Par Phoebe Ann Mo$e$.
La principale information à tirer de ce texte est l’énième perte de liberté des médecins et des autres professionnels de santé qui voudraient signer ce contrat. À aucun moment ce texte officiel ne contient le vilain mot de « médecins » alors qu’ils sont les principaux concernés. Vous y lirez à la place « structure de santé », terme vague ignorant un titre obtenu après neuf ans d’études minimum.
Cet arrêté encadre l’association de plusieurs professionnels de santé en maison médicale et soumet de manière très officielle, cette « structure de santé » aux caisses d’assurance maladie et aux ARS, par le biais d’un « contrat signé entre structure, caisses et ARS ». Ces deux organismes seront chargés de surveiller les « structures de santé » et de leur permettre une « rémunération valorisant de nouveaux services aux patients ». En somme une nouvelle récompense en échange d’une obéissance à des consignes, une forme de ROSP (rémunération sur les objectifs de santé publique).
Voici à quoi devront s’engager les médecins, et ceux qui voudront aller travailler avec eux en « structure de santé » :
- Ouvrir de 8h à 20h en semaine et le samedi matin.
Cela ne devrait pas perturber les habitudes des médecins, on peut même dire qu’ils finiront ainsi leur journée plus tôt que d’habitude. En haut lieu on a dû penser que finir après 17h est déjà une punition.
- « S’organiser » (sic) pour recevoir des patients ayant besoin de soins non programmés.
- Se concerter entre médecins sur les cas complexes.
Si l’État n’obligeait pas les médecins à se concerter, ils n’en auraient jamais eu l’idée. Auparavant, à leur initiative, ils se réunissaient pour évoquer les cas complexes et appelaient cela « réunion de pairs », mais ça, c’était avant.
- Se concerter avec la Sécurité Sociale.
Plus exactement transmettre au service médical de la Sécurité Sociale les données récoltées pendant la concertation médicale. Que le secret médical existe entre un médecin et son patient dans la confidentialité d’une consultation n’a pas semblé être une priorité dans la rédaction de cet arrêté.
- Élaborer un dossier médical électronique pour mieux le partager entre services concernés. On en aura bien compris l’intérêt.
- Avoir un système informatique compatible avec des professionnels qui souhaitent avoir connaissance du dossier du patient.
Le système sera imposé mais pris en charge financièrement (au moins en partie) par la CPAM. C’est pas cher c’est la sécu qui paye. Ce partage des données n’est pas une nouveauté, mais il sera encadré par l’État qui donne les détails de ce projet sur le site http://esante.gouv.fr/asip-sante. Qui va stocker les données, où seront-elles stockées, à qui seront-elles accessibles ?
Et en échange ?
Tout cela donnera lieu à une rémunération « qui dépend de l’atteinte des résultats pour l’ensemble des engagements », donc qui récompensera ceux qui font tout ce qu’on leur demande. Elle sera versée après « vérification » de la CPAM et de l’ARS qui vérifiera « la cohérence du projet », pourra considérer qu’il n’est pas adéquat et
« (…) être amenée à proposer à la structure des modifications du projet de santé au regard du contenu des engagements remplis dans le cadre du contrat, notamment ceux relatifs aux missions de santé publique répondant à des spécificités territoriales. »
L’ARS semble vouloir prendre des décisions médicales.
Quelle rémunération ?
Comme si c’était trop simple de chiffrer cette récompense en euros, elle sera comptabilisée en… points ! Comme dans la fonction publique ! On n’a pas fait l’ENA pour rien !
Ces points seront attribués en fonction de la compliance du médecin. Ne riez pas, c’est en toutes lettres dans le texte1. Le mode de calcul est tellement complexe qu’il sera quasiment impossible de vérifier l’exactitude du montant versé.
Tout cela est bien barbare mais ne nous y trompons pas, ce qui compte c’est toujours l’humain, les rapports humains, le patient, et cela Marisol Touraine le sait fort bien quand elle en parle comme d’une « patientèle de référence » qui « consomme » un nombre de soins2.
Et la déontologie ?
Enfin, il y a encore un point à prendre en compte : cette rémunération sera versée non pas au médecin à titre individuel, mais à la structure. Ce qui suppose de mettre en commun les honoraires.
Or le partage d’honoraires est interdit ! Et plus encore, il est interdit de pratiquer le compérage, c’est-à -dire qu’il est interdit de tirer un bénéfice en envoyant un patient préférentiellement chez un professionnel exerçant dans la même structure. Ce qui est exactement le contraire de ce que veut mettre en place le ministère dont le but est justement de favoriser le regroupement de différentes professions de santé pour orienter le patient « au plus près ». Donc chez un professionnel de la même structure, avec les mêmes intérêts financiers. Ce qui est plutôt contestable d’un point de vue déontologique.
Qu’à cela ne tienne ! L’État va interférer dans la déontologie médicale et lever cette interdiction !
Les professionnels de santé devront créer leur structure sous l’appellation SISA : Société Interprofessionnelle de Soins Ambulatoires (sorte de SCM) Ce statut permet officiellement d’autoriser le versement de la rémunération de la CPAM à une structure composée de différents professionnels qui peuvent alors se partager la rémunération, ce qui était jusqu’alors interdit. Ce statut casse donc les règles du code de la santé publique.
Les médecins pourraient donc être suspectés d’avoir un intérêt financier lorsqu’ils adressent leur patient à un professionnel de la même structure de soins : le médecin généraliste vous prescrit des soins infirmiers ou de kiné au même étage, et vous passez récupérer vos médicaments à la pharmacie du rez-de-chaussée. Évidemment, pour le patient, cela peut être confortable ; pour l’ensemble des professionnels de santé, cela entache leur réputation d’indépendance et d’objectivité ; mais surtout, comment le patient peut-il être assuré que les décisions sont prises en fonction de son seul intérêt ? Pourquoi ne pourrait-il pas choisir lui-même le kiné ou l’infirmière ou le spécialiste chez qui il souhaite aller ? Comment sera-t-il certain que le médecin choisit le meilleur pour son patient et non pas le meilleur pour lui ?
L’État intervient ici non seulement au niveau législatif, mais aussi dans la déontologie médicale. Il n’encadre plus, il emprisonne. Cet arrêté, sous les dehors habituels de « meilleur accès aux soins », signe la fin de la liberté du médecin, mais aussi celle du patient, qui ne doit pas oublier que les mutuelles sont prêtes à se saisir de ce marché.
- L’ensemble du dispositif est fondé sur un total de 7 400 points, pour une patientèle de référence de 4 000 patients :
– 5 050 points pour le niveau socle, dont 2 550 pour la partie fixe et 2 500 pour la partie variable (en fonction de la patientèle) ;
– 2 350 points pour le niveau optionnel, dont 1 450 pour la partie fixe et 900 pour la partie variable (en fonction de la patientèle).
Le nombre de points indiqué pour chaque indicateur dans le tableau de l’annexe 1 correspond à un taux de réalisation de 100% ↩ - La patientèle de référence est définie pour une structure de référence pour laquelle la somme du nombre de patients ayant déclaré un des médecins exerçant au sein de la structure comme médecin traitant (patientèle déclarante au 31 décembre de l’année de référence) et du nombre d’enfants âgés de 0 à 16 ans ayant consommé au moins deux soins de médecins généralistes exerçant dans la structure au cours de l’année de référence est égale à 4 000. ↩
Merci. Cela ressemble furieusement aux méthodes de l’état fédéral US.
Les médecins ont les inconvénients des fonctionnaires mais sans les avantages.
La santé est devenue un commerce. Les gens iront se soigner comme aller faire des courses au supermarché du coin, à la diffèrence qu’ils seront la marchandise et l’Etat le client. Quand l’Etat ne pourra plu payer pour la marchandise, elle sera considèrée périssable rapidement. Mais entre temps il y aura des soldes. des promotions.. En Italie le niveau des services de santé classé second au monde par rapport à son cout, vient de rèaliser que les mèdecins n’ètaient bons dans les diagnostiques au point de faire passer de nouveaux examens pour obtenir le diplome. Beaucoup de gens meurent par incompètence des experts. C’est à dire que des èconomies se sont portées à la formation. Alors si en France on veut faire comme la Mutua, le nombre de procès vont explosés. Le gouverment italien propose des accord à l’amiable, et les experts mèdicaux sont extrèmement solidaires pour leur confrères en manque de formation pour empècher des poursuites lègales. C’est donc assez facile de se trouver classé at top, si on èlimine toutes les victimes livrées à leur triste sort, devenant le fardeau des familles en manque d’argent en ce moment…
Conclusions après avoir lu les élucubrations des penseurs de cette société déliquescente:
il FAUT enseigner la médecine non pas dans des facultés de médecine et à l’hôpital MAIS à Sciences Po, HEC ou ENA vous savez là où croissent et prospère les génies inspirés qui sont nés avec la science infuse.
Regardez les miracles obtenus par ces « gestionnaires » … tout baigne dans ce pays … sauf … le milieu médical et l’hôpital. Ils vont vous pondre des logiciels informatiques qui vont tout résoudre en quelques millisecondes … la médecine connectée et ils vont vous sortir des bilans avec une rentabilité digne d’éloges.
Je me rappelle avoir entendu le professeur Bernard Debré quand il a repris son poste à l’hôpital Cochin s’étonner de la prolifération exponentielle des administratifs par rapport aux soignants … celui là ne peut être taxé d’être de gauche.
Apparemment l’hôpital ne sera plus le lieu où seront traités et pris en charge les patients atteints de pathologie graves, rentabilité oblige. Soit vous rapportez de l’argent à la structure soit vous dégagez la piste. Raison pour laquelle 130.000 lits d’hospitalisation ont été fermés et je rigole doucement quand je vois la panique semée par une banale grippe hivernale … imaginez quelques instants une épidémie comme la grippe Espagnole ….
Le milieu médical et hospitalier sont largement sclérosés faute d’avoir évolué avec l’évolution de la structure économique du pays.
En 2014 les problèmes ne sont plus ceux de 1945 et nous payons cruellement les carences et l’ineptie crasse de gouvernements de droite comme de gauche qui au lieu de suivre l’évolution de la société se sont contentés de refiler les problèmes à leurs successeurs.
Les structures très technocratiques des ARS n’y changeront rien. Au niveau départemental l’ARS est une banale courroie de transmission de la région qui elle même est la courroie de transmission des décisions prises par les génies du ministère … Vous pouvez toujours essayer de faire remonter quelque chose à Paris.
Paris décide, Paris décrète et se balance de ce que vous pouvez raconter simple petit provincial mal éduqué.
Enseignez la médecine à ENA, HEC ou Sciences Po
Franchement les médecins l’ont bien cherché en cherchant à maintenir leur numérus clausus plutôt qu’a faire jouer la concurrence et en ayant aucun sens des responsabilités dans les arrêts de travail prescrits et les prescriptions de médicaments à gogo.
A terme la médecine libérale telle que nous l’avons connue est morte car financée par le leviathan (Secu) et il va en faire ce qu’il veut. Si la priorité est de les mettre au pas (pour résoudre le déficit de la sécu) sans que cela n’affecte la qualité des soins je suis pour.
Sauf erreur, c’est le gouvernement qui fixe le numerus clausus, et c’est donc lui le responsable.
Mais l’Ordre des médecins piloté par des conservateurs chevronnés n’a pas opposé son véto au numérus clausus partant du principe que moins il y a de convives plus la part est grosse … ignorant superbement ce qu’est une courbe démographique, celle du corps médical et celle de la population générale …
Chapeau bas aux « artistes »
Et c’est ainsi que dans la 5eme ou 6eme (on sait plus) puissance économique du monde il faut 6 mois pour avoir un rendez-vous chez un spécialiste et qu’on fait venir des médecins de l’étranger ou que nos étudiants les moins aptes à bachoter des QCM (avec la prépa qui va avec) partent en Roumanie se former.
Croyez moi je n’ai jamais demandé ce numérus clausus (dont j’ai retrouvé les courbes pour constater que je fais parti des générations avec le numérus le plus bas). La fac a l’époque était alors une jungle, tous les coups étaient permis… Idem à l’hôpital, depuis jamais je ne voudrais y retourner travailler ! Je suis trop bien au fond de ma campagne pommée !
Pour les moyens d’éliminer les candidats, le QCM est peut être le moins injuste ! Lorsque vous faites une rédaction, on parle de mot clef. On se demande si un texte de type : « fièvre pollakiurie brulures mictionnelles douleur lombaire » ne vaudrait pas plus que « la patiente présente une augmentation de la température corporelle, de fréquentes envies d’uriner, douloureuse ainsi que des plaintes au niveau des lombes » ! Question de mots clefs ! Le seul bénéfice pour les patients sur ce mode de recrutement est un tri de personnalités de médecins qui « encaissent » une forte pression (jusqu’à la rupture ?… le taux de suicide soit assez élevé chez nous)
« pour résoudre le déficit de la sécu »
Vous croyez encore qu’ils veulent résorber le déficit ? Vous êtes naïve.
Ce ne sont pas les médecins qui vont le plus souffrir !!
Au final aucun interet pour les medecins de se retrouver en ‘structure de santé’ ils continueront de se mettre en SEL pour preserver une derniere liberté.
C’est un missile envoyé sournoisement à la prochaine génération de médecins pour qui le libéral fait peur, peur que l’on nourrit tout au long de leur cursus… peur de la solitude, peur de la charge de travail, peur de l’incertitude du monde libéral versus le monde bisounours du salariat hospitalier (même s’il les a réduit en escalvage : voire les horaires de dingues de nos internes dans certains hôpitaux périphériques !).
oui c’est aussi une attitude qui tend à se répandre chez les jeunes médecins surtout pour l’aspect isolement, par contre pour l’hôpital c’est plus courage fuyons!! aucun médecin de mon entourage ne souhaite travailler en hôpital.
Par contre être salarié d’une structure (ex: medecin du travail, medecin de la sécu,…) c’est une idée qui les séduit, bien triste au final