
La raison qui conduit à privilégier cette conclusion plutôt que tout autre se trouve dans le préambule même de la déclaration :
« Les représentants du peuple français […] ont résolu d’exposer, dans une Déclaration solennelle, les droits naturels, inaliénables et sacrés de l’Homme ».
De par l’intention même des rédacteurs, la déclaration ne peut produire de droit contraire au droit naturel.
Cette volonté se retrouve dans le corps du texte qui, contrairement aux apparences et à ce que l’on dit souvent, porte une très forte cohérence interne. Un premier regard laisse souvent penser qu’il s’agit seulement d’une suite d’articles posant autant d’axiomes politiques dont on espèrerait, très naïvement, qu’en les appliquant tous en même temps ils aboutiraient à un beau résultat. C’est tout de même faire insulte aux députés du tiers état de 1789 qui étaient tous des gens instruits, et intellectuellement bien formés, et pour une bonne partie rompus à la rédaction d’actes juridiques complexes tels que les contrats.
En réalité la DDHC n’est pas une simple liste. Elle a un plan qui est le suivant :
– Les articles 1 à 3 définissent les droits naturels, la citoyenneté et la société politique
- L’article 1 définit la citoyenneté
- L’article 2 définit la société politique, et les droits naturels
- L’article 3 les articule
– Les articles 4 à 6 définissent l’instrument de l’articulation des droits individuels au sein de la société politique, qui est la Loi
- L’article 4 définit la fonction de la Loi
- L’article 5 énonce les limites du champ d’action la Loi
- L’article 6 expose les règles d’adoption de la Loi
– Les articles 7 à 9 énoncent la force obligatoire de la loi pénale et ses limites
– Les articles 10 et 11 énoncent les libertés « mineures » s’exerçant sur l’espace public
– Les articles 12 à 16 prévoient la mise sur pied de la force publique nécessaire à la mise en œuvre de la loi
- L’article 12 définit la force publique et son objectif
- L’article 13 prévoit son financement
- L’article 14 prévoit le contrôle de ses ressources
- L’article 15 prévoit le contrôle de son exercice
- L’article 16 précise la nécessité d’organiser le contrôle
– L’article 17 réaffirme l’importance du droit de propriété en conditionnant l’expropriation par son dédommagement.
On voit donc bien que le propos est tout sauf désordonné. Les idées découlent les unes des autres et sont hiérarchisées. En particulier, il faut noter que :
– Les droits naturels sont définis dans l’article qui définit la société pour la raison logique qu’en dehors de la société, il n’y a pas de droit. La liberté, la propriété, la sûreté et la résistance à l’oppression ne se considèrent qu’en présence d’une pluralité de personnes. Robinson Crusoé n’est pas propriétaire de son île, puisque la propriété est une borne qui distingue le « tien » du « mien » et du « sien ». Le droit est lié à la société comme le dit l’adage ubi societas, ibi ius.
– La loi ne se définit pas comme « l’expression de la volonté générale », contrairement à ce que l’on dit souvent. Il ne s’agit là que du troisième article relatif à la loi, qui vient uniquement énoncer ses modalités d’adoption ; il ne s’agit que d’une qualité formelle, quand les qualités substantielles en sont énoncées par les deux articles précédents (cf. plus bas la définition synthétique).
– La force publique n’a d’autre fonction que de faire respecter la loi, c’est-à -dire de faire respecter la liberté, la propriété, la sûreté, la résistance à l’oppression.
– Les libertés d’opinion, d’expression et de presse sont exprimées à part non, comme on le dit souvent, comme une sorte de liste complémentaire des droits individuels, mais au contraire parce que les rédacteurs de la déclaration des droits de l’Homme ont eu l’intelligence de comprendre qu’elles ne sont pas des libertés de même nature. Deux siècles avant Hans-Hermann Hoppe, les révolutionnaires français comprenaient que ces deux libertés publiques étaient très différentes des libertés fondamentales de l’article 2, et astreintes au respect de ces libertés supérieures. Croire que ces libertés publiques sont spécifiquement défendues et avec une préférence sur le droit de propriété est un contresens majeur. L’idée selon laquelle un propriétaire peut refuser toute liberté d’expression sur sa propriété est en réalité défendue par la DDHC, pour laquelle les libertés d’expression et d’opinion sont des libertés mineures et secondaires, par opposition aux libertés majeures et primordiales que sont la liberté, la propriété, la sûreté, la résistance à l’oppression.
Tous ces points font généralement l’objet d’absolus contresens et ce en raison d’une lecture faussée du texte. Insistons sur ce point, la DDHC est un texte juridique. On ne doit pas la lire comme le Coran dont les derniers versets abrogent les plus anciens. On doit lire tout nouvel article comme subordonné aux précédents.
Et pour bien comprendre l’esprit de la DDHC, il est utile de comprendre, en suivant cette lecture hiérarchique des articles, le sens exact de chaque mot employé.
Les définitions de la déclaration des droits de l’Homme : société, droits naturels, loi, citoyen, Constitution
La DDHC ne saurait se concevoir autrement que comme ce que l’on peut appeler un « texte premier », un texte fondateur au sens strict du terme.
En effet, la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen n’est pas simplement inspirée des théories du contrat social, elle est le Contrat social rédigé par les révolutionnaires. À aucun moment il n’est question d’État dans la DDHC, seulement d’association politique et de société d’hommes libres.
La déclaration des droits de l’Homme, ce sont les statuts de cette association politique. En tant que telle, elle est un texte primordial, dont le sens des grands mots qu’il utilise : société, droits naturels, loi, citoyen, Constitution ne saurait être cherché ailleurs que dans le texte lui-même, qui les définit, leur donne un sens univoque. Et pour synthétiser ces définitions, il suffit de lire le texte.
La société et les droits naturels
Le premier de ces grands mots est le mot « société ».
Nombre de libéraux frémissent à la lecture de ce mot et de sa signification collectiviste. Le réflexe (salutaire) usuel est l’exclamation thatchérienne : « There’s no such thing as society », la société n’existe pas.
Néanmoins, aux termes de la Déclaration, la société n’est pas une sorte d’entité floue.
Elle est définie, dès l’article 2, comme une « association politique » dont le but est « la conservation des droits naturels et imprescriptibles de l’Homme. Ces droits sont la liberté, la propriété, la sûreté et la résistance à l’oppression ». La société, dans la DDHC, doit donc se définir ainsi : « association politique ayant pour but la conservation de la liberté, la propriété, la sûreté et la résistance à l’oppression ».
C’est une définition extrêmement restrictive et qui, dès l’article 2, limite le rôle de toute structure politique : il s’agit d’une association d’autodéfense d’hommes libres, comme la concevait dans ses écrits Frédéric Bastiat. Aucune mission ne lui est donnée au-delà , et tout le reste de la Déclaration doit être lu en mettant cette définition, et uniquement celle-ci, sous le mot « société ».
Une remarque à ce propos : le grand public croit souvent que la Terreur a été commise par des gens qui respectaient la DDHC de 1789. C’est faux : après le tournant de 1792, la Commune insurrectionnelle de Paris et la confiscation de la Révolution par les montagnards, fut rédigée une autre Déclaration, celle du 24 juin 1793 (à lire ici). Cette deuxième déclaration est un monstre. Toute l’élégance de la première a disparu et si certains articles sont conservés, leur ordre est chamboulé, brisant le plan, sa cohérence logique et sa signification.
Et surtout des articles éminemment collectivistes sont ajoutés, comme l’article 21 :
« Les secours publics sont une dette sacrée. La société doit la subsistance aux citoyens malheureux, soit en leur procurant du travail, soit en assurant les moyens d’exister à ceux qui sont hors d’état de travailler » et l’article 22 : « L’instruction est le besoin de tous. La société doit favoriser de tout son pouvoir les progrès de la raison publique, et mettre l’instruction à la portée de tous les citoyens. »
Cette Déclaration perd toute la rigueur juridique de la première en ne définissant pas ses termes : utilité publique, société y sont par conséquent des termes flous.
Bien au contraire, les définitions de la déclaration des droits de l’Homme de 1789, ciselées et précises, rendent parfaitement univoques ses énonciations. Ainsi, en définissant la « société » comme « association politique ayant pour but la conservation de la liberté, la propriété, la sûreté et la résistance à l’oppression » une logique en cascade permet de comprendre que lorsque la Déclaration évoque « l’utilité commune » ou « l’avantage de tous », ces expressions signifient exclusivement « la conservation de la liberté, la propriété, la sûreté et la résistance à l’oppression ». La société politique, dans la Déclaration, est fondée sur, et a pour objectif unique de protéger les droits naturels qui sont définis comme « la liberté, la propriété, la sûreté et la résistance à l’oppression ».
En sont exclus ces droits potentiellement contradictoires que sont la liberté d’opinion et d’expression, relégués bien plus loin dans la DDHC, ainsi qu’on l’a noté, non par commodité mais de manière très signifiante, parce qu’ils ne sont pas des droits naturels. La DDHC porte donc l’idée d’Ayn Rand suivant laquelle il n’existe pas d’autre droit que le droit de propriété. Ce droit de propriété, décliné en sûreté et en résistance à l’oppression, implique bien sûr le droit d’être armé, ce qui ne faisait aucun doute pour les révolutionnaires, au point qu’ils estimaient que cela n’avait même pas à être précisé !
Et il faut noter, sur ce point, que la déclaration des droits de l’Homme est bien supérieure à la Déclaration des Droits américaine, dont le premier amendement porte sur la liberté d’expression, de culte et de presse, alors qu’en bonne philosophie libérale ces droits ne sont pas primordiaux, mais découlent de la propriété, ce que nos rédacteurs de 1789 avaient compris.
La loi
L’autre grand mot qui donne des sueurs froides aux libéraux, c’est le mot « loi », tant la pratique législative nous a habitués à l’idée que c’est souvent elle qui opprime. En outre, les détracteurs libéraux de la DDHC se font de la loi l’idée qu’elle serait « l’expression de la volonté générale », principe démocratique liberticide soumettant potentiellement l’individu à l’oppression de la majorité. Or ce n’est pas, mais pas du tout, ce que dit la DDHC.
La loi fait l’objet de trois articles : 4, 5 et 6. C’est l’article 6 qui énonce que « La loi est l’expression de la volonté générale ». Mais ceci n’est pas une définition ; pour croire que c’en est une, il faut avoir sauté les deux précédents.
Celui qui définit ce qu’est la loi, c’est l’article 4.
Il énonce :
« La liberté consiste à pouvoir faire tout ce qui ne nuit pas à autrui : ainsi, l’exercice des droits naturels de chaque homme n’a de bornes que celles qui assurent aux autres membres de la société la jouissance de ces mêmes droits. Ces bornes ne peuvent être déterminées que par la loi. »
Faut-il vraiment reformuler pour que les choses soient claires ? Faisons-le tout de même : la loi est ce qui détermine les bornes à l’exercice des droits naturels et ces bornes ne sont ni plus ni moins que les droits naturels des autres. Ainsi avez-vous le droit de porter une arme et d’en faire ce que vous voulez, puisque c’est votre propriété mais vous n’avez pas le droit de vous en servir pour tuer votre voisin car cela va contre son droit de sûreté ; cela à condition bien sûr que votre voisin n’ait pas lui-même violé votre droit de propriété en vous volant votre bien. Lorsqu’il est dit que ces bornes ne peuvent être déterminées que par la loi, ce n’est pas un obstacle aux libres conventions, puisque les conventions sont un exercice du droit de propriété et de la liberté qui ne nuisent pas aux contractants.
Cet article 4 est fondamental. Il définit l’unique objet de la loi, qui est exclusivement la protection de la liberté, la propriété, la sûreté et la résistance à l’oppression. De ce point de vue, au sein de la société politique telle que définie plus haut, la loi doit disposer le droit objectif, c’est-à -dire les règles générales applicables à tous (exemple : le meurtre commis avec préméditation constitue un assassinat. Il est puni de la réclusion criminelle à perpétuité ; article 221-3 du Code pénal) permettant l’articulation juste et en toute égalité des droits subjectifs, c’est-à -dire des droits que les individus peuvent faire valoir aux autres membres de la société (exemple : Pierre a le droit de détenir une arme et de s’en servir, mais j’ai le droit de vivre en sûreté, de ne pas faire l’objet d’une tentative d’assassinat), que sont les droits naturels.
Après cette définition de la loi, l’article 5 vient immédiatement limiter son champ d’action :
« La loi n’a le droit de défendre que les actions nuisibles à la société. Tout ce qui n’est pas défendu par la loi ne peut être empêché, et nul ne peut être contraint à faire ce qu’elle n’ordonne pas. »
Là encore, il faut se souvenir de ce que signifie « société » et comprendre que la loi n’a donc le droit de défendre que les actions nuisibles à la liberté, la propriété, la sûreté. Il n’est aucunement question d’organiser la société, de déshabiller Pierre pour habiller Paul : de telles prétentions légales sont rigoureusement écartées. Des commentateurs reprochent à la DDHC de 1789 de ne pas énoncer, comme l’United States Bill of Rights, « Le Congrès ne pourra faire aucune loi… ».
Mais une bonne lecture de la DDHC rend une telle formule parfaitement inutile puisque la définition même de la loi telle que donnée par la Déclaration exclut tout empiètement sur les droits naturels, qu’il ne s’agit jamais – c’est exclu – de limiter en soi mais d’articuler – et d’articuler dans l’égalité (cf. article 1), donc sans pouvoir privilégier l’un au détriment de l’autre. Certes, la loi doit poser des bornes à l’exercice des droits naturels, mais il faut bien voir que de chaque côté de la borne de la loi, il y a un droit naturel subjectif, celui de Pierre et celui de Paul, et que la loi évite seulement que l’un n’empiète sur l’autre. La loi n’est pas là pour instaurer un royaume de l’État entre les droits de Pierre et de Paul ; elle doit tracer une ligne, pas conquérir un espace. Bref ce que la loi, au sens de la DDHC de 1789, est censée mettre en Å“uvre, c’est tout bonnement le principe de non-agression.
Et nous en arrivons au fameux article 6 :
« La loi est l’expression de la volonté générale. Tous les citoyens ont droit de concourir personnellement ou par leurs représentants à sa formation. Elle doit être la même pour tous, soit qu’elle protège, soit qu’elle punisse. Tous les citoyens, étant égaux à ses yeux, sont également admissibles à toutes dignités, places et emplois publics, selon leur capacité et sans autre distinction que celle de leurs vertus et de leurs talents ».
Point de principe démocratique ici, point de possibilité pour le vote majoritaire d’écraser les individus : cet article est tout simplement une règle organique. La loi a déjà été définie, on sait à quoi elle est exclusivement ordonnée et comment elle peut le faire, il n’est plus question de cela, mais seulement de préciser comment on adopte la loi. Et l’on adopte un vieux principe : quod omnes tangit ab omnibus approbari debet, ce qui touche tous doit être approuvé par tous. Pas un seul instant il ne s’agit de pouvoir décider qui a droit à quoi : l’égalité est réaffirmée.
Désigner cet article comme un danger démocratique menaçant la liberté, la propriété, droits affirmés dès l’article 2, est donc un non-sens. L’article 6 n’a absolument pas cette signification. Il ne l’a tellement pas que les vrais fous de la législation, les constructivistes jacobins, en avaient parfaitement conscience et, dans leur déclaration de 1793, ont remonté « la Loi est l’expression libre et solennelle de la volonté générale » dans un article 4 in limine, faisant ainsi de son mode d’adoption la définition-même de la Loi, ce qui n’était nullement le cas dans la DDHC de 1789.
Le citoyen et la Constitution
Terminons plus brièvement avec deux mots qui ont aussi leur importance.
La Constitution est mentionnée dès le Préambule qui s’achève ainsi :
« afin que les réclamations des citoyens, fondées désormais sur des principes simples et incontestables, tournent toujours au maintien de la Constitution et au bonheur de tous. »
Ce terme de « Constitution » est quant à lui défini à l’article 16 :
« Toute société dans laquelle la garantie des droits n’est pas assurée ni la séparation des pouvoirs déterminée, n’a point de Constitution. »
Il faut donc définir la Constitution comme « la garantie des droits et la séparation des pouvoirs ».
Le citoyen est quant à lui défini conjointement par les deux premiers articles : il s’agit d’un homme, libre et égal en droit avec les autres membres de la même société, c’est-à -dire association politique ayant pour but la conservation de ses droits.
Notons, enfin, que dans la DDHC les termes de « corps social » (Préambule) et de « Nation » (article 3) doivent en fait être vus comme l’ensemble des citoyens, et donc se confondent avec l’idée définie plus haut de Société. Ainsi donc l’article 3, qui fait résider dans la Nation toute souveraineté, le fait-il essentiellement pour nier l’existence de toute autre autorité que celle de la libre association politique définie à l’article 2.
En conclusion, il faut donc souligner la profonde cohérence de la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen de 1789, sa précision et sa rigueur intellectuelle. Osons le dire franchement : intellectuellement, elle est très supérieure aux déclarations anglo-américaines. D’abord, elle est un texte bien mieux ordonné, bien mieux ciselé : ses articles successifs ne sont pas une simple série, une liste, mais découlent les uns les autres, se hiérarchisent et se fournissent des définitions précises, comme un système d’équations mathématiques. Ensuite, elle ne donne pas plus qu’elles de pouvoir à l’État, contrairement à une idée venant d’une mauvaise lecture que de trop nombreux libéraux continuent de relayer.
Enfin, la théorie libérale qu’elle porte est bien plus juste : elle place comme fondement de l’ordre social le droit de propriété et son respect, et relègue au second rang les libertés d’opinion et d’expression, comme il se doit en bonne logique libérale, quand la Déclaration des Droits américaine place ces libertés en tête. Des libéraux dénoncent souvent les articles 10 et 11 qui mettent ces libertés publiques à la merci de la loi, oubliant en chemin que celle-ci n’a d’autre but que de protéger la liberté, la propriété, la sûreté, la résistance à l’oppression. La logique de la DDHC permet donc d’interdire (éventuellement) l’expression publique de certaines idées, mais ces idées sont exclusivement les idées… collectivistes et redistributrices, celles contraire aux droits naturels de l’article 2. La DDHC de 1789 est donc plus conforme à la pensée libertarienne d’un Hans-Hermann Hoppe que le Bill of Rights américain !
Elle l’est d’autant plus que le droit naturel, comme tout système juridique, est fondé sur des principes dont il découle entièrement, en une démarche logique que la structure de la DDHC restitue pleinement, quand les listes anglo-américaines excluent largement toute hiérarchie des concepts. La DDHC, en obéissant à cette logique, évite d’énumérer les droits et pose d’une manière dynamique les fondements d’un ordre vraiment libéral, en donnant non seulement quelques principes, mais leur sens d’interprétation. En choisissant de poser non seulement quelques points mais la logique-même du droit naturel comme principe fondateur de la société politique, la déclaration française préserve du risque de voir une expression du droit naturel bafouée du seul fait qu’elle serait absente de la liste. Et elle s’immunise aussi contre l’objection de certains adversaires des armes aux États-Unis qui utilisent l’absence initiale de référence à l’esclavage, à la liberté naturelle dans la Déclaration américaine et la Constitution pour relativiser leur légitimité et fonder leur propre souhait de choisir les bons et les mauvais amendements.
Le seul reproche que l’on peut vraiment faire à la DDHC, par rapport à ses « homologues » anglo-américaines, quoique qualitativement inférieures, c’est qu’elle est très « française » ; précise sur les termes, logique sur les idées, d’une rigueur toute juridique et par conséquent un peu trop intellectuelle pour l’usage auquel elle est destinée. Mais cette forte cohérence interne est aussi sa grande force, si les libéraux se décident enfin à la lire correctement.
La DDHC peut être, si les libéraux français font cet effort, une arme politique imparable. Les Français y sont sentimentalement attachés, et l’on aurait tout à gagner à leur montrer pourquoi il faut y être intellectuellement attaché, faisant ainsi entrer les Français dans la logique du droit naturel et d’un libéralisme très profond, très radical.
La logique interne qui est la sienne empêche qu’elle soit conciliée avec d’autres textes, notamment le très marxiste préambule de 1946, ce qui permettrait de comprendre que toute la jurisprudence du Conseil constitutionnel est inepte, en ce qu’elle tente de raccommoder les deux. Les Français doivent comprendre qu’ils doivent choisir entre les droits naturels et la déclaration de 1789 d’une part et les droits créances prévus par le préambule de 1946 auquel la constitution de la Cinquième République donne, contre toute logique, valeur constitutionnelle équivalente.
Les libéraux français peuvent être fiers de leurs aînés de 1789. Il serait temps qu’ils s’en rendent compte.
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Annexe :
En complément, nous livrons en annexe à cet article une version réécrite de la DDHC : nous avons pris le soin d’y remplacer tous les « grands mots » par leur définition synthétique. Le texte est d’une lecture un peu plus lourde ainsi, mais cela devrait permettre d’éviter les contresens.
Voici donc :
Les représentants du peuple français, constitués en Assemblée nationale, considérant que l’ignorance, l’oubli ou le mépris des droits de l’homme sont les seules causes des malheurs publics et de la corruption des gouvernements, ont résolu d’exposer, dans une déclaration solennelle, les droits naturels, inaliénables et sacrés de l’homme, afin que cette déclaration, constamment présente à tous les membres du corps social, leur rappelle sans cesse leurs droits et leurs devoirs ; afin que les actes du pouvoir législatif et ceux du pouvoir exécutif, pouvant être à chaque instant comparés avec le but de toute institution politique, en soient plus respectés ; afin que les réclamations des citoyens, fondées désormais sur des principes simples et incontestables, tournent toujours au maintien de la [garantie de la liberté, la propriété, la sûreté et la résistance à l’oppression et de la séparation des pouvoirs] et au bonheur de tous.
En conséquence, l’Assemblée nationale reconnaît et déclare, en présence et sous les auspices de l’Être Suprême, les droits suivants de l’homme et du citoyen.
Article premier – Les hommes naissent et demeurent libres et égaux en droits. Les distinctions sociales ne peuvent être fondées que sur [la conservation de la liberté, la propriété, la sûreté et la résistance à l’oppression].
Article 2 – Le but de toute association politique est la conservation des droits naturels et imprescriptibles de l’homme. Ces droits sont la liberté, la propriété, la sûreté et la résistance à l’oppression.
Article 3 – Le principe de toute souveraineté réside essentiellement dans [les membres de l’association politique ayant pour but la conservation de la liberté, la propriété, la sûreté et la résistance à l’oppression]. Nul corps, nul individu ne peut exercer d’autorité qui n’en émane expressément.
Article 4 – La liberté consiste à pouvoir faire tout ce qui ne nuit pas à autrui : ainsi, l’exercice [de la liberté, la propriété, la sûreté et la résistance à l’oppression] de chaque homme n’a de bornes que celles qui assurent aux autres membres de l’[association politique ayant pour but la conservation de la liberté, la propriété, la sûreté et la résistance à l’oppression] la jouissance de ces mêmes droits. Ces bornes ne peuvent être déterminées que par la Loi.
Article 5 – La [détermination des bornes à l’exercice de la liberté, la propriété, la sûreté et la résistance à l’oppression] n’a le droit de défendre que les actions nuisibles à la [la conservation de la liberté, la propriété, la sûreté et la résistance à l’oppression]. Tout ce qui n’est pas défendu par la [détermination des bornes à l’exercice des droits naturels aux fins de conservation de la liberté, la propriété, la sûreté et la résistance à l’oppression] ne peut être empêché, et nul ne peut être contraint à faire ce qu’elle n’ordonne pas.
Article 6 – La [détermination des bornes à l’exercice des droits naturels aux fins de conservation de la liberté, la propriété, la sûreté et la résistance à l’oppression] est l’expression de la volonté générale. Tous les citoyens ont droit de concourir personnellement ou par leurs représentants à sa formation. Elle doit être la même pour tous, soit qu’elle protège, soit qu’elle punisse. Tous les [membres de l’association politique ayant pour but la conservation de la liberté, la propriété, la sûreté et la résistance à l’oppression], étant égaux à ses yeux, sont également admissibles à toutes dignités, places et emplois publics, selon leur capacité et sans autre distinction que celle de leurs vertus et de leurs talents.
Article 7 – Nul homme ne peut être accusé, arrêté ou détenu que dans les cas déterminés par la [détermination des bornes à l’exercice des droits naturels aux fins de conservation de la liberté, la propriété, la sûreté et la résistance à l’oppression] et selon les formes qu’elle a prescrites. Ceux qui sollicitent, expédient, exécutent ou font exécuter des ordres arbitraires doivent être punis ; mais tout [membre de l’association politique ayant pour but la conservation de la liberté, la propriété, la sûreté et la résistance à l’oppression] appelé ou saisi en vertu de la [détermination des bornes à l’exercice des droits naturels aux fins de conservation de la liberté, la propriété, la sûreté et la résistance à l’oppression] doit obéir à l’instant ; il se rend coupable par la résistance.
Article 8 – La [détermination des bornes à l’exercice des droits naturels aux fins de conservation de la liberté, la propriété, la sûreté et la résistance à l’oppression] ne doit établir que des peines strictement et évidemment nécessaires, et nul ne peut être puni qu’en vertu d’une [détermination des bornes à l’exercice des droits naturels aux fins de conservation des droits naturels et imprescriptibles de l’homme] établie et promulguée antérieurement au délit, et appliquée selon la [détermination des bornes à l’exercice des droits naturels aux fins de conservation de la liberté, la propriété, la sûreté et la résistance à l’oppression].
Article 9 – Tout homme étant présumé innocent jusqu’à ce qu’il ait été déclaré coupable, s’il est jugé indispensable de l’arrêter, toute rigueur qui ne serait pas nécessaire pour s’assurer de sa personne doit être sévèrement réprimée par la [détermination des bornes à l’exercice des droits naturels aux fins de conservation de la liberté, la propriété, la sûreté et la résistance à l’oppression].
Article 10 – Nul ne doit être inquiété pour ses opinions, mêmes religieuses, pourvu que leur manifestation ne trouble pas l’ordre public établi par la [détermination des bornes à l’exercice des droits naturels aux fins de conservation de la liberté, la propriété, la sûreté et la résistance à l’oppression].
Article 11 – La libre communication des pensées et des opinions est un des droits les plus précieux de l’homme ; tout citoyen peut donc parler, écrire, imprimer librement, sauf à répondre de l’abus de cette liberté dans les cas déterminés par la [détermination des bornes à l’exercice des droits naturels aux fins de conservation de la liberté, la propriété, la sûreté et la résistance à l’oppression].
Article 12 – La garantie [de la liberté, la propriété, la sûreté et la résistance à l’oppression] nécessite une force publique ; cette force est donc instituée pour [la conservation de la liberté, la propriété, la sûreté et la résistance à l’oppression], et non pour l’utilité particulière de ceux à qui elle est confiée.
Article 13 – Pour l’entretien de la force publique, et pour les dépenses d’administration, une contribution commune est indispensable ; elle doit être également répartie entre les citoyens, en raison de leurs facultés.
Article 14 – Les [membres de l’association politique ayant pour but la conservation de la liberté, la propriété, la sûreté et la résistance à l’oppression] ont le droit de constater, par eux-mêmes ou par leurs représentants, la nécessité de la contribution publique, de la consentir librement, d’en suivre l’emploi, et d’en déterminer la quotité, l’assiette, le recouvrement et la durée.
Article 15 – L’[association politique ayant pour but la conservation de la liberté, la propriété, la sûreté et la résistance à l’oppression] a le droit de demander compte à tout agent public de son administration.
Article 16 – Toute [association politique ayant pour but la conservation de la liberté, la propriété, la sûreté et la résistance à l’oppression] dans laquelle la garantie des droits n’est pas assurée ni la séparation des pouvoirs déterminée, n’a point de Constitution.
Article 17 – La propriété étant un droit inviolable et sacré, nul ne peut en être privé, si ce n’est lorsque la nécessité publique, constatée par la [détermination des bornes à l’exercice des droits naturels aux fins de conservation de la liberté, la propriété, la sûreté et la résistance à l’oppression], l’exige évidemment, et sous la condition d’une juste et préalable indemnité.
Un article initialement publié en décembre 2014.
Merci à vous.
Je déteste le droit, mais j’ai toujours pensé que la DDHC était une bonne chose.
Elle est aujourd’hui pleine de patchs et autres arrangements.
Ce qui est drôle est que beaucoup de lois modernes entre en contradiction avec celle ci.
Ce qui me fait dire d’instinct, qu’elle n’était pas si mal. (Etait, car on la bafoue chaque jour un peu plus)
Ce n’est pas équilibré, alors pourquoi n’est-il pas écrit :
DÉCLARATION DES DEVOIRS ET DES DROITS DE L’HOMME ET DU CITOYEN
Il semblerait que les devoirs soient « sous entendus », vous êtes sûr ?
leur rappelle sans cesse leurs droits et leurs devoirs : ni implicites, ni explicites.
Pourquoi aurait-on besoin de « déclarer » des droits dont on constate pourtant qu’ils sont « naturels » ?
(Je ne critique pas la DDHC, au contraire)
Je trouve aussi que c’est un chef d’oeuvre qui articule très bien le paradoxe du pouvoir de la loi : celui d’auto-instituer depuis l’extérieur et par la force quelque chose que l’on peut et doit pourtant définir et déterminer en tant qu’être humain de l’intérieur (performatif vs. constatif)
C’est justement pcq ils sont naturels que le tiers état se contente de les déclarer, en les déclarant le tiers se borne a constater l’existence de ces droit et non de les créer.
Dans l’acte de déclaration, il y a institutionnalisation d’une force externe au dessus des lois pour faire appliquer les dites lois (la souveraineté, l’état).
On n’aurait pas besoin de recourir à cela si les droits étaient exclusivement « naturels ».
Il y a bien implication des deux, l’un dans l’autre, de façon circulaire : l’individu naturellement libre dans la force de la loi et inversement. C’est un acte performatif par excellence, une très belle construction.
Je lis que « les représentants du peuple français (…) ont résolu d’exposer » etc…
Le terme exposer est bien différent de celui de « déclarer ». Exposer, c’est mettre en vue ce qui préexiste, alors que dans « déclarer » il y a une création. Ce terme a sans doute été mûrement réfléchi, et répond à votre interrogation.
Chez nous, en Belgique, la DDHC est la Bible du libéralisme, et le fondement du programme de notre parti, l’UdL. Merci donc pour cet article, qui remet la DDHC à sa juste place.
Merci, c’est très éclairant. Je soutiens également la DDHC.
Je ne suis cependant pas convaincu par cette idée que la liberté d’opinion et d’expression soient des éléments mineurs et subordonnés à la propriété dans cette déclaration. En effet, il faut méditer sur chacun de ces droits naturels : liberté, propriété, sûreté et résistance à l’oppression. Chacun existe en tant que tel, ils ne dépendent pas les uns des autres. Il n’est pas question de considérer le droit de propriété comme premier, les autres n’étant mentionnés que comme des moyens de défense de la propriété. De toute manière , la liberté est citée en premier. On ne voit pas quel sens à ce mot ici, s’il ne comprend pas la liberté d’expression et d’opinion, en plus de la liberté d’aller et de venir et de celle d’entreprendre. Si un propriétaire pouvait limiter la liberté d’opinion et d’expression sur le territoire qu’il possède, le propriétaire d’un journal pourrait notamment interdire à « ses » journalistes d’informer ses lecteurs de tout ce qui le dérangerait. Il pourrait leur imposer de promouvoir une opinion différente de la leur. Cela ne peut pas avoir été l’idée que se faisaient les auteurs de la DDHC de la liberté.
En résumé, la leçon de lecture de ce texte est vraiment à apprendre et à diffuser : c’est un texte juridique, les termes sont définis au fur et à mesure, il s’agit d’un tout cohérent. Qu’apporte de plus à la démonstration cette manière de mettre à l’arrière-plan la liberté d’opinion et d’expression ? Que retirerait à ce texte le fait de le récrire en abandonnant cette idée qui ne fait que l’affaiblir ? Ces libertés, des gens meurent tous les jours sur notre planète pour les défendre ? Le feraient-ils si ce n’étaient pas des droits naturels constitutifs de la liberté qui est le premier de tous. Au fait, comment définir « droit naturel » ? Je dirais qu’il s’agit des droits qui font de nous des êtres humains.
Merci pour votre commentaire.
Concernant la subordination de la liberté d’expression et le caractère primordial de la propriété, cela s’explique aisément.
La propriété est primoardiale parce que la liberté et la propriété sont la même chose. D’ailleurs elles se définissent de la même manière : « pouvoir faire ce que l’on veut avec ce que l’on a ». Liberté, propriété, sûreté et résistance à l’oppression ne sont pas « des » droits, c’est un seul et même droit de propriété, et avant tout de propriété de soi-même.
Un propriétaire peut évidemment limiter la liberté d’expression sur les territoires qu’il possède. Cela fait partie de son droit de propriété. Sinon, c’est son droit de propriété qui est grevé d’une servitude, et à travers elle sa liberté de vivre chez lui comme il l’entend, sans être assailli d’opinions qui lui déplaisent. Or les rédacteurs ont bien placé la propriété en tête de leurs préoccupations, et la liberté d’expression loin derrière. L’interprétation ne fait donc aucun doute.
Quant au propriétaire du journal, il fait ce qu’il veut. Personne n’oblige les journalistes en désaccord avec lui de travailler pour lui.
En réalité, je ne cherche pas à contrer votre texte, mais à en souligner un point faible, non indispensable à la démonstration de votre idée principale, mais dont la présence l’affaiblit sérieusement et inutilement.
De deux choses l’une : ou bien les auteurs de la DDHC pensaient réellement que la liberté d’opinion (de pensée, d’expression) était d’ordre mineur et alors ce n’est pas un texte pour aujourd’hui, ou bien ils ne le pensaient pas et alors, votre texte est à reformuler.
Il est un fait que des gens sacrifient leur vie aujourd’hui, en différents points du monde, pour la défense de ces libertés, soi-disant mineures. Notre première possession c’est notre corps. Pour une grande partie d’entre nous, elle est la seule. Ce qui fait de nous des êtres humains, c’est notre esprit, non que les autres êtres vivants en soient dépourvus, mais le nôtre est bien particulier. Il véhicule nos valeurs, d’une puissance telle que nous ne pouvons tout simplement pas vivre dans un environnement qui les ignore, les méprise ou les combat. C’est pour cela que la liberté d’opinion est d’ordre vital.
Il y a bien quatre mots et non un seul dans la DDHC : liberté, propriété, sûreté et résistance à l’oppression. Elle vous appartient, l’idée qu’ils se ramènent tous à la propriété, les trois autres n’étant là que pour en exprimer quelques déclinaisons ; cette idée ne figure nullement dans le texte. Si l’on se réfère au contexte historique dans lequel ce texte fut écrit, le mot liberté exprime le refus qu’un être humain puisse faire partie des possessions d’un autres. A la limite, la liberté est une restriction du droit de propriété : nul ne peut posséder un être humain, car celui-ci est libre.
La sûreté, placée après liberté et propriété, exprime que l’intégrité du corps et de ses possessions sont inviolables, sauf à transgresser le droit naturel.
Résistance à l’oppression. Que dit le dictionnaire de Brunetière ? Après une définition physiologique un peu datée, on trouve : « se dit aussi au figuré : « les esclaves d’Alger sont dans une grande oppression, une cruelle servitude. Les paysans souffrent l’oppression des petits tyranneaux de province ». Signifie aussi : misère, disette, souffrance. « Il y a longtemps que cette famille est dans l’oppression, que tout son bien est saisi, qu’elle meurt de faim ». Il s’agit bien de résister à ce qui contrecarre la liberté et la propriété.
Je voudrais conclure en disant que la limitation du libéralisme à une doctrine de la propriété est la raison pour laquelle son audience est si limitée, en dépit de la véracité de ses thèses. Il est perçu comme une doctrine pour les riches, une doctrine froide et inhumaine, incapable de toucher celui qui ne possède rien ou pas grand chose.
Le libéralisme, c’est avant tout la fin du « ferme ta gueule » généralisé dans lequel croupissent des populations anesthésiées, transformées en fourmis agissant au nom du « comment faire autrement ? » Pour se libérer, grandir et accroître ses possessions, il est nécessaire que chacun puisse exprimer ce en quoi il est unique et irremplaçable.
Brutus,
Les droits formulés à l’article 2 sont bien plus une suite logique qu’une liste.
Les rapports entre propriété, sureté, liberté et résistance à l’oppression sont aussi ténus et complexes que ceux des personnes de la Trinité. Chacun de ces droits est justifiés par la l’existence des trois autres.
Ce n’est pas le cas des droits qui sont exposés plus bas dans la déclaration et dont l’existence ne justifie pas l’existence d’autres droits. C’est pourquoi ils peuvent être qualifiés de mineurs.
Brutus,
La liberté d’expression est bien une liberté mineure par rapport au droit de propriété.
Attention : mineure ne signifie pas sans importance. Nous voulons dire qu’elle découle de la propriété, et donc que c’est la propriété qui est primordiale.
Il est important de faire la distinction, de connaître cette hiérarchie, parce que si vous niez cette hiérarchie, alors il est loisible à n’importe qui de contester l’existence de n’importe quelle liberté au prétexte de n’importe quelle autre. Ainsi vous pouvez violer la propriété de votre voisin en vous y promenant tout nu au prétexte qu’il s’agit de votre liberté d’expression artistique.
La liberté d’expression est doublement conditionnée par la propriété : la propriété de l’instrument d’expression, c’est-à -dire son corps et toute extension nécessaire (ici, un clavier d’ordinateur), et d’autre part un droit de propriété sur l’espace dans lequel vous vous exprimez. Quand vous disposez personnellement de ces deux propriétés, votre liberté d’expression est absolue. Dès lors que vous empruntez l’ordinateur de quelqu’un et que vous écrivez sur le site de quelqu’un, votre liberté est légitimement limitée par le bon vouloir de ceux dont vous utilisez les instruments et l’espace. Sans cela vous niez leur droit de propriété, en en niant leur droit de propriété vous délégitimez votre propre propriété de vous-même et vous mettez en danger d’esclavage.
Donc la propriété, et elle seule, est bien la liberté primordiale. La sûreté et la résistance à l’oppression n’en sont que d’autres aspects : la propriété de vous-même implique que vous ayez le droit de ne pas être violé ou tué, ce qui est la sûreté, et implique aussi que vous ne soyez pas opprimé.
Cet excellent article illustre parfaitement le nivellement par le haut. Juste un point : je pense que « le premier amendement [de la Déclaration des Droits américaine] porte sur la liberté d’expression, de culte et de presse » simplement par ordre d’adoption plutôt que par ordre logique. Le second amendement est souvent appelé « America’s first freedom » par ses défenseurs. Sur les douze amendements du Bill of Rights, 10 sont passés le même jour, 2 ans environ après leur vote par le Congrès, alors que le dernier a mis 202 ans avant d’être finalement complètement adopté. En d’autres termes, je ne pense pas que l’ordre des articles du Bill of Right américain n’ait quoi que ce soit à voir avec la philosophie du droit et tout à voir avec l’ordre particulier législatif du moment.
Merci du compliment et merci de ces précisions que je n’avais pas.
Cela illustre parfaitement la différence de traitement du problème entre des anglos-saxons très soucieux de pratique, et l’intellectualisme français qui, s’il mène souvent à des doctrines aberrantes et à des systématiques néfastes, permet aussi d’accoucher de joyaux. .
Je n’allais pas jusqu’à dire que l’ordre donné par les Américains reflétait nécessairement une philosophie, même s’il me semble que le fait d’avoir placé en tête la liberté d’opinion et de religion, pour un peuple né de l’émigration religieuse anglaise, n’est pas tout à fait neutre. Quoi qu’il en soit, l’adoption « article par article » présente bien, même si ce n’est pas volontaire, cette difficulté qui existe lorsque l’on cherche à hiérarchiser et à déterminer la logique du texte.
FRD : ‘Pourquoi aurait-on besoin de « déclarer » des droits dont on constate pourtant qu’ils sont « naturels » ?’ James Madison était exactement du même avis que vous. Il n’y a pas besoin de transcrire les droits naturels. George Mason était de l’avis contraire, a refusé de signer la Constitution, et a fait campagne pour le Bill of Rights.
Merci pour cette référence historique.
James Madison a eu le mérite de montrer par son refus qu’il y a bel et bien un « fondement mystique » à la loi et à l’autorité : on obéit aux lois parce qu’on y croit, parce qu’on les « déclare », comme dans la DDHC par exemple, inaugurant et justifiant ainsi la légitimé de la force institutionnelle à s’interposer si on viole ces lois (law enforcement). Déclarer c’est donc croire (je ne dis pas que c’est mal).
« Déclarer » ne veut pas dire « créer ».
Le préambule justifie la déclaration par  » l’ignorance, l’oubli ou le mépris des droits de l’homme ».
Il est donc bien dans la déclaration que les droits de naturels de l’homme préexiste à la déclaration.
Liberal fougueux de coeur, j’ai toujours pensé que la DDHC était le dernier rempart contre les assauts des salopards socialistes de droite et de gauche. Je déplore que le CC, supposé intégrer la DDHC dans la Constitution, ne la respecte pas plus au pied de la lettre. Engagé politiquement, je vois la DDHC comme un argument factuel et juridique pour justifier de nombreuses réformes. Merci pour votre article. Comment vous contacter directement ?
Demandez mon e-mail à la Rédaction. Par ce commentaire je les autorise à vous la transmettre.
Le Conseil constitutionnel est tenu par la Constitution elle même qui n’établie pas de priorité à la DDHC sur les autres textes du bloc de constitutionnalité.
Il tente de concilier des textes inconciliables d’où la pauvreté de sa jurisprudence.
Je pense que le Conseil Constitutionnel a été introduit en 1958 par qui vous savez justement pour s’affranchir des contraintes de la DDHC.
Ce texte est tellement simple et limpide qu’il fallait le filtre d’une interprétation autoritaire pour pouvoir en altérer la nature dans un sens plus favorable à l’exécutif.
Merci pour votre article qui remet de l’ordre dans une cacophonie libérale. Cette lecture permet d’ailleurs à qui n’est pas juriste ou expert en droit (moi par exemple) de s’approprier un texte fondamental avec plus de facilité. Et j’abonde avec votre conclusion et les autres commentaires.
Le 17eme article libéral ? Vraiment ?
Disons qu’il est un moindre mal.
On peut trouver une explication hoppienne : Hoppe note que, dans une communauté libertarienne fondée pour protéger la propriété, les individus prônant l’abolition de la propriété ou la redistribution des richesses doivent être « separated and expelled ». On peut penser que, les libertariens respectant malgré tout la propriété, l’ostracisme implique de dédommager l’individu qu’on prétend ainsi expulser de la communauté. Cet article est donc à mettre en lien avec 10 et 11.
Notez qu’on peut « redistribuer les richesses » sans abolir ou porter atteinte à la propriété.
La richesse augmente globalement (normalement quand les décroissants ne s’en mêlent pas). La question est de savoir :
– si la propriété implique la propriété de ses sous-produits.
– si la propriété collective existe et qui est propriétaire de ses sous-produits à part l’état lui même.
(N.B. Je répondrait oui aux 2 questions – et donc je ne pense pas qu’on puisse faire l’amalgame entre abolition de la propriété et redistribution).
Merci pour ce très bon article.
Petite question : êtes-vous certain qu’autant de libéraux sont convaincus du caractère non-libéral ou même anti-libéral de ce texte ? En tous cas, je partage votre avis.
Si je peux me permettre, peut-être qu’un petit crochet expliquant les droits naturels, à la façon dont le fait Bastiat, aurait pu être intéressant : l’homme est propriétaire de son corps, il lui donne l’impulsion qu’il entend, par là il est libre ; et ce que son corps est capable de réaliser lui appartient naturellement, en tant que prolongement de la propriété de son corps et de sa liberté. De ce fait, saisir sa propriété c’est saisir sa personne.
En tout cas j’ai croisé de nombreux anarcaps ou minarchistes qui contestaient l’usage de la DDHC en expliquant ce que dit l’article de mon ami Damien Theillier dans l’article cité au début. Et même quand ils ne critiquent pas la DDHC, il faut voir que beaucoup de libéraux français citent plus la Déclaration des Droits américaine que la DDHC.
C’est pour ça que j’ai voulu rappeler la spécificité de notre déclaration.
C’est vrai que, plus de 200 ans après sa rédaction, on peut juger qu’ils n’avaient pas anticipé toutes les dérives de la démocratie. Mais ce reproche est-il juste ? Pouvait-on légitimement attendre d’eux qu’ils anticipent des événements spécifiques inconnus jusqu’alors ?
Personnellement, je ne comprends pas comment on peut parvenir à lire l’inverse de ce qui est écrit. Faire dire à l’article 4 qu’il « redonne à la loi et donc à l’État le pouvoir illimité de définir les bornes de la liberté et donc de la propriété » – comme le fait votre ami -, me semble relever de la mauvaise foi caractérisée, surtout après le renchérissement de l’article 5…
La Loi «  » expression de la volonté générale «  » Toujours cocasse d’ entendre des élus en particulier socialistes qui ont la haine de la démocratie clamer qu’ ils sont élus démocratiquement ! lorsque ils subissent une résistance d’ adversaires
très bien , enfin ! meme avis pour moi que ci dessus @RTP
Très bon article.
Juste un petit point : les différentes (et nombreuses) références à ce que l’on a tendance à appeler « l’état » actuellement dans le texte, et qui appellent à la notion de communauté :
préambule : « peuple Français », « gouvernements », « Membres du corps social », « pouvoir législatif », « pouvoir exécutif », « institution politique », « Constitution  »
article 2 : « association politique »
article 3 : « Nation », « corps »
article 4, 5 et suivants : « Société »
Mériteraient en plus de l’explication que vous apportez, d’être replacé dans le contexte historique :
– le maintient de la monarchie en parallèle de la suppression du système féodal.
– la perspective de la rédaction future d’une constitution.
Bref, je pense que pour ces raisons, la déclaration a été ‘forcée’ d’entretenir un flou parfait sur la notion d’état et de le laisser à l’état de notion vague d »association politique/nation/société’. Flou qui à terme desservira les libéraux, qui seront désarmés faces aux utopies organisatrices de la société : la nature ayant horreur du vide, le flou sur le sujet étant très rapidement comblé par les fantasmes extrémistes et ensuite bricolé en de multiples versions.
Ce que ne feront pas les américains, qui eux, d’une certaine façon plus pragmatiques, ont inversé le processus, et ont immergé la déclaration des droits dans la déclaration d’indépendance, puis dans la constitution sous forme d’amendement, ce qui est bien moins ‘pur’, fige un système d’état, etc… mais c’est révélé à terme plus solide.
Encore une fois difficile à dire.
La DDHC 1789 n’a jamais été éprouvée. c’est à dire placée seule au sommet de la hiérarchie des normes avec des juges pour juger de la conformité de la Loi à son égard.
Et le fait est de constater qu’après 200 ans, la déclaration américaine ne parvient pas à endiguer le socialisme.
Euh … après 200 ans, alors que la DDHC 1789 n’a pas réussi à l’endiguer après seulement 2 ans, et dans sa forme la plus épouvantable.
C’est l’état qui doit être libéral (je sais ca sonne comme un contresens) pour être garant, non seulement des droits naturels, mais aussi du libéralisme de la société.
Refuser l’état, c’est aussi utopiste que de dire que l’état peut tout : c’est essayer de régler le problème en faisant en sorte qu’il n’existe pas.
Le libéralisme garantissant la liberté, donne aussi la liberté aux socialistes… et eux, ils ne sont pas près de la rendre une fois qu’ils ont le pouvoir.
Le ‘socialisme’ (si on peut appeler cela socialisme) américain n’a rien à voir avec le socialisme européen : ce n’est pas un mouvement dogmatique et utopique, mais un mouvement sociétal qui ne procède pas du tout sur les mêmes leviers qu’en Europe.
L’application de la DDHC supposerait qu’elle soit seule au sommet de la hiérarchie des normes (ce qui n’est pas le cas avec la V° Rep) et que les loi s’y opposant soient écartée par le juge (ce qui n’a jamais été le cas avant la V° Rep).
Elle n’a donc jamais été appliquée même 2 ans.
Et il y a le même rapport entre le socialisme américain et le socialisme européen qu’entre la déclaration américaine et la française. Pragmatisme d’un côté construction systémique de l’autre.
Je parlais de 1789 – 1792
La DDHC fait partie de la constitution et dépend donc du droit constitutionnel, c’est d’ailleurs un peu le problème : la DDHC fixant elle même la loi à un niveau ‘différent’ de la constitution, ce qui n’est pas le cas au US, où la constitution fait partie de la loi et où chaque juge est compétent dans l’application des fameux amendements sur des cas concrets.
Pour ce qui est du socialisme américain, je suis à 50% d’accord avec vous : le socialisme américain est avant tout une réaction à des conservatismes et à des crispations sur certains sujets comme le port d’arme, la peine de mort, la ségrégation, l’immigration, etc…
Le fait que la DDHC fit partie de la constitution ne suffit pas. Pour juger de sa qualité juridique il aurait fallu qu’elle ait force obligatoire. Ce qui n’était pas le cas.
Dans l’ordre juridique de l’époque, elle n’était pas contraignante pour le législateur.
En fait, vous dites exactement la même chose que moi 🙂
La DDHC ne pouvait pas avoir de force légale ou juridique (force obligatoire) parce que le contexte politique ne le permettait pas :
– le maintient de la monarchie en parallèle de la suppression du système féodal.
– la perspective de la rédaction future d’une constitution.
La DDHC ayant été conçue à la fois comme un texte préliminaire à la prochaine constitution et subordonnée à l’ancien régime, son impact a été plus un pivot philosophique qu’un véritable instrument politique.
Et son principal défaut est de ne pas établir clairement la notion de ‘force obligatoire’ comme vous dites, c’est à dire d’état : le versant temporel (physique/concret/matériel) en charge de l’application de la DDHC.
Ma version étant que en 1989, ce rôle était dévoué au roi : seule personne dans l’ancien régime faisant le lien entre le temporel et le spirituel.
C’est ce que je comprend de l’article 16, dont la formulation de la constitution par une phrase négative est très surprenante au premier abord : la séparation des pouvoirs est à prendre au sens de l’ancien régime, pas au sens ‘normatif’ moderne : pour qu’une société ait une réalité (une constitution), il faut qu’en même temps, le (spirituel) soit garanti par le (temporel) et que le (temporel) soit séparé de façon déterminé, c’est à dire de façon déclarative par le (spirituel) : c’est cette dépendance réciproque qui détermine la réalité, la solidité de la société.
En fait cet article est éminemment libéral, dans le sens où il limite l’action du souverain (le pouvoir) ET limite l’action du droit en les rendant interdépendant, le socialisme prônant la non séparation des pouvoirs (pouvoir populaire) et le droit tout puissant (utopie normative)
Ce dernier (droits tout puissants) est également à mon avis le problème que l’on retrouve dans l’anarcho-capitalisme, réduisant certes le droit au niveau des droits naturels, mais pensant utopiquement, qu’une bonne hiérarchisation, description et formalisation des droits est suffisante à la constitution d’une société.
(mais bon, ce n’est pas grave, cela permet de réfléchir à une bonne hiérarchisation, description et formalisation des droits, éléments dont les libéraux ‘pragmatiques’ plus centrés sur la réduction des pouvoirs (la liberté) n’ont que faire…
« Elle est définie, dès l’article 2, comme une « association politique » »
Je ne vois pas vraiment où dans l’article 2 la société est assimilée à une association politique… Il ne mentionne pas « la société ».
Par ailleurs, j’avais l’impression que la grande majorité des libéraux étaient plutôt des défenseurs de la DDHC que des opposants mais bon…
Et enfin, force est de constater que la déclaration américaine, bien qu’imparfaite est beaucoup mieux respectée, et donc les droits naturels mieux défendus qu’en France. Une fois de plus le pragmatisme et la clarté finissent par l’emporter sur la beauté intellectuelle.
Disons plutôt qu’à ce jour, elle n’a jamais été appliquée.
C’est peut être justement sa redoutable efficacité qui la fait redouter de tous les pouvoirs et qui est la cause de sa mise à l’écart.
Alors que la déclaration américaine est pour le coup appliquée et nous pouvons constater qu’elle n’empêche pas le socialisme de prendre chaque jour plus d’ampleur outre atlantique.
Si nous avions le choix, il serait plus sûr de poser la DDHC au sommet de la hiérarchie des normes plutôt que la déclaration américaine. Ne serait-ce que parce que la première n’a jamais été essayée et que nous savons que la seconde est en train d’échouer.
« Disons plutôt qu’à ce jour, elle n’a jamais été appliquée. »
Jullien, la DDHC est partie intégrante de notre bloc de constitutionnalité : Elle est au coté du préambule de 46 et de la constitution une inspiration dont on tire des principes généraux dans la prise de décision du conseil constitutionnel, quand même.
C’est ensuite bien en 1789, une déclaration … pas une constitution en tant que telle. La différence est qu’elle instruit des principes généraux dont on s’inspirera par la suite pour édifier d’autres mesures …
Pour aller plus loin, je crois que ces autres mesures ont commencé à dépasser du cadre décrit par la DDHC et les autres documents constitutionnels passé les années trente, où des restrictions ont été jugées acceptables, par petits bouts en réaction à la montée des fascismes.
Je suis désolé mais, dès lors que le Conseil constitution a décidé que la DDHC n’avait pas de valeur supérieure aux autres textes du bloc de constitutionalité et qu’elle devait être conciliée avec d’autres textes notamment ceux créant des droits créances, elle n’est pas appliquée.
De l’eau mélangée à du cyanure, ce n’est plus de l’eau, c’est du cyanure.
Belle tentative, mais non …
1. Je reste pour ma part curieux de savoir comment on peut analyser la société en simple « association politique » à l’époque de la concentration des pouvoirs sur l’Assemblée Nationale, suivie des Comités de Salut publics qui mèneront à la terreur. Mais passons le fait qu’il soit ici fait référence à « la Société », à l’association politique » (au singulier) et non « aux individus » ….
2. Comment ose t-on interpréter l’art 4 comme celui faisant référence à une définition de la loi, là où le texte de l’art 4 est celui qui décrit expressément … La liberté … Comment écarter la notion d’intérêt général là où l’article lui-même en fait expressément l’exergue.
Le mieux est qu’il est dit « Cet article 4 est fondamental. Il définit l’unique objet de la Loi » … On vient de lire qu’il s’agissait de la définition de la Loi elle-même … Faut il expliquer à un juriste que l’objet n’est pas la définition, mais une partie de l’application ? Il y a, pour exemple le contrat qui n’est pas l’objet seul du contrat, puisque ce dernier recouvre cet objet, en compagnie du consentement et de la cause.
Ou comment mélanger les causes et les conséquences …
3. Ou est la cohérence de l’affirmation de la relation à Hoppe ou Ayn Rand pour qui les droits naturels ne se limitent pas … en affirmant « La Loi est ce qui détermine les bornes à l’exercice des droits naturels et ces bornes sont ni plus ni moins que les droits naturels des autres ?
4. Revenant sur la définition du Droit Naturel réputé intangible et immuable, … je lis « la Loi n’a le droit de défendre que les actions nuisibles à la société. Tout ce qui n’est pas défendu par la Loi ne peut être empêché, et nul ne peut être contraint à faire ce qu’elle n’ordonne pas. » C’est donc cela la spontanéité du droit décrite préalablement ? : la  » Loi […] qui détermine les bornes à l’exercice des droits naturels et ces bornes sont ni plus ni moins que les droits naturels des autres ». De deux choses l’une, soit la loi est la traduction de l’interaction des droits naturels, et n’est légiféré que la confrontation des droits illimités de chacun entre eux, soit la limite en elle-même des domaines ou l’on souffre de limitations nommées : Mais où est donc l’intérêt de l’acception « Tout ce qui n’est pas défendu par la Loi (au sens d’interdit par la loi; ndlr) ne peut être empêché » ? Bien évidemment, la DDHC prévoit que le législateur limite l’exercice de droits, non seulement à raison de la confrontation des droits naturels de chacun, mais aussi à raison des circonstances factuels dont il se fait l’observateur et le régulateur.
Cerise sur le gâteau enfin … l’auteur explique que la Loi n’est que de peut d’importance finalement, puisqu’elle n’est pas abordé d’emblée mais cède la place aux notions essentielles de propriété, de liberté, et de sécurité. Pour preuve, la Loi n’est envisagée qu’à l’article 4 « On voit donc bien que le propos est tout sauf désordonné. Les idées découlent les unes des autres et sont hiérarchisées ». L’auteur poursuit « La Loi ne se définit pas comme « l’expression de la volonté générale », contrairement à ce que l’on dit souvent ». Mais que lit-on dans le texte de la DDHC ? « La loi est l’expression de la volonté générale » (art.6) … Etrange, non ?
Bizarrement, la définition et l’étendue de la propriété n’interveint qu’à l’art 17, et non sous forme de « rappel », mais bien en forme de définition. Souvenons nous de la relation faite au préalable dans ceta article à Ayn et Hoppe, pour qui la propriété serait le début de tout, la synthèsee du droit naturel. Mieux, répondrais-je ici, en guise de hiérarchie des normes, la propriété est l’objet … du dernier article de la DDHC. « Les idées découlent les unes des autres et sont hiérarchisées » … Vraiment ? Oui, elles le sont bien … mais la propriété n’est pas le centre de tout, mais un principe qui s »exerce concurremment à la liberté et à la sécurité, qui en sont d’ailleurs bien les préalables.
Et que dire alors, en guise de hiérarchie des normes, de la constitution, ? … Elle est posée avant toute chose, dès le préambule … Et qu’est-ce d’ailleurs que la constitution si ce n’est la loi « primordiale », raison de son positionnement avant toute chose dans ce texte ? Que dire, de même façon, au titre de ce que « les idées découlent les uns des autres et sont hiérachisées » lorsqu’on constate que « l’utilité commune » intervient … à l’art 1, en ce qu’il reconnait, à l’envers de la Révolution (l’aspect est important) et en certaines occurrence, l’existence des distinctions sociales, manière de dire que les droits naturels ne sont pas si uniformes qu’il parait.
Le reste est méritoire de ce qu’il provoque le même type de remarque … Cette lecture décrite au travers d’un travail, dont je méconnais par ailleurs le caractère remarquable, n’est pas une vision Libérale de la DDHC comme il est décrit, c’est la vision anarcap de la DDHC, dont nous venons de voir qu’elle manque de rigueur. La DDHC, c’est, nous venons de l’entrevoir, la définition de l’Etat de Droit, … que discutent par ailleurs âprement les anarcapitalistes… Mais quel aplomb !
1. Vous mélangez tout et n’avez manifestement rien compris à la Révolution. Vous oubliez allègrement, en particulier, qu’il y a dans la Révolution une césure avec le coup d’Etat de la Commune insurrectionnelle de Paris, en août 1792.
2. Nous expliquons dans l’article ce qu’est manifestement l’intérêt général, lié à l’idée d’association politique.
Oui, l’article 4 commence par la liberté, précisément parce que la Loi est l’instrument permettant d’articuler la liberté des différents individus sans conflits. Et oui, la loi se définit essentiellement par son objet, dans la DDHC. Plaignez-vous auprès des rédacteurs. Quant à votre comparaison avec le contrat, elle est juste idiote.
3. Si vous ne voyez pas la cohérence dans le texte que vous critiquez, c’est que vous ne savez pas lire. Si vous aviez lu attentivement ce qu’il est dit de la Loi au lieu de partir du principe que c’était des sottises, vous ne vous ridiculiseriez pas avec cette troisième critique.
4. Non, « Tout ce qui n’est pas défendu ne peut être empêché » est juste le deuxième membre de la juste limite posée par l’article dans son ensemble : c’est une anticipation des interprétations jurisprudentielles de la Loi : il est interdit d’interpréter la loi dans le sens d’une plus grande limitation des libertés.
Comment disiez-vous ? Ah, oui : « Faut il expliquer cela à un juriste ? »
Votre point suivant, sur « la Loi est l’expression de la volonté générale » montre seulement que vous n’avez pas lu l’article, ou que vous avez décidé de le critiquer en n’en ayant juste rien à foutre de ce qu’il disait. C’est sûr que c’est plus simple !
Sur l’article 17, il faut être un âne pour ne pas comprendre que ce n’est pas une définition mais une précaution in fine, rappelant que même en cas de nécessité publique, le droit de propriété est si important qu’il ne peut être nié, et doit être dédommagé. Et comme je l’expliquais plus haut, on peut accorder à l’article a une signification très hoppienne : note que, dans une communauté libertarienne fondée pour protéger la propriété, les individus prônant l’abolition de la propriété ou la redistribution des richesses doivent être « separated and expelled ». On peut penser que, les libertariens respectant malgré tout la propriété, l’ostracisme implique de dédommager l’individu qu’on prétend ainsi expulser de la communauté. Cet article est donc à mettre en lien avec 10 et 11.
De même, il faut manquer sérieusement de discernement pour ne pas comprendre que « liberté » et « sûreté » ne sont pas distincts de la propriété, qu’ils n’en sont que des aspects. Si vous voulez le vérifier, faites pour une fois usage d’une logique rigoureuse et repartez des définitions. La liberté et la propriété ont la même : « pouvoir de faire ce que l’on veut avec ce que l’on a ». Et la sûreté étant le fait de ne pas subir d’entrave à ce que l’on veut faire avec ce que l’on a, il s’ensuit que liberté, propriété et sûreté sont une et même chose.
Pour terminer, les anarcho-capitalistes ne discutent pas l’état de droit, ils discutent l’Etat de Droit, qui est une notion kelsénienne que vous ne maîtrisez visiblement pas. A se demander quelle est votre formation de juriste parce que Kelsen, c’est première année, premier semestre.
Interessante réaction de l’historien universitaire … pour qui aucune autre hypothèse que la sienne ne saurait affleurer. On frise l’argument d’autorité, on reste viscéralement baigné dans les volutes de l’académisme contre « qui ne comprends pas ». C’est un peu bonhomme pour qui se place ostensiblement dans le courant libertarien.
De quelques mots pourtant.
1. Sans méconnaitre votre grande érudition, je le dis ici sincèrement, je conçois mal comment il se peut d’affirmer la consécration de « l’association politique » au sens que vous lui apposez, au temps de la monarchie constitutionnelle et du suffrage censitaire et à l’instant ou survivent encore trois ordres. La référence Hopienne faite a posteriori laisse penser que cette « association politique » serait celle qui détient, au delà de l’intention, « un pouvoir souverain autonome dans un ensemble plus vaste » (je ne dis pas « le » pouvoir souverain puisque l’époque reconnait encore au titre du régime, fût-il une façade en 1789, une monarchie constitutionnelle.
Je crois plus ainsi que l’intention de la DDHC est l’instauration de l’association politique comme concourant au but commun, sans déporter le principe de souveraineté, d’ailleurs réputé « nationale » savoir une pratique assez différent de la vision Hopienne pour laquelle l’association politique concourt bien plus à l’exercice souverain par l’individu lui même, à l’exclusion de l’idée de nation.
J’admire en passant la remontrance de ce que j’ose ici entendre que la DDHC en restera au critère de l’intention, laissant agir une « concentration des pouvoirs sur l’Assemblée Nationale, suivie des Comités de Salut publics qui mèneront à la terreur ». Vous me répondez que ma grande ignorance de la Révolution omet la rupture de 1792, … ce qui peu ou prou permet d’entendre la même chose.
2. Si « l’article 4 commence par la liberté, précisément parce que la Loi est l’instrument permettant d’articuler la liberté des différents individus sans conflits » dites-vous, c’est précisément bien que l’air du temps de la Révolution ne va pas dans le sens de la thèse Hopienne qui ne retient que l’ordre du droit naturel.
Au regard de la nature de la Loi telle qu’elle transparait dans la DDHC et le temps de la Révolution, on s’accorde généralement sur la formule du « temps de l’invention », manière de montrer que la Loi qu’il est alors permis de développer ne répond pas seulement au droit naturel mais par inspiration de ce dernier, aux circonstances de l’époque. L’Assemblée nationale naît avec la Révolution de 1789. Celle-ci commence à l’Assemblée nationale. L’événement est inséparable de l’institution. Si la DDHC est adoptée le 26 Aout, la discussion est interrompue pour céder la place à la discussion sur la constitution, et début Octobre sont ratifiés divers décret sous l’impulsion de l’Assemblée Nationale et de la foule, qui ne répondent en rien au droit naturel : autorisation de prêt à intérêt, port obligatoire de la cocarde qui marque l’union nationale au détriment de l’individu, retour du droit à Paris et nomination d’une commission ad-hoc pour « enquêtes sur les violences faites au Roi » (ce que rapporte le député Faydel), décret de création du titre de « roi des Français », débat sur la nationalisation (rien que cela) des biens du clergé …
De deux choses l’une ainsi, soit votre acception Hopienne est affirmée avec raison, et elle est aussitôt démentie dans l’enchainement des événements bien avant la rupture de 1992, soit il ne peut y avoir de conception Hopienne qui se puisse être attachée à la DDHC parce que ses rédacteurs n’ont pas pensés ce que vous leur prêtez d’intentions.
Ne vous méprenez pas en revanche, je n’expose qu’un avis sur cette question, dont il serait intéressant de parcourir les tenants, plutôt que de s’entendre opposer telle « incompréhension » de la période.
3. Obscure réponse … Ou sont les arguments ? Ce que vous refusez de lire, c’est que je ne réfute en rien votre étude de la DDHC pour les qualités qu’elle contient, en droit. Je vous sais historien habile et juriste précis … mais je constate que vous semblez faire une liaison dogmatique que pour ma part je ne trouve nulle part dans le texte. La belle affaire … La question n’est pas de savoir lire ou non, mais bien plus d’exposer un doute quant à cette direction de recherche.
4. Nous ne serons décidément en accord sur rien … Avant la jurisprudence, il y a la Loi, qui est envisagée par la DDHC, et destinée à être applicable, parce que simple à la compréhension de tous et appliqué comme telle … Je vois plus dans ce « deuxième membre de l’art. 4 le procédé méthodologique qui sera plus tard repris comme par idéal sous la forme « la loi, rien que la loi », Loi qui en quelque sorte, dans l’esprit des rédacteurs ne se prête pas à l’onterprétation, justement. Vous semblez réfuter l’adoption du texte « sous les auspices de l’être suprême » comme un aboutissement de la pensée des Lumières, un compromis entre Montesquieu et Rousseau … Les droits et libertés sont ici reconnus de manière abstraite mais concise, selon une logique peu soucieuse de la pratique … Selon l’expression de Jean MORANGE (dont je présume que vous ne le méconnaissez pas) « Il s’agit d’une proclamation solennelle des vérités simples, évidentes et incontestables ».
Je retiens enfin que parmi les objectifs de la déclaration figurent les principes qui doivent former la base de toute espèce de société. C’est-à -dire que chaque article constitutionnel qui sera adopté, devra être la conséquence d’un principe exposé par la Déclaration. Il n’est pas ainsi question de prévoir d’emblée le développement jurisprudentiel … mais d’aménager le terrain à la rédaction d’une constitution, non encore d’anticiper les interprétations jurisprudentielles de la Loi ».
5. Vous ne répondez pas au critère posé par l’article 6 : « « La loi est l’expression de la volonté générale ». Pourrait-on en retirer les prémisses d’une constitution dont les disposition devront répondre à tous ? Vous avez bien entendu démontrer un ordre hiérarchique des principes exposés dans la déclaration ? Ou peut-être vous aurais-je effectivement mal lu ? Vous exposer qu’en exégèse des anti 4 à 6, « il n’est aucunement question d’organiser la société », mais à un autre endroit que les art. 4 à 6 sacralisent l’égalité. Donc, si je vous écoute, la DDH ne prépare en rien la constitution qui suivra, qui édifie une société nouvelle ? La constitution ne suit la DDH que de quelques jours et propose pour la première fois le passage de l’origine du pouvoir de Dieu à la Nation (c’est-à -dire à Assemblée nationale), de la souveraineté du Roi à celle de la Loi, et il met pour la première fois en Å“uvre de façon stricte le principe de la séparation des pouvoirs, c’est-à -dire l’autonomie du pouvoir législatif qui est confié à l’Assemblée Nationale. mais le temps de la révolution ne fonderait pas na nouvelle société … Je doute.
Je crois donc au contraire que cette disposition de l’art.6 est l’une de celle qui consacre l’universalité de la déclaration, et pose le caractère supérieur à toute autre de la constitution qu’elle prépare. Le discours du député modéré Mounier est limpide en ce qu’il appelle à la rédaction d’une déclaration courte et simple, en préambule à la Constitution.
6. Sur l’art. 17 enfin, passé le fait que la propriété, enfin consacrée (et non plus seulement citée) se voit aussitôt bordée par la reconnaissance de « la nécessité publique », j’ai constaté qu’elle ne vient, objet d’un premier développement, en guise de définition, qu’en fin de texte. Je m’interroge.
Ce que je conteste ici, c’est l’affirmation d’un « rappel in fine », on penserait presque dans vos mots comme « en apothéose » qu’entretiendrait cet art.17. Il est patent que les déclarants d’Aout 1789 reste sur une oeuvre inachevée, les députés ayant suspendu l’examen des droits pour se consacrer à la rédaction de la Constitution. Il y a ainsi fort à penser que cet article était prévu pour se situer au beau milieu de quelques autres considérations d’importance. Cet aspect me semble dénier l’acuité de l’argument d’une propriété proclamé « in fine », raison pour laquelle y serait attachée une importance première.
Je n’ai enfin exprimé nulle part que la propriété céderait le pas aux deux autre libertés fondamentales décrites dans la déclaration … J’ai rappelé votre intention dans le relevé de la hiérarchie que vous nous exposez vous-mêmes. Si donc il y a une hiérarchie, la propriété n’est précisée qu’en dernier lieu de sorte que l’on pourrait être tenté de penser que le rappel ne serait que subsidiaire aux deux autres, ainsi qu’à à la souveraineté et à la Loi. Ce n’est donc pas le caractère primordial de la propriété que je conteste, mais le principe hiérarchique que vous attachez à la déclinaison des droits. J’ai écrit exactement de la propriété « un principe qui s’exerce CONCURREMMENT à la liberté et à la sécurité », donc par voie d’égalité. Sans liberté en effet, point de sécurité ou de propriété, ce qui me parait logiquement incontestable … Sans propriété, pas de sécurité ni de liberté, et enfin sans sécurité, pas de liberté ni de propriété. C’est tout le sens de la déclaration ou les droits sont, est-ce un hasard, réputés (a posteriori) indivisibles parce que  » inaliénables et sacrés ».
Il est bien beau, enfin, de taxer ma grande ignorance, et la remontrance d’une distinction Kelsenienne que ne défend pas l’anarcapie … C’est quand même bien vous, et pas moi, qui entend démontrer la hiérarchie dans l’exposition des droits énoncés par la déclaration. C’est bien ensuite Kelsen, que vous m’opposez comme s’il s’agissait de mon raisonnement, qui exposera un principe de pyramide des normes, un système institutionnel dans lequel la puissance publique est soumise au droit, où je me trompe ? Je veux bien entendre que l’anarcapie s’en défie … C’est une évidence.
Mais pourquoi alors mêler dans cet article une hiérarchie de normes entendue comme une donnée importante pour comprendre, mêlée à une prétendue conception Hopienne qui se dégagerait de la DDHC. Je note juste que ces deux arguments me paraissent contradictoire.
Je relève à l’instant le commentaire de Damien Thillier qui énonce, et avec à raison, qu’il est temps de revenir à l’esprit des Lumières … Souffrez juste que nous ne partagions pas la même conception des Lumières … Vous excuserez maintenant le fait que je n’y revienne pas … j’ai encore quelques foins à déglutir.
Sur l’article 17, dit autrement, la propriété ne peut pas être réellement limité puisque patrimonialement lorsque qu’un citoyen est privé d’un bien, un bien équivalent doit entrer dans son patrimoine.
La Loi peut changer la nature du patrimoine, pas sa valeur.
sur le n°1, ce n’est pas parce que deux évènement se succèdent dans le temps que le premier est la cause du second.
Article tres interessant. A la suite de cette lecture, je ne peux m’empecher de me demander si la Loi peut reellement empecher l’Etat d’empieter sur les libertes. Car aujourd’hui, aux Etats-Unis, en Europe, comme quasiment partout ailleurs, l’Etat avance, la liberte recule. Les lois, la Constitution, tout cela peut etre contourne, voire modifie, par l’Etat.
La seule chance pour la liberte reside dans les individus, la Loi n’en est que le reflet. Il faut une majorite large de citoyens prets a reagir, a se regrouper pour empecher physiquement si necessaire l’Etat d’empieter sur les libertes. Il faut une culture de la liberte dans la population, et idealement dans l’Etat.
Schumpeter pensait que le liberalisme etait voue a l’echec car plus il enrichit la population, plus celle-ci devient socialiste, ou refuse de se battre contre le socialisme. J’espere qu’il avait tord.
Philippe FABRY défend également la thèse que le libéralisme dégénère indubitablement vers le socialisme.
On retrouve en filigrane cette thèse dans son livre sur Rome.
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Chers Philippe et Julien, je ne peux qu’abonder dans votre sens sur un point : nous avons tout intérêt à nous réapproprier l’héritage des Lumières pour lui donner l’éclairage libéral qui est le sien, plutôt que de laisser cela à la gauche, experte en matière de récupération frauduleuse. C’est justement la raison d’être de l’Institut Coppet. Et pour cela, je trouve votre article passionnant, bravo et merci.
Mon article, celui que vous citez, tendait à montrer comment une certaine interprétation de la DDHC pouvait conduire à renforcer inéluctablement l’arbitraire de la loi et du pouvoir de la majorité. Car c’est bien ce qui s’est passé historiquement.
Personnellement je préfère les formulations du marquis de La Fayette (et de Jefferson), moins sujettes à caution, mais qui n’ont pas été intégralement retenues. Dommage.
Cher Damien,
Merci pour tes compliments.
Je comprends, encore et toujours, tes réserves de philosophe sur le texte. C’est d’ailleurs tout notre but que de montrer que ces réserves n’ont pas de raison d’être car l’interprétation juridique est beaucoup plus restrictive, et que c’est un texte juridique, par conséquent l’interprétation juridique est la seule légitime et admissible.
Je ne pense pas qu’historiquement ce soit une interprétation de la DDHC qui ait conduit à renforcer l’arbitraire de la loi. Comme je l’ai dit, pour en arriver là , les révolutionnaires ont d’abord dû adopter une nouvelle déclaration. Je ne suis pas véritablement non plus de l’avis de mon co-auteur : je ne pense pas que la DDHC « n’a jamais été appliquée ». Son application a certes pu manquer de rigueur, mais pour moi elle a eu lieu, dans une grande mesure, entre 1870 et 1914, en particulier en accouchant des grandes lois, obéissant aux principes de la DDHC, sur la presse en 1881 et sur l’association en 1901. En 1914 elle a subi un premier coup avec la création de l’impôt sur le revenu, et avec l’étatisme inhérent à la guerre, un mouvement néfaste s’est enclenché, qui a abouti aux deux faces de la même médaille que sont Vichy et le préambule de la Constitution de 1946.
En outre je ne pense pas que les formulations de La Fayette étaient meilleures. Je comprends ton point de vue philosophique : en l’absence de mention de la Loi, tu penses qu’il y aurait moins eu de risque de dérive. Mais de notre point de vue de juristes, cette mention d’une part ne saurait être nuisible, en ce qu’elle cantone de manière univoque la Loi à un rôle de reconnaissance de la juste limite entre le droit de Pierre et le droit de Paul (et de manière égale, ce qui exclut la redistribution), ce qui interdit au législateur de se lancer dans l’ingénierie sociale, et d’autre part était nécessaire, car la DDHC n’est pas seulement une déclaration de principe, elle ne prétend pas seulement déclarer le droit naturel, mais aussi par quels moyens on peut le sauvegarder, moyen qui est la Loi. A l’inverse, un article se limitant au propos de La Fayette : « L’exercice des droits naturels n’a de bornes que celles qui en assurent la jouissance aux autres membres de la société » aurait été une pure déclaration de principe, donc beaucoup plus ouverte aux interprétations, en particulier concernant le rôle de la Loi. En ne laissant pas la Loi de côté les révolutionnaires, justement, ont été beaucoup plus prudents que La Fayette. Dans la DDHC telle qu’elle est rédigée, la Loi est sévèrement encadrée.
Oui Philippe, en ce sens elle a été appliqué … volontairement.
Mais elle n’a jamais été une contrainte pour le législateur jusqu’à aujourd’hui alors qu’elle vise justement à encadrer la Loi de manière à ce qu’elle soit toujours conforme au Droit naturel.
Disons qu’elle a été politiquement appliquée mais ne l’a jamais été juridiquement.
En lisant les textes de Bastiat, on se rend compte que l’irruption du peuple sur la scène politique (1789, 1830 et dans les années 1840) lui a donné davantage de liberté. Il a fait un usage de sa liberté nouvellement acquise qui est celui de l’expérimentation, en l’occurrence sociale. Comme le dit ce cher Frédéric, le peuple a pensé qu’il pouvait se créer des privilèges à lui même et sur lui-même, sans voir que cela était impossible – contrairement à l’idée qu’une minorité peut s’octroyer des privilèges sur le dos de la majorité. Parallèlement, beaucoup d’artifices ont été créés, notamment en matière monétaire, afin de maintenir cette illusion.
En conséquence, dire que ceci est la suite logique de la DDHC me parait fallacieux. Cela semble uniquement attester du fait que l’humain est capable de faire un mauvais usage de sa liberté, allant par exemple à l’encontre de celle-ci. Cela prouve également que l’on peut maintenir des gens dans l’erreur en supprimant les mécanismes de responsabilité, de correction et d’amélioration.
Excellent article !
Bonjour,
Tout à fait d’accord avec Philippe Fabry et Julien Lalanne. Vous pouvez, si vous le voulez, vous servir d’e-traverses.com , pour exposer votre réécriture de la DDHC de 1989. Merci
Le Drame, c’est que ce texte a été réécrit en 1948.
Parmi les choses que devrait faire un président, c’est dénoncer le texte de 48 et revenir a celui de 89!
L’article et les commentaires sont denses et intéressants. Bien plus que les tentatives d’explications rosâtres de la société auxquelles on est accoutumé.
Cependant, la notion de « droit naturel » me pose toujours un problème dans la mesure où elle fait l’impasse sur certaines réalités humaines.
Par ailleurs qui pense que l’humain est parfait ? Non pas au sens moral qui est une propre vision que l’homme a de lui même, mais au sens de la capacité de l’homme à transposer son modèle social naturel à un état qui n’a plus rien de naturel.
Je pense que la DDHC est ce que nous avons de mieux, qu’elle implique le libéralisme, mais qu’elle doit pouvoir évoluer – non pas pour des considération politiciennes, mais pour s’adapter aux réalités. Aussi, je ne suis pas certain qu’on puisse classer la liberté d’expression comme annexe.
Excellent article, auquel il n’y a aucun mot à ajouter ou retrancher.
Et on ne peut que regretter, en effet, que cette sublime Déclaration n’ait pas pu devenir exclusive de toute surcouche constitutionnelle voire législative, qui finit, parfois, par en dénaturer la portée.
Sans doute, certains articles étaient-ils trop ouverts…
Ainsi l’article 14 définit l’impôt destiné au fonctionnement de l’Etat, sans le limiter pour autant au seul fonctionnement de l’Etat. De fait, l’impôt est devenu aujourd’hui principalement un outil de redistribution, ce qu’il n’avait sans doute pas vocation à être dans l’esprit de l’Assemblée constituante.
De même, une lecture rigoureuse de l’article 4 interdirait toute législation contraignante sur la consommation de drogues. Hélas, cet article n’est pas suffisamment strict dans sa rédaction en refusant par exemple toute loi qui irait à l’encontre de la propriété de soi.
Etc.
« l’impôt destiné au fonctionnement de l’Etat »
Si l’état était capitaliste, avec tout ce qu’il possède il pourrait s’auto-financer.
La « redistribution » ne fait que masquer la gabegie.
l’article 14 définit l’impôt …
La DDHC ne parle pas d’impôt mais de contribution.
Les mots ont (avaient?) un sens qu’il ne faut pas édulcorer.
Une contribution n’est pas par essence obligatoire et fait plutôt penser à une cotisation assurant la protection de sa propriété par la force publique.
C’est pourquoi l’article suivant précise qu’elle doit être proportionnelle (le sens du mot raison) aux facultés (ce que l’on possède au delà de l’indispensable).
Toute redistribution forcée telle que l’impôt progressif ou la spoliation des morts est totalement hors des clous.
Aucun texte constitutionnel libéral (pléonasme) n’a, jusqu’à présent, atteint l’objectif qui était le sien, i.e. d’endiguer la démagogie et l’état. Aucun!
Pour ce texte-ci ,cela n’a même pas duré deux ans.
La raison -simple- en est que, étant conçu comme des contrats entre hommes libres, ces textes les transforment ipso facto en esclaves, en ce qu’ils contiennent une clause non écrite, terrible, qui a servi de pierre angulaire à toutes les tyrannies, et à la présente aussi, qui interdit aux citoyens de sortir de ce contrat si les contreparties ne l’exécutent plus comme ils l’entendaient initiallement. Une « opt out » clause, une exceptio non adimpleti contractu!
Seul ce droit-là pourrait contrer des systèmes électoraux bidons, dans lesquels les candidats achètent les voix des électeurs avec leur propres argents.
Si la violence de l’état peut s’opposer à ce que je sorte de son « association », comment peut-on prétendre que mon consentement à y entrer soit libre? C’est une galégade!
C’est la raison pour laquelle la démagogie, dégagée de toute responsabilité efffective, a chaque fois gagné et est en train de gagner tellement que ce texte, bien que très intéressant, fait un peu penser aux Byzantins du XVeme siècle…
Oui ! Droit ou contrat, à partir du moment où on les présente comme naturel il y a un problème. D’autant qu’on sait qu’ils vont être réinterprétés et qu’on n’a pas pris la précaution d’en préciser la nécessité – à part de se débarrasser de la précédente tyrannie.
Magnifique article. La DDHC est un monument de logique au profit de la liberté, et tout libéral en fera son miel.
Pourtant, en lisant, et ses savants commentaires, je ne peux m’empêcher de chausser les lunettes de Taine Hippolyte, qui écrivait : « Jusqu’ici, on construisait ou on réparait une Constitution comme un navire. On procédait par tâtonnements ou sur le modèle de vaisseaux voisins ; on souhaitait avant tout que le bâtiment pût naviguer (…). Tout cela est arriéré ; le siècle de la raison est venu, et l’Assemblée est trop éclairée pour se traîner dans la routine. Conformément aux habitudes du temps, elle opère PAR DÉDUCTION, à la manière de Rousseau (…) . De cette façon, on aura le navire idéal ; puisqu’il est idéal, il est sûr qu’il naviguera, et bien mieux que tous les navires empiriques. »
Ce magnifique bâtiment nommé DDHC a pris l’eau à peine terminé. Deux ans plus tard, il sombrait. Que penser de cet exemple ?
Il me semble que cette déclaration vise essentiellment à protéger la propriété bourgeoise et, plein d’interdictions, son point de vue est généralement négatif. Ces révolutionnaires envieux du pouvoir aristocratique se sont bien gardés d’une déclaration des Devoirs de l’Homme qui les aurait contraints.
Non, la DDHC n’est pas libérale.
https://vu-dailleurs.com/2018/10/18/non-la-ddhc-nest-pas-liberale/
l’auteur de la ressource que vous partagez fait des contresens affreux en terme de vocabulaire, sens des mots, etc.
Pas grand chose à ajouter.