Par Chofor Che
Un article de Libre Afrique
Le 9 décembre 2014, le Président du Cameroun, Paul Biya, a présidé son deuxième Conseil des ministres depuis 2 ans. Selon le Cameroun Tribune, du 11 décembre, c’était une occasion pour le Chef de l’État de souligner quelques-unes des mauvaises pratiques de certains membres du gouvernement, qui maintiennent le pays dans le sous-développement. Au cours de cette réunion, le Président a annoncé la mise en place d’un plan de développement sur trois ans appelé « plan d’urgence » dans le but d’accélérer la croissance et d’améliorer le niveau de vie de la population camerounaise.
Plan d’urgence ou plan fait dans l’urgence ?
Ce projet qui va couter 925 milliards FCFA dont les deux tiers seront financés par les banques locales, vise des secteurs tels que le développement urbain, l’agriculture, la santé, l’énergie, la sécurité et l’élevage. Le Chef de l’État a ajouté que pour concrétiser un tel plan, il est plus approprié pour les membres du gouvernement de réduire leurs trains de vie extravagants, et couper dans le budget de leurs missions dans le pays ou à l’étranger. Beaucoup ont remis en question la raison d’être de ce « plan d’urgence ». Pourquoi un plan d’urgence maintenant, après 32 années au pouvoir ?
Les journalistes de journaux locaux comme Le Messager s’étonnent de voir que pendant deux ans, un pays comme le Cameroun ne pouvait réunir un Conseil des ministres.
Avoir un modus operandi, pour un plan de développement est indispensable surtout si des plans similaires ont échoué dans le passé. Selon des journaux camerounais, l’examen du plan d’urgence mis en place par le Chef de l’État montre l’absence de modus operandi pour l’exécution de ce plan. Le plan se limite à des objectifs sans feuille de route pour la mise en Å“uvre.
La nature des projets prévus dans le plan d’urgence demeure préoccupante. La plupart de ces projets sont axés sur des investissements improductifs et des chantiers de travaux publics dont l’effet est limité dans le temps et s’estompe au terme de l’exécution de ces projets.
Quelques jours après la mise en place du plan d’urgence, un débat a été diffusé sur la Radio et la Télévision du Cameroun, la CRTV, lors de l’émission « Press Hour ». Certains invités s’inquiétaient qu’un tel plan ne soit un terreau fertile pour la corruption. La corruption reste endémique dans le pays, si l’on regarde les derniers rapports de Transparency International et du Doing Business de 2014. L’essentiel des budgets affectés à des projets comme le développement urbain et l’agriculture seront détournés comme dans le passé.
Plan économique ou plan politique ?
Les membres des partis de l’opposition dans le pays comme le Front social démocrate (SDF) et l’Union de la population Camerounaise (UPC) sont très sceptiques quant à ce plan d’urgence. Le président du SDF a réagi à ce plan d’urgence en disant que c’était une stratégie politique pour le président de faire campagne pour les élections présidentielles à venir.
Lors d’une émission de débat sur une station de télévision locale Etv le 17 décembre dernier, M. Daniel Kilem de l’UPC a rappelé que le président Paul Biya était au pouvoir depuis 32 ans et qu’il est étonnant que ce soit seulement maintenant qu’il pense au lancement d’un plan d’urgence. Selon ce militant de l’UPC, ce n’est pas la meilleure façon de gouverner un État. En trois années, Paul Biya veut faire ce qu’il n’a pas pu faire en 32 ans. Selon cet homme politique, ce plan n’est pas réaliste. Il est plus un plan politique qu’un plan économique d’autant que les élections présidentielles sont en vue.
Il est indéniable que ces plans faits dans l’urgence, de manière centrale et à des fins politisées ne peuvent amener ni prospérité ni emplois. Ils ne feront que gaspiller les deniers publics et entretenir un terreau déjà fertile à la corruption et à la rente. Car dans un tel environnement malsain, l’injection de fonds ne sera pas canalisée vers les emplois les plus productifs, ce qui en limitera l’impact sur la croissance. Il serait préférable de consacrer les fonds à l’amélioration de l’environnement institutionnel pour rendre l’entrepreneuriat plus facile, car ce sont les entrepreneurs qui créent véritablement de la valeur et donc la croissance. Autrement dit, au lieu de saupoudrer de l’argent public sur quelques projets sans effet notable et durable sur la croissance, il vaudrait mieux investir dans l’amélioration de la qualité des institutions : définition des droits de propriété, État de droit, règlementations plus intelligentes des marchés des biens et des facteurs de production, promotion de la concurrence, facilitation des procédures administratives, etc.
Pour réussir de telles réformes, il y a besoin de l’implication de toutes les forces vives de la société camerounaise, plus particulièrement du secteur privé et de la société civile qui doivent travailler main dans la main avec les membres du gouvernement ainsi que les maires, les sénateurs et les parlementaires. Le développement est une action collective qui exige la coopération de tous.
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Sur le web.
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