Le monde associatif est devenu le cache-sexe de la fonction publique. Officiellement, tout va très bien, Madame la Marquise. Le poids économique du secteur est estimé à 85 milliards d’euros (2012), les associations contribuant à hauteur de 3,2 % au PIB, soit un poids équivalent à celui de l’agriculture et des industries agricoles et alimentaires.
Selon Viviane Tchernonog, chargée de recherche au CNRS et auteur d’un ouvrage de référence sur le monde associatif, le budget cumulé du secteur a progressé au rythme de 2,8 % entre 2005 et 2011 et il emploie 1,8 million de salariés à temps plein ou partiel, majoritairement des femmes (69 %).
De la même manière qu’un train peut en cacher un autre, ces chiffres dissimulent une réalité moins flatteuse. Car le boom du monde associatif provient essentiellement de l’externalisation croissante de missions autrefois prises en charge par l’État et aujourd’hui déléguées à des tiers. Au fil du temps s’est installée une fonction publique bis qui ne dit pas son nom, mais dont l’emprise s’élargit. Elle couvre la quasi-totalité de l’aide aux handicapés et de leur insertion, de nombreuses maisons de retraite, s’occupe de l’aide à domicile des personnes âgées dépendantes, des crèches, des centres de vacances, des activités périscolaires, de l’hébergement des clandestins, de sport, de culture…
Chaque année, ce secteur parapublic engloutit des centaines de millions d’euros de subventions publiques. Bien qu’aucune centralisation des données ne soit disponible, on estime que l’État, les collectivités locales et autres structures publiques ont versé 42 milliards d’euros en 2011, ce qui représente près de 50 % du budget du monde associatif.
Le profilage des ressources associatives révèle les objectifs de l’État. Si la masse des subventions s’est rétractée de 17 % entre 2005 et 2011, celle des commandes publiques a, en revanche, bondi de 70 % durant la même période.
Ces commandes publiques (voir encadré ci-après) correspondent à l’ensemble des contrats passés par une collectivité pour satisfaire ses besoins que ce soit sous forme de délégation de service public ou encore de contrats de partenariat public/privé. À part quelques missions régaliennes comme les pouvoirs de police, de sécurité et d’hygiène, presque tous les domaines peuvent être confiés à ces structures parapubliques. Ce recours croissant à la délégation a pour effet de favoriser le développement de grosses associations qui exploitent leurs compétences juridiques pour accéder à la commande publique tout en continuant à rafler l’essentiel des subventions.
Fonctionnaires de Bercy
D’après une enquête réalisée par Le Monde en 2013, environ 200 associations sur le 1,3 million recensé en France empochent 60 % des aides distribuées par l’État. Sans subventions publiques, la plupart des associations mettraient la clé sous le paillasson. Les structures vouées à la « Défense des droits et causes » canalisent, par exemple, 5,6 % des aides distribuées par l’État. Sans adhérents ou presque, elles ne doivent leur survie qu’à l’argent des contribuables. SOS Racisme a, par exemple, encaissé 331 992 euros de subventions d’État en 2013, sans compter les fonds alloués au niveau des échelons locaux. Sans ces aides 100 % idéologiques, SOS Racisme ou encore Ni putes Ni soumises auraient disparu depuis belle lurette.
C’est dans le secteur médico-social que l’on trouve les associations les plus riches et les plus puissantes. Les chiffres cités par Viviane Tchernonog révèlent que l’action sociale et la santé absorbent 45 % de l’ensemble du budget associatif. Suivent, l’éducation, la formation et l’insertion (12,8 %), puis le sport (10,9 %).
L’État n’est pas le dernier à profiter des subventions qu’il distribue. Il récupère d’une main ce qu’il a donné de l’autre. Notamment quand il s’agit de choyer ses brebis. Les associations chargées de l’action sociale en faveur des personnels administratifs ont englouti plus de 100 millions d’euros en 2011, près de 15 % de la manne publique. Près de 76 millions d’euros sont voués au bien-être des fonctionnaires du ministère des Finances. Ils sont répartis à travers différentes associations, dont 28,4 millions pour l’EPAF en 2011, chargée d’organiser des vacances dorées à la progéniture des agents de Bercy (plus d’informations sur ces associations du ministère des Finances, ici).
Afin de se développer, les associations reconnues d’utilité publique bénéficient d’une souplesse comptable accrue. Elles peuvent dorénavant acquérir et administrer des immeubles de rapport. Et, émettre des titres associatifs dont le taux de rémunération est librement négocié. Cerise sur le gâteau, elles vont même profiter de fonds fournis par le privé, les collectivités territoriales ou l’État afin de renforcer leur trésorerie. Ces apports seront garantis via un fonds permettant aux financeurs de récupérer leur mise à l’échéance quelle que soit la situation comptable de l’association bénéficiaire !
Ce parachute renforcera significativement les moyens d’associations qui ne sont pas à plaindre. Car si 22 % des associations gèrent un budget annuel inférieur à 1000 euros, 2 % d’entre elles disposent de plus 500 000 euros. Parmi les organismes roulant carrosse, on peut notamment citer l’Association de gestion de la caisse presse de salaire garanti (CAPSAG), la caisse des professionnels de la presse partant en préretraite à qui l’État a fourni 21,4 millions d’euros de subventions en 2013. Pour leur part, l’Association Philharmonie de Paris et l’Association nationale de la recherche et de la technologie (ANRT) ont été dotées de 52,1 millions de subventions pour la première et de 50,5 millions pour la seconde (2013).
Avec tout cet argent, les associations font leur petit frichti. Et entretiennent des permanents. Beaucoup de permanents. Près de 190 000 associations en emploient. Depuis des années, elles profitent du renfort des emplois aidés. Selon Jean-Philippe Delsol, avocat fiscaliste proche de l’IREF, un think tank libéral, le secteur associatif est le principal bénéficiaire de ces pseudo-jobs administrés. En 2012, relève-t-il, près de 500 000 contrats ont été conclus, dont 430 000 au profit du seul secteur des associations et des collectivités locales. Environ 100 000 emplois aidés se sont ajoutés à ce quota en 2013. Et les parlementaires socialistes viennent de voter une enveloppe de près de 560 millions qui en créera 45 000 de plus en 2015, dont 30 000 dans le secteur non marchand. À ces emplois subalternes ou censés l’être, s’en ajoutent d’autres qui le sont moins.
Une étude publiée par Deloitte et Taste a récemment décortiqué 4112 fiches de paye collectées auprès de 50 associations et fondations de toutes tailles. Conclusion : même si les salaires du monde associatif sont, en moyenne, inférieurs de 16 % à 33 % à ceux du secteur marchand, certaines rémunérations peuvent atteindre 75 000 euros ! Grâce à ces permanents et aux fonctionnaires que l’État met à leur disposition, les grandes associations ont la capacité de mener un business d’où elles chassent la concurrence, comme dans l’Éducation nationale où la Ligue de l’enseignement et la Fédération Léo Lagrange (sur ces structures, lire notre article « Éducation : les associations bourre-crâne de la République ») raflent 70 % du marché. En faisant payer les usagers pour les services qu’elles rendent, elles parviennent en outre à privatiser une partie de leurs ressources.
Comme de grosses PME, les associations profitent de toutes les failles de la réglementation fiscale. Voici quelques mois, le sénateur PS Claude Jeannerot, rappelait (JO du 26 juin 2014) qu’elles bénéficient de 20 000 euros d’abattement de la taxe sur les salaires. Il déplorait que cet abattement, non globalisé, permette à une Fédération composée de trente associations, de profiter… 30 fois de l’abattement !
Les ressources « privées », dont le prix payé par les usagers pour le service rendu représentent désormais plus de 50 % du financement total des associations. Environ 20 000 sont même soumises aux impôts commerciaux, dont l’impôt sur les sociétés. Le business associatif ne connaît pas la crise !
- Article des Enquêtes du contribuable n°8 décembre 2014/janvier 2015, « Associations : comment elles vivent de l’argent public ».
Tres bon article! Les liens sont pertinents pour approfondir le sujet: Merci!
Et les comités d’entreprise qui pour certains gèrent les centres de vacances du personnel des banques, de l’Edf etc….., ils ont de la chance ces gens là. Certains ne sont jamais parti en vacances. C’est autour de 40 ans qu’ils ont pu voir ce qu’était la méditerranée (les commis de ferme agricole qui sont hébergés par le fermier).
Je ne vois pas le rapport, les comités d’entreprises privées sont des entités privées, sans subventions publiques. Beaucoup de PME s’en passeraient bien, c’est imposé par la loi à partir de 50 salariés. Ils sont rémunéré au prorata de la masse salariale (sauf EDF, c’est proportionnel au CA, mais ce n’est pas vraiment une boite privée)
J’ai travaillé plus de 30 ans pour des entreprises de moins de 50 salariés, donc sans CE, sauf une. Rien n’empêche les gens de postuler dans des boites ayant des CE. Si ce sont des grosses boites, elles peuvent embaucher à tous les niveaux, et leurs CE sont généreux.
bonjour ,c’est la raison pour laquelle je suis assez fier des pères fondateurs de mon club ,qui il y a 40 ans refusèrent à toute force d’être affiliés à la fédération correspondante ,ce pour justement ne pas entrer dans le jeu suspect de subventions publiques/obligations d’y admettre qui nous ne voudrions surtout pas & désidératas d’édiles parasites . Ce qui n’empêche nullement d’observer les règles de sécurité , arrêts préfectoraux ,ou en l’occurrence les règles de navigation .
Merci pour cette article , toujours hallucinant de lire l’étendue du désastre , avec notre pognon , toujours avec notre pognon (enfin ceux qui payent l’impôt bien sûr)
Faire du pseudo social avec l’argent des autres en faisant semblant de travailler.
Ils serait plus utile que des dons defiscalisés venus du privé alimentent ces associations, mais aussi des cotisations . AUCUN ARGENT PUBLIC
Le plus grave est l’alimentation du clientélisme qui est un véritable déni de démocratie. Normalement, c’est à la majorité de la population de décider de qui bénéficie de fonds publics. Il n’est pas possible de consulter tout le monde, ais quel élu, quel ministre, se demande avant de verser une subvention: est-ce qu’une majorité de la population serait d’accord pour cette utilisation de fonds publics? Bien souvent, la réponse évidente à cette question serait négative… Idem d’ailleurs pour les syndicats et les partis politiques.
J’ai monté une salle de sport qui est ouverte depuis lundi. Je n’ai pas pris un statut associatif bien qu’on me l’ai souvent conseillé. la semaine dernière en prévision de l’embauche d’un salarié j’ai voulu prendre des renseignement auprès de l’association profession sport 34 dont le but est de favoriser l’emploi dans le domaine du sport. Après avoir eu un peu de mal à les contacter, enfin une personne me répond. J’expose ma question et là tombe comme un couperet: » je peux pas vous répondre car vous n’êtes pas une association, mais si vous avez des offres d’emploi nous pouvons les prendre ». Je ne vous décrit même pas mon degré d’agacement.
Bonjour Sandrine,
Je pense qu’il faut vous adresser au Centre de formalités des entreprises de votre département. Ce centre vous donnera la marche à suivre.
Bonne fin de journée
Voilà 10 ans que je suis salarié d’association. Une association, c’est très souvent une mission qui devrait être de service public, rendue par des salariés de droit privé sous obligation de résultat au lieu de fonctionnaires indéboulonnables. C’est la possibilité pour des particuliers et des entreprises de flécher une part de leurs impôts pour soutenir des projets qui leur corresponde… Un peu surpris, donc, de voir Contrepoint taper sur ce modèle…
c’est donc intérêt public ?