Par Anthony Escurat.

Affublé de l’acronyme « NOTRe » (Nouvelle organisation territoriale de la République), le second volet de la réforme territoriale mériterait d’être baptisé du nom de Friedrich Accum, en hommage à l’inventeur de l’usine à gaz. Adoptée le 10 mars dernier en première lecture à l’Assemblée nationale après un premier examen mouvementé au Palais du Luxembourg, la refonte de la carte administrative de la France ne sera finalement pas la grande révolution territoriale attendue, de l’aveu même de Marylise Lebranchu, la ministre en charge du dossier. Explications.
Détricotage-retricotage
Cette réforme sortie du chapeau du François Hollande ne figurait pas parmi les soixante engagements du candidat. Totalement absente de la campagne de 2012, elle s’est pourtant invitée avec fracas dans le quinquennat à la faveur du printemps 2014. D’aucuns y verront un moyen habile pour le chef de l’État d’engager une réforme indolore pour les Français, mais occupant en revanche et les élus et les médias le temps d’une longue séquence politique et législative. Permettant, par effet pendulaire, de mettre en sourdine l’atonie de la croissance économique et la courbe du chômage qui n’en finit plus de ne pas s’inverser. Sur la forme, l’opération est donc plutôt réussie.
Rappelons également que l’actuelle majorité, aujourd’hui si prompte à dégraisser le mammouth administratif, était hier vent debout contre la loi du 16 décembre 2010, dite de « réforme des collectivités territoriales », portée par le gouvernement Fillon. Inspirée par les recommandations de la commission Attali et du comité Balladur, celle-ci prévoyait notamment la création du conseiller territorial, fruit de la fusion des conseillers régionaux et généraux, la clarification des compétences entre les différents échelons territoriaux, l’élection au suffrage universel direct des conseillers communautaires ainsi que la suppression de la clause générale de compétence. Compte tenu de l’opposition en bloc et en détail des parlementaires socialistes de l’époque, la loi fut finalement adoptée à une très courte majorité.
Un quinquennat plus tard, à la stupeur de la droite désormais dans l’opposition, la réforme territoriale de la gauche, jamais à court de contradictions, reprend sans ambages l’esprit et le corps de la loi du 16 décembre 2010, face à laquelle elle avait poussé tant de cris d’orfraie. Moralité : ce qu’il a décousu hier, le PS le retricote aujourd’hui.
Peau de chagrin
Dès lors, annoncée par Manuel Valls lors de son discours de politique générale puis présentée en grande pompe en Conseil des ministres un 18 juin (heureux hasard du calendrier), la réforme territoriale du gouvernement se voulait ambitieuse.
Pour l’occasion, le couple exécutif l’avait habillée de ses plus beaux discours, tutoyant parfois le firmament du lyrisme : « grande réforme», « souffle »,  ou encore « élan pour l’unité de la République ». Ces effets de communication prennent aujourd’hui des allures de poncifs, ayant en réalité servi à masquer la vacuité d’une réforme mort-née. En effet, près d’un an après son annonce, force est de constater qu’elle se trouve aujourd’hui réduite à peau de chagrin, balayée par la tempête parlementaire et les compromissions gouvernementales.
Après avoir redessiné – à la hussarde et dans une pure tradition jacobine – la carte des régions sans aucune étude d’impact ni concertation avec les élus (voire avec les citoyens), l’exécutif s’attèle depuis décembre à la redéfinition des compétences des collectivités locales. Un dossier épineux dont il ne sortira certainement pas grandi. Car depuis plusieurs semaines, dans un exerce de style dont ils ont le secret, sénateurs et députés de droite comme de gauche se livrent à un « concours Lépine de détricotage législatif ». Avec près de 2.000 amendements déposés, soit autant de coups de canif portés au texte du gouvernement, la navette parlementaire a largement revisité le « big-bang territorial » annoncé, accouchant finalement d’un ersatz de réforme.
Rétropédalages
Ainsi, exit la suppression définitive des départements, véritables miraculés du marathon parlementaire et qui, in fine, ne perdront que peu de leurs compétences ; l’exécutif ayant baissé pavillon face au lobbying des barons locaux aujourd’hui ragaillardis. Exit aussi la compétence exclusive des régions sur le plan économique : les départements conservant des prérogatives en la matière aux côtés des métropoles notamment. Exit encore la rationalisation des intercommunalités : le relèvement du seuil de constitution des groupements de communes à 20.000 habitants (au lieu de 5 000) ayant subi un sérieux lifting par les parlementaires sonnant, en définitive, le glas de la rationalisation de la carte intercommunale.
Exit par ailleurs la suppression de la clause générale de compétence : bien que le gouvernement Valls l’ait gravé dans la loi (alors même que le gouvernement Ayrault l’avait quant à lui réhabilitée quelques mois auparavant), des compétences, et non des moindres, demeureront dans la pratique partagées entre les différents échelons administratifs : le tourisme, le sport, la culture et la santé. Un micmac bien éloigné de l’objectif initial de clarification.
Exit enfin la diminution du nombre d’élus locaux : alors que la France détient le record européen du nombre de titulaires de mandats électifs et que le nombre de régions a été divisé par deux, celui des conseillers régionaux ne bougera pas d’un iota. Résultat d’un amendement voté en catimini et dans un rare moment d’œcuménisme parlementaire par des députés de gauche comme de droite. Aux oubliettes donc les économies et l’exemplarité. Parmi les autres rétropédalages du gouvernement, la gestion des collèges demeurera dans le giron des départements, et ce alors que les transports scolaires seront, quant à eux, transférés aux régions.
Un non-sens, symbole supplémentaire s’il en fallait d’une réforme qui remplace finalement l’illisibilité par de l’opacité, l’immobilisme par du statu quo. Une réforme phagocytée par les intérêts individuels et sacrifiée sur l’autel des conservatismes politiques. Vue du ciel, une brume épaisse continuera donc de flotter encore longtemps sur l’organisation territoriale de la République…
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Est-ce que quelqu’un dans ce pays, de bonne foi, s’attendait à un autre résultat…?
bah , qui aurait l’idée de faire voter par des salariés leur licenciement ou/et la suppression de leurs avantages acquis ?
c’est une décision que seul peut prendre le ‘ patron ‘ …et il n’y a pas de patron à l’Élysée , seulement un libertin et sa cour des miracles .
Il me semble que la loi de 2010 était plus pertinente que l’embrouillamini actuel. Toutes choses étant relatives…
connait on finalement les super préfectures des super régions ?
besançon ou les fabricants de moutarde ? ou alors on garde les 2 préfectures de régions et les 2 régions et on vient de rajouter une tranche au mille feuille ?