Par Anthony Escurat.
Ce devait être le tournant du quinquennat. Un coup de volant – virage à droite honni par les uns, demi-tour pied sur l’accélérateur applaudi par les autres – qui devait remettre la France sur l’autoroute de la croissance. En présentant devant la presse le 14 janvier 2014, un vaste programme pour doper la compétitivité des entreprises assorti d’un plan d’économies inédit sous la Vème République, François Hollande semblait prendre enfin la mesure de l’état de l’«entreprise France» : un pays sans croissance, aux déficits publics abyssaux, plombé par un chômage de masse structurel et dont les parts de marché s’érodent inlassablement. Un contre-pied inattendu après deux années d’atermoiements.
Bien que dans le détail le projet restait à affiner, le Pacte de responsabilité proposé par le président de la République à l’orée de la nouvelle année affichait des ambitions fortes, traduites dans des mots pleins d’espoirs à l’oreille des entrepreneurs : moins de charges sur le travail et moins de contraintes sur les activités des entreprises. En d’autres termes, sans en prononcer ouvertement le nom (tabou), la mise en place d’une politique de l’offre pour relancer l’emploi. Une révolution.
Mais voilà, comme trop souvent, la réalité a finalement eu raison des rêves de réformes, sacrifiés sur l’autel des équations politiques. Ainsi, un an après son annonce, on assiste aujourd’hui au chant du cygne d’un Pacte de responsabilité dont les promesses n’auront pas fait long feu. Explications.
Les péchés originels du Pacte de responsabilité
Dès sa conception, le Pacte de responsabilité portait en lui de nombreux sophismes qui laissaient présager de son échec. Des péchés originels résultats d’un Parti socialiste pris en tenaille entre les différents courants qui le composent. Parmi les porte-étendards du camaïeu rose foncé de la rue de Solferino : les « frondeurs », ces apparatchiks aux habits de révolutionnaires, prompts à pourfendre les « cadeaux » faits aux entreprises sans pour autant quitter leur majorité. Un grand écart, symbole d’une gauche française qui n’a toujours pas su opérer sa mue : à savoir accepter (enfin) l’économie de marché et les réalités de la mondialisation. Un aggiornamento dont Jacques Delors et Michel Rocard avaient esquissé – en vain – les prémices il y a trente ans, et réalisé avec succès par les gauches allemande et britannique. De cette situation kafkaïenne accouche un Pacte de responsabilité lesté d’idéologie et, par conséquent, voué à l’échec avant même sa mise en œuvre.
Premier sophisme du Pacte : le « non-sens économique » des contreparties demandées aux entreprises
En effet, exiger des acteurs économiques des engagements chiffrés en matière d’emplois signe en l’espèce une méconnaissance manifeste de l’économie, doublée d’une défiance à l’égard des créateurs de richesses. Au sein d’une économie globalisée (et non administrée !), aussi incertaine qu’interdépendante, les entreprises tricolores doivent avant tout reconstituer des carnets de commande en berne et redresser des marges tombées à leur plus bas niveau depuis 1985. De vastes défis susceptibles d’être mis à mal par la fragilité des perspectives économiques européennes et mondiales. À cette aune, la raison conviendra que nul ne peut s’engager sérieusement sur des prévisions d’embauches à horizon 2017.
Dès lors, comment imaginer que les branches professionnelles puissent quantifier – avec la précision d’horloger exigée par la majorité – le nombre d’emplois créés grâce au Pacte de responsabilité ? François Hollande, lui-même, s’était bien gardé d’en préciser le chiffre exact quand il promettait – prophétiquement – d’inverser la courbe du chômage en 2013… Au final, en érigeant cette hérésie des contreparties en condition sine qua non, le chef de l’État, pris dans l’étau de ses majorités, n’a fait que renvoyer dos à dos entreprises et pouvoirs publics. Décontenançant les chefs d’entreprise. Aux cris d’espoir ont alors succédé les cris d’orfraie.
Second sophisme : pour relancer compétitivité et emploi, le Pacte de responsabilité concentre principalement les allègements de charges sur les bas salaires
Vieille antienne de la vie politique française, la volonté de réduire un coût du travail jugé trop élevé au niveau du SMIC a été maintes fois expérimentée depuis trente ans : sous les gouvernements Rocard, Balladur, Juppé et Fillon notamment, et ce sans résultat probant. Bien que le Pacte prévoie également d’abaisser les cotisations famille sur les rémunérations comprises entre 1,5 et 3,6 SMIC en 2016, l’effort consenti – à hauteur de 4,5 milliards d’euros – apparaît insuffisant au regard des enjeux.
Pour doper la compétitivité de l’économie française – notamment de son tissu industriel – et lui permettre de monter en gamme, il eut été plus opportun (et audacieux) de se focaliser sur la compétitivité hors-prix en diminuant drastiquement le coût des hauts salaires, davantage exposés à la concurrence internationale. Mais après sa déroute aux élections municipales et européennes, la majorité – trop pressée d’ « inverser la courbe du chômage » – a préféré envoyer un signal fort aux ménages les plus modestes, privilégiant le court terme au long terme, le quantitatif au qualitatif. Avec en seule ligne de mire les échéances électorales de 2015 et 2017.
Troisième sophisme : le Pacte de responsabilité permettra de créer, selon François Hollande, « les conditions d’une croissance durable »
Alors que les prélèvements obligatoires sur les entreprises françaises sont les plus élevés d’Europe (record marqué par un écart de plus de 100 milliards d’euros avec l’Allemagne), l’ampleur des leviers fiscaux actionnés par le Pacte apparaît encore beaucoup trop timide. Au mieux, la réduction de la fiscalité sur les entreprises permettra de « gagner un point de marge en 2017 pour atteindre 29,4% », d’après Ludovic Subran, chef économiste chez Euler Hermès. Encore bien loin des taux de marge allemand ou italien, respectivement hissés à 40,1% et 39,1% en 2012, contre seulement 28,4% pour une France lanterne rouge de la zone euro.
Or, en tant que variables d’ajustement des capacités d’investissements et d’innovation, les marges des entreprises constituent l’élément clef de la relance des embauches. Leur redressement est donc un enjeu vital. Celui-ci passe par un abaissement de la fiscalité certes, mais aussi par des réformes structurelles, jusqu’ici absentes du Pacte de responsabilité ; qu’il s’agisse des réformes du marché du travail ou de la protection sociale notamment. En clair, bien qu’il aille dans la bonne direction, le Pacte de responsabilité apparaît, en toile de fond, loin d’être à la hauteur des difficultés que traverse notre économie.
Quatrième sophisme : avec ses cinquante milliards d’euros d’économies étalés sur trois ans, le Pacte de responsabilité permettra de redresser les comptes publics
Un trompe-l’œil savamment orchestré par l’exécutif. Le gouvernement usant tout d’abord d’un artifice sémantique : le terme « économies », dans le jargon technocratique tel qu’il est pratiqué à Bercy, ne signifiant pas diminution réelle des dépenses, mais plutôt ralentissement de leur croissance naturelle. En d’autres termes, les dépenses publiques continueront leur progression dans les années à venir, mais à un rythme moins élevé.
Autre hiatus : alors que la dette publique a franchi le cap des 2 000 milliards d’euros en septembre et que le Parlement examine actuellement le 41ème budget déficitaire consécutif de la France, les cinquante milliards d’euros d’économies apparaissent comme peau de chagrin. Face à la grogne d’une partie de ses troupes, François Hollande l’avait lui-même concédé dès janvier : « c’est l’équivalent de 4% seulement de l’ensemble des dépenses collectives ». Une goutte d’eau, de l’aveu même du chef de l’État.
Surtout, cette trajectoire de rationalisation des dépenses publiques ne tient qu’à un fil : celui de la conjoncture économique. Fondée sur des hypothèses de croissance jugées irréalistes par la Cour des comptes, elle pourrait être révisée à la hausse, faute de rentrées fiscales. Ce manque à gagner obligerait le duo au pouvoir à rechercher de nouvelles économies, au risque de ne pas repasser – une fois de plus – sous la barre des 3% de déficit public imposés par Bruxelles. Une Commission européenne qui, en mars dernier, avait déjà placé la France sous « surveillance renforcée » avant, à l’automne, de tancer le gouvernement sur son budget 2015. Jyrki Katainen, ex-Commissaire européen chargé des affaires économiques et des rodomontades budgétaires, estimant que la première copie du budget présentée par Paris n’entrait pas en conformité avec le Pacte de stabilité et de croissance. Une déconvenue pour la deuxième économie du Vieux continent, qui poussa Michel Sapin à dénicher à la hâte plus de 3 milliards d’euros supplémentaires.
Dès lors, force est de constater que le Pacte de responsabilité proposé par le président de la République ne résiste pas à l’arithmétique économique : il ne permettra ni de relancer la croissance et l’emploi, ni de redresser durablement les comptes publics. Alors que l’OCDE et l’INSEE ont récemment rappelé que le chômage hexagonal devrait rester au-dessus de la barre des 10% jusqu’à fin 2016, la France ne peut s’exonérer d’engager des réformes de grande ampleur. En lieu et place, « le gouvernement reste dans une logique de coup de rabot » selon Philippe Aghion, professeur à Harvard et économiste murmurant à l’oreille de François Hollande. Au Panthéon des grandes réformes économiques, le Pacte de responsabilité ne trouvera donc pas sa place.
« au risque de ne pas repasser – une fois de plus – sous la barre des 3% de déficit public imposés par Bruxelles »
Ils n’ont pas la même acceptation du mot « risque ». Pas de sanction, pas de risque.
« au risque de ne pas repasser – une fois de plus – sous la barre des 3% de déficit public imposés par Bruxelles »
Cette phrase-là est d’ailleurs un chef-d’œuvre de la propagande.
Faire entendre que cette histoire de déficit serait une limite arbitraire et bénigne imposée par Bruxelle alors qu’il s’agit simplement pour un état surendetté de cesser de claquer des sommes astronomique qu’il n’a pas.
Tout ce qui est écrit dans cet article était déjà évident le jour où il a été proposé : le pacte de responsabilité était impossible, ce n’était qu’un artifice à la Coluche, « donne-moi ta montre et je te donnerai l’heure ».
La vrai question est donc ; comment tous les journalistes, les journalistes-économistes, les économistes ont-ils pû avaler ça et nous en bassiner pendant plus d’un an?
De la part de Hollande et des socialistes, c’est normal, ce ne sont que des incompétents idéologues bornés.
ais les professionnels? comment ont-ils pù y croire?
Prenez tous les discours des socialistes, puis prenez les mesures qu’ils préconisent : vous constaterez qu’ils ne savent que faire des phrases, sans savoir ce qu’elles veulent dire, car ce qui est décidé n’a aucun rapport avec ce qui est annonce.
Hollande et Valls sont des cas d’école, ils disent ce qu’il vont faire, mais font exactement le contraire.
« Hollande et Valls sont des cas d’école, ils disent ce qu’il vont faire, mais font exactement le contraire. »
Je dirais plutôt qu’ils font exactement le contraire de ce qu’ils disent et sciemment, pour des motifs purement politiques: la Gauche n’a jamais eu le courage de son idéologie collectiviste et ce n’est pas avec le sinistre du Palais que ça va changer, lui qui ne rêve que d’une chose: vivre comme les riches, tout en affirmant qu’il ne les aime pas. Rien que le terme responsabilité, chez quelqu’un qui n’en assume aucune, suffisait pour deviner l’arnaque.
Comment les professionnels ont-ils pu y croire ?
Mais nous sommes dans l’ère du benchmarking : il vaut mieux se tromper avec la masse qu’avoir raison tout seul. Et dans celle de la paresse : répéter un argument faux mais répandu évite d’avoir à faire de la pédagogie. Et dans celle du wishful thinking : ce qui flatte les envies du peuple ne peut pas être totalement impossible.
MichelO: « qu’avoir raison tout seul »
Et ce manger le pin’s adéquat: facho, profiteur, esclavagiste, « turbo-libéral-mangeur-d’enfants ».
C’est là ou les autres socialistes sont complètement cons : ils se les mangent quand même ces pin’s même après avoir cédé lâchement à tous les chantages propagandistes.
Houellebecq (Alter-écrivains dont on pense ce qu’on veux) a au moins été droit dans ces bottes avec la seule réponse possible au chantage moral conventionné: A la question « ne craignez-vous pas que votre livre profite au Front National ? » il répondit « je m’en fous ! »
https://fr.news.yahoo.com/%C3%A0-question-ne-craignez-livre-profite-au-front-064025015.html
Ah bon ? Pourquoi ?
Moi qui pensais que les économistes et journalistes étaient là justement pour avaler.
Ils sont là pour ça et pour rien d’autre. A part de discuter du sexe des anges quand la maison brûle !
Winch: « vous constaterez qu’ils ne savent que faire des phrases, sans savoir ce qu’elles veulent dire, car ce qui est décidé n’a aucun rapport avec ce qui est annonce. »
Ils font penser aux petits enfants qui imitent les grands avec de faux téléphones.
La musicalité de la langue est la même, les môts nécessaires sont là « offre, réduction », mais le tout n’a aucun sens.
Winch: « les professionnels? comment ont-ils pù y croire? »
C’est le plus grave, pourquoi les gens qui savent et sont introduits dans le jeu politique font semblant de gober cette merde ?
L’article fait un bon bilan de ce pacte ridicule.
Vous avez raison, comment tant de « spécialistes » ont pu y croire ? Le pire, comment le medef a pu y croire ? Ce pays manque terriblement d’opposition, car le consensus qui se développe aujourd’hui est loin d’être constructif.
Ils ont tous les culots, ces escros de la pensée !…
Gavés par leurs certitudes idéologiques, champions de l’usine à gaz, leur « Pacte » n’est qu’une fumisterie de plus. Notre plombier en chef et sa caisse à outils n’est qu’un naufrageur qui conduit un peuple à la faillite.
La grande majorité de ces petits marquis est issue de la fonction publique et plus particulièrement de l’enseignement, dont on mesure le délabrement. Puisque l’heure est à la caricature, regardez Filoche, ce rescapé de la révolution et de la bêtise triomphante.
Bref, je m’emporte mais l’économie est au socialisme, ce que la tenue d’un bistrot est à un alcoolo.
Des parasites.