Par Alexis Vintray.
Le crowdfunding (financement participatif)1 remporte depuis plusieurs années un succès croissant, avec des montants prêtés ou investis en forte hausse : 66 millions € au premier semestre 2014 vs 33 millions € au 1er semestre 2013. Un succès qui ne pouvait qu’amener aussi ses premiers défauts de paiement, chose faite depuis hier.
Pour les prêts aux PME par des particuliers, le premier défaut de paiement a en effet été annoncé le 9 décembre 2014, avec la mise en redressement judiciaire de la société SMOK-IT qui avait emprunté récemment 75 000€ à plus de 300 petits investisseurs sur 36 mois, avec comme projet « d’augmenter sa production pour les grandes surfaces »2. Les raisons avancées par la société pour expliquer la mise en redressement judiciaire le 27 novembre, à peine 3 mois après l’obtention de son prêt participatif, sont liées à l’échec du plan de développement qu’il devait financer : « la société avait acheté des stocks importants en prévision de deux commandes qui ne se sont finalement pas concrétisées ». Le site internet de la société est inaccessible à l’instant où nous écrivons ces lignes.
Pour la plate-forme de prêts Unilend, leader du marché qui fêtait la veille son anniversaire, c’est une publicité dont elle se serait bien passée. Manifestement bien préparée à ce genre d’incidents, Unilend a prévenu les prêteurs par un email (que nous avons pu lire), dans lequel elle indique que c’est à chacun des internautes de faire les démarches pour tenter de récupérer une partie de sa mise et indique aux prêteurs comment déclarer leurs créances auprès du mandataire judiciaire.
Un tel défaut était attendu : les taux de défaut observés sur les plate-formes de financement participatif britanniques, plus anciennes, sont généralement de l’ordre de 1 à 2% et Unilend a financé 80 projets depuis sa création. Toutefois, la rapidité de la mise en redressement judiciaire de la société, 3 mois à peine après avoir emprunté 75 000€, laisse peser aux moins deux doutes :
- Sur la fiabilité des comptes présentés ou le management de l’entreprise : comment une entreprise bénéficiaire de plus de 100 000€ en 2013 a-t-elle pu brûler 75 000€ en quelques mois alors qu’elle annonçait un objectif de quasi doublement de son chiffre d’affaires en 2014 ? Dès la première mensualité de remboursement de l’emprunt, la société avait rencontré un retard pour payer, comme l’illustre la communication d’Unilend début octobre
- Sur la procédure de vérification des comptes sur laquelle s’engage Unilend pour chaque projet : a-t-elle été suffisamment rigoureuse au vu des éléments observés plus hauts ?
Des doutes partagés par des internautes sur Twitter, dont Rodolphe Vialles, dirigeant d’ABC Bourse :
@RodolpheVialles @Unilend_fr C’est vrai que la rapidité du clash me surprend. L’entreprise était en retard des la première mensualité.
— MANULIC (@manulic) 9 Décembre 2014
Ce premier défaut souligne par ailleurs à quel point la réforme menée par Fleur Pellerin en 2014 était inaboutie, comme nous le soulignions déjà à l’époque : les 329 petits investisseurs qui auront prêté à la société SMOK-IT n’ont même pas le droit d’imputer ces pertes sur les intérêts d’emprunts des autres prêts qu’ils auraient fait.
De même, la réglementation interdit à ce stade à la plate-forme de crowdfunding de représenter l’ensemble des prêteurs auprès du mandataire judiciaire, complexifiant le remboursement éventuel pour les investisseurs.
Couplé avec une fiscalité des revenus du capital qui prend déjà quasiment la moitié des intérêts perçus pour un ménage imposé à 30% (impôt sur le revenu), ce cadre défavorable risque bien de freiner le crowdunding, alors que la France affirme vouloir en devenir un leader.
Complément 10/12/2014 19h : les investisseurs à qui avaient été proposé une première fois le dossier de SMOK-IT par Unilend ne l’avait pas financé la première fois. Unilend l’avait malgré tout proposé une nouvelle fois sur sa plateforme quelques mois plus tard, avec une durée du prêt plus courte (36 mois au lieu de 60). Cela alors que les motivations de l’opération annoncées dans la première opération étaient différentes de celles invoquées pour la seconde.
Complément du 13 mai 2015 : les taux de défaut grimpent dangereusement depuis ce premier de défaut. Nous y avons consacré une analyse plus détaillée ici.
À lire aussi :
Bonjour,
il ne s’agit aucunement de crowdfunding (argent contre participation/récompense) mais de crowdlending (argent contre intérêts).
Techniquement oui mais dans les faits terme quasiment jamais usité. Une note a été ajoutée.
Les politiciens et leurs affidés technocrates de la nouvelle « noblesse de bureaucratie » des hauts-fonctionnaires voient le crowdfunding comme une menace pour leur position dominante de « broker de promesses et de bienfaits » vis-à -vis de la population. Ce n’est pas étonnant du tout qu’ils le torpillent en douce.
Courtiers, donc.
Des courtiers en mensonges, en précarité et en dépendance, oui. Tout ce qui dilue leur influence, y compris financièrement, doit être coopté, corrompu ou détruit.
J’ai pas l’impression.
Il est sûr que beaucoup de prêteurs vont y perdre, c’est rempli de projets idiots et sans risque… pour l’emprunteur. C’est là que l’État va venir : en grand sauveur car les pseudo investisseurs vont se mettre à mendier (remboursements, « régulations »…) plutôt que d’admettre leur stupidité.
Nul besoin de légiférer. Pour beaucoup l’investissement est affectif et ne peut donc que conduire à l’échec.
L’investisseur est soit un early adopter soit un follower.
Quelques plateformes ont déjà mis en place un système d’évaluation des crowdfunders pour informer les followers. Comme les retours sur investissements ne sont pas immédiats il faut attendre encore un peu pour que la purge se fasse toute seule.
Cela ne m’étonne guère. Une société qui prétend vendre du eliquide bio n’avait pas grande chance d’intéresser les grandes surfaces sur le long terme, étant donné que la répression des fraudes a annoncé faire la chasse au…eliquide bio il y a bientôt 6 mois. Ca plus la saturation du marché de la ecig = échec assuré. Les investisseurs auraient du s’en douter et la plate-forme…l’anticiper…
Le eliquide bio n’existe pas, tout simplement. Le concept était foireux dès le départ. Les grandes surfaces ne pouvaient pas prendre le risque juridique de la publicité mensongère.