Par Sophie Quintin Adali.
Le pétrole est le roi des matières premières et la chute continue de son prix a précipité les marchés financiers mondiaux dans la tourmente. Pour les États de l’Ouest africain, très dépendants du pétrole cette situation pourrait entraîner un désastre avec des conséquences graves pour la sécurité internationale.
Si le prix du brut baisse, l’essence est moins chère à la pompe pour les États européens importateurs de pétrole, mais les perspectives pour leur industrie pétrolière est plutôt sombre. À court et à moyen terme, les entreprises devront s’adapter par des réajustements en matière d’emplois et d’investissements. Pour les économies exportatrices de pétrole, ce réglage pourrait se révéler beaucoup plus problématique.
Rappelons que l’effondrement du prix du pétrole en 1985 a été l’un des facteurs déterminants de l’effondrement de l’Union soviétique. Aujourd’hui très dépendante de l’énergie, la Russie a du mal à faire face à la tournure inattendue des événements qui ont vu le maitre du jeu de l’OPEP, l’Arabie Saoudite, faire le choix de maintenir des niveaux de production élevés.
Pour l’Afrique subsaharienne, et en particulier, pour les pays riverains du golfe de Guinée, dont les revenus dépendent des recettes de la production pétrolière off-shore, la chute continue pourrait être désastreuse. En effet, si l’économie de la Russie est considérée comme se trouvant « déjà dans une tempête parfaite », l’économie du Nigeria qui dépend du pétrole se trouve dans l’Å“il du cyclone de la « mère de toutes les tempêtes parfaites. »
Le « géant de l’Afrique » par sa taille (deux fois celle de la Californie) et sa population (175 millions), est également son principal producteur de pétrole (2 millions de barils / jour). Le pétrole représente 75% des revenus du gouvernement fédéral et a été utilisé pour le clientélisme politique, rendant ainsi ce mastodonte fragile.
Sur les rives du sud, la production de pétrole et son transport ont été perturbés par l’activisme politique dans le delta du Niger, le vol de pétrole à grande échelle et les activités illicites en mer (le vol à main armée et la piraterie). On estime la perte mensuelle causée par ces activités criminelles à 1,5 milliard de dollars. Dans le nord, l’insurrection islamiste remporte des succès face à une armée mal équipée. L’incapacité du gouvernement à résoudre la crise de manière décisive pourrait raviver les aspirations séparatistes dans le sud.
L’augmentation de l’instabilité dans ses territoires n’aurait pas seulement des conséquences désastreuses pour la sécurité le long des 5500 km de côtes de cet espace maritime vital pour le développement économique de la région. Il aurait également un impact sur la sécurité énergétique de l’Europe, la région représentant 13% de ses importations de pétrole et 6% de ses importations de gaz.
L’Organisation maritime internationale (OMI) s’efforce de donner une réponse collective à l’insécurité croissante en mer. Sa « Stratégie pour des mesures de sécurité maritime durable en Afrique occidentale et centrale » visant à appuyer le code de conduite adopté dans le Golfe de Guinée en 2013, témoigne d’une montée en puissance pour affronter les menaces dans un espace maritime d’une grande importance géostratégique.
Améliorer la capacité des États riverains à sécuriser leurs eaux territoriales et patrouiller en haute mer est essentielle. La coopération militaire des acteurs clés de la sécurité au niveau international (France, Royaume-Uni et États-Unis) avec les marines de l’Afrique de l’Ouest contribue à renforcer leurs capacités. Le Programme du Golfe de Guinée visant à renforcer les capacités des forces de garde-côtes pour protéger les routes maritimes critiques de l’UE à travers cette vaste région est un autre élément important d’un puzzle complexe de sécurité.
Pourtant, selon la mise en garde de certains spécialistes, la conjonction des facteurs politiques, sécuritaires, économiques et financiers pourrait plonger le « géant de l’Afrique » dans le chaos. Pour une région déjà en proie à l’épidémie d’Ebola (Sierra Leone, Liberia et Guinée), aux troubles politiques dans les États faibles (Burkina Faso) et aux États défaillants ou enclavés ayant échoué (Mali, République centrafricaine), cela n’augure rien de bon.
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Une première version de cet article a été publié en anglais dans le Hurriyet Daily News.
L’Or noir a toujours apporté son lot de corruption, et peu d’avantages pour les populations. Alors derrière cette energie responsable de tant de guerre, si sa dèvalorisation pouvait forcer les dirigeants à investir dans le potentiel humain, comme ce fut le cas dans les pays riches mais importateurs de leur energie, ce serait pas un mal. Mais il faut se dire que cela demande l’abandon de la menace et de l’abus de l’ignorance. Est ce possible pour les africains de devenir responsable?
Seule la Norvège a bien géré l’ argent du pétrole……
Les Etats-Unis aussi, notamment le Texas.
Sauf erreur.
Les « ressources naturelles » ne sont jamais un facteur de développement. Mettez un cochon sur un tas d’or, est ce que cela change le cochon? NON. Les facteurs de développement sont bien connue depuis longtemps : la liberté et l’innovation. Tout ce qui manque à l’Afrique et à bien d’autre pays producteurs (qui a dit vénézuéla?). Dans la plupart des pays producteur le pétrole ne sers qu’à améliorer le sort de quelques-unes au dépend des autres.
L’Afrique de l’Ouest interpelle mais que se passe-t-il avec l’Afrique Centrale ?
Gabon, Guinée Équatoriale, Congo, Angola devrait gérer leurs ressources pétrolières eux-mêmes, car elles datent de si longtemps, ils n’ont plus besoin des compagnies pétrolières et pourraient déverser les milliards sur leur population au lieu des actionnaires de Total, Agip et autres Shell….
C’est le cas avec Sonangol qui détient la majorité de tous les champs. De même, d’ailleurs, avec NNPC au Nigeria.
Ca n’est pas comme vous croyez que ça se passe. C’est ridicule de gérer ses ressources pétrolières soi-même : si je ne me trompe, c’est ce qu’on voulu faire le Brésil et le Venezuela, et on voit le résultat. La méthode normale est de vendre un permis d’exploitation, et de toucher les royalties. Simplement, quand on est astucieux, on ne fait pas des enchères bêtes pour vendre les permis, on fait comme l’avaient fait les Norvégiens en leur temps un « Goodwill Act ». C’est une règle qui stipule que les permis seront accordés en proportion de l’argent dépensé en investissements de recherche et de formation, voire d’équipement, dans le pays. Au lieu de développer sa propre industrie parapétrolière pas compétitive, on laisse les plus affûtés techniquement faire le job, top quality, et ce sont eux qui paient en sus des royalties le développement du pays.
Et il y a encre mieux : que l’état ne s’occupe de rien du tout et laisse le marché opérer librement.