Par Charles Garnier
Un article d’Emploi 2017
Les dépenses totales de santé en France représentent aujourd’hui 235 milliards d’euros, soit 11,6% de notre PIB, nous situant en troisième position au sein de l’OCDE, derrière les États-Unis (18%) et les Pays-Bas (11,9%). Cependant, ce qui est frappant dans la dépense française, ce n’est pas tant son classement en début de peloton, que la part importante de la dépense publique dans ce total, dans une logique financière qui paraît vouée à l’échec.
Malgré la création et la hausse régulière des taux de la CSG1, afin de venir en renfort des cotisations sociales maladies devenues insuffisantes, cela fait plus de quinze ans que les comptes du régime général – couvrant 87% de la population – ne sont plus en équilibre. Le déficit cumulé de l’Assurance-maladie depuis 1998 s’élève ainsi aujourd’hui à plus de 100 milliards d’euros :
Évolution du solde de la branche maladie en milliards d’euros courants
Graphique tiré du rapport Les chiffres clés de la Sécurité sociale 2013, publié par la Direction de la Sécurité Sociale.
Une partie de l’explication à ce déficit endémique se trouve dans le graphique ci-dessous. On constate en effet que ces dernières années, la croissance de la dépense de santé s’est maintenue au rythme annuel de 2 ou 3%, même quand la croissance du PIB (et donc indirectement celle des recettes de l’Assurance-maladie) était bien plus faible.
Croissance des dépenses de santé et croissance du PIB entre 2009 et 2014,
en pourcentage
Source : Cour des comptes
Cette croissance continue des dépenses de santé peut être attribuée au vieillissement de la population, à l’augmentation des maladies chroniques onéreuses, ainsi qu’au renchérissement des technologies. Mais elle peut être attribuée également à l’élasticité de la dépense de santé de l’ordre de 1,3, c’est-à-dire qu’on a observé que dans les pays développés, la dépense de santé croît plus que proportionnellement à l’augmentation des revenus.
On constate donc d’une part des besoins croissants de santé. On constate cependant d’autre part de graves déficiences de gestion, qui aggravent la dégradation des comptes de l’Assurance-maladie. Pour ne prendre que deux exemples, il s’agit notamment de la gestion des hôpitaux et de la gestion centrale du régime de l’Assurance-maladie.
En ce qui concerne les hôpitaux, ils coûtent en effet 20 à 30% plus cher que les cliniques pour des actes comparables. Le paritarisme est sans doute le principal responsable de cet état de fait, les syndicats imposant un certain mode de fonctionnement des hôpitaux (par exemple l’absence de mobilité entre les services) qui aboutit finalement à un système coûteux et moins productif. Les hôpitaux ayant à l’heure actuelle un chiffre d’affaires de 26 milliards d’euros2, ce sont 5 à 6 milliards d’euros qui pourraient être économisés annuellement s’ils étaient aussi bien gérés que les cliniques privées. Cela permettrait donc de quasiment résorber le déficit actuel de l’Assurance-maladie.
Ce paritarisme existe aussi au niveau des caisses de l’Assurance-maladie et semble également entraîner une gestion centrale déficiente. Pour une dépense annuelle de 175 milliards d’euros, les frais de gestion s’élèvent en effet à 7 milliards d’euros, soit un pourcentage important de 4% de frais de gestion. D’après un rapport de l’Inspection générale des finances et de l’Inspection générale des affaires sociales, ce sont 2 milliards d’euros de frais de gestion qui pourraient être économisés annuellement en mettant en œuvre les réformes appropriées3.
Les frais de gestion élevés de l’Assurance-maladie pourraient s’expliquer par des niveaux élevés de salaires au sein de son personnel. Les salariés du régime général de l’Assurance-maladie, au nombre de 95.0004, font partie du mastodonte de la Sécurité sociale, qui regroupe au total 157.000 personnes. Or, on constate qu’au sein de la Sécurité sociale5 :
- le taux de cadres est de 35% ;
- le salaire moyen toutes catégories est de 37.000 euros (contre 34.000 la moyenne française) ;
- le salaire moyen des cadres de direction est de 100.000 euros ;
- le taux moyen d’absence maladie est de 8%, soit plus du double des salariés du privé.
Malgré vingt plans de redressement en trente ans, ces déficiences de gestion n’ont malheureusement fait qu’empirer. Il semble que seul le jeu de la concurrence, en étendant le champ actuel des mutuelles à celui de l’assurance-maladie, permettrait une véritable efficience de la dépense de santé. Cela n’implique pas une disparition de la solidarité (mise en place d’allocations santé pour les plus pauvres et prise en charge des maladies chroniques par exemple) mais une mise en concurrence plus large des offres de santé.
Les prévisions du Haut conseil pour l’avenir de l’Assurance-maladie semblent en tous cas sonner le glas de la santé française telle qu’on la connaît actuellement. D’après ses chiffres, le déficit de l’Assurance-maladie devrait doubler d’ici 2020 pour atteindre 14 milliards, puis 29 milliards en 2030, 41 milliards en 2040 et 49 milliards en 2060.
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Sur le web.
- Contribution sociale généralisée, prélèvement obligatoire qui participe au financement de la sécurité sociale en France. ↩
- Hors dotations pour la formation et la recherche. ↩
- Voir page 112 du rapport suivant. ↩
- CDD inclus. ↩
- Rapport sur l’emploi 2014, Union des caisses nationales de sécurité sociale. ↩
Cinq millions de chômeurs de moins, des cotisations qui rentrent et d’autres qui ne sortent plus et l’on ne parle plus du gros déficit de la SS…. Même s’il est vrai que des réformes, notamment à l’hôpital, étaient nécessaires et pas forcément celles mises en place …Ces dernières diminuent le nombre de soignants…Les mobilisent dans des pôles et les arrêts de travail s »accumulent…Par contre les administratifs eux sont toujours plus nombreux et leurs services rénovés…Un vrai scandale…D’état….
raisonnement simpliste et hypothétique. Nous vivons dans le réel. La maladie ne prévient pas, mais il faut utiliser les moyens dont on dispose d’une manière rationnelle. Ne pas transformer tout malaise ou mal etre en urgence
Les surcoûts des hôpitaux ne s’expliquent pas uniquement par ce que vous appelez le « paritarisme », c’est-à-dire le poids syndical (car il n’y a pas de « paritarisme » stricto sensu, les syndicats n’ont que deux sièges au conseil de surveillance d’un hôpital, sur une douzaine de membres – vous confondez avec l’assurance maladie).
Il y a aussi : les règles nationales qui pèsent sur l’évolution de la masse salariale (mesures catégorielles favorables lâchées par tel ou tel ministre, adepte des injonctions contradictoires) ; les surcoûts des missions de service public (elles ne sont pas toutes financées à hauteur de leur coût, et donc une part pèse sur l’activité « standard ») ; et aussi le fait que le secteur public ne peut faire le tri de ses patients, et qu’une part d’entre eux ont des problèmes sociaux et pas seulement sanitaires, ce qui alourdit leur coût.
Donc le surcoût hospitalier est complexe et les solutions multiples, l’une d’entre elle devrait être le regroupement pour trouver des économies d’échelles, comme peut le faire plus librement le secteur privé, ce qu’il n’a pas cessé de faire ces dernières années (voilà d’ailleurs une autre cause des différences de coût entre les secteurs public et privé).
« les surcoûts des missions de service public…
Même pas. Le service d’urgence le plus important de France est privé.
« Nous sommes dans l’Ouest parisien, à l’hôpital privé de Trappes, où près de 60 000 personnes défilent chaque année. Un niveau de fréquentation que n’atteint aucun des hôpitaux publics du secteur. Pourtant, ici, pas de cohue, pas de brancards encombrant les couloirs, tout se passe calmement dans des locaux fonctionnels et méticuleusement propres. Une dizaine de patients attendent sagement leur tour. »
….
« Une étude réalisée en juin pour le compte du ministère de la Santé dans huit centres d’urgence publics et privés à travers le pays montre que le temps moyen qui s’écoule à Trappes entre l’entrée, la sortie ou l’hospitalisation des patients est de 56 minutes, quand il atteint par exemple 2 h 23 à l’hôpital de Saint-Malo, voire 4 h 49 au centre hospitalier d’Argenteuil. »
http://www.lepoint.fr/actualites-sante/2007-01-17/le-prive-a-l-assaut-des-urgences/1409/0/33571
Désolé de vous contredire : le service d’urgences d’un établissement de type CHU (par exemple Nantes que je connais) accueille 110 000 patients par an (et encore, sans compter ceux qui sont admis directement dans certains services spécialisés comme en unité neuro vasculaire pour les anévrismes), on est loin des 60 000 de Trappes. Et dans ce type de service il faut inclure le Samu – donc le centre 15, dont les coûts informatiques et téléphoniques (environ 300 000 € par an rien que pour çà ) ne sont quasiment pas financés par la dotation ad hoc.
Sur le temps d’attente je ne me prononce pas, mais il faut savoir que plus vous avez les cas lourds dans un services d’urgences, plus vous risquez d’attendre si votre propre cas est moins vital.
Ah oui, le fameux « cas lourd » qui mobilise 15 personnes … lol
Si un type a 15 personnes a son chevet, il est foutu. L’erreur médicale est inévitable par manque de coordination, surtout aux urgences.
« le Samu – donc le centre 15, dont les coûts informatiques et téléphoniques (environ 300 000 € par an rien que pour çà ) ne sont quasiment pas financés par la dotation ad hoc. »
Les SAMU ont une dotations qui leur est propre, en dehors de celle de l’hôpital, une des raisons de la concurrence avec les gardes libérales et le lobbying de certains chefs de service (ce qui mécontentent souvent le personnel insuffisant qui y travaille par l’augmentation de cette charge de travail).
Plus de bureaucrates que de soignants et de personnel au contact des patients… Les maux de l’hôpital se résument à la pathologie de fond du système bureaucratique français éminemment pyramidal….
Les sommets des pyramides étant occupées par les énarques…
J’étais administrateur dans un petit hôpital public entre 1985 et 1987 : l’unité comportait à l’époque comme personnel administratif : un directeur avec secrétariat, un chef des services économiques et son secrétariat et un chef du personnel avec secrétariat…
J’ai vécu le début de la bureaucratisation : j’ai d’ailleurs démissionné parce que l’avalanche de textes réglementaires aboutissait à retirer des soignants infirmiers (évidemment les plus expérimentés) des services de soins pour leur confier des tâches purement administratives..
Qu’en est en 2015 ? Cet hosto a maintenant 1 directeur, 6 sous-directeurs (chefs de division) avec leurs secrétariats hypertrophiques… alors que les services « regroupés » disposent de deux fois moins de lits qu’en 1987 !
Service publique = service merdique. Il faut rappeler que les conseils d’administration des hôpitaux sont une mascarade ridicule : le conseil d’administration n’a aucun pouvoir véritable : tout est décidé par la si bien nommée « l’autorité de tutelle » (à l’époque la DDASS, maintenant l’ARS), le maire, président dudit conseil fût-il ministre en exercice.
cela n’échappe qu’aux politiciens dont le seul but est de se maintenir au pouvoir. Au diable la santé publique
« les surcoûts des missions de service public »
C’est un peu court.
Quelles missions?
Lorsque je la vois je ne suis pas rassuré, elle m’inspire tout sauf de la sagesse, de la modération et du bon sens.
Les pays qui ont gagné furent la Nouvelle Zelande, le Canada qui ont adopté des mesures drastiques pour modérer la consommation. Nous faisons le contraire en ouvrant les vannes et en déresponsabilisant les utilisateurs.
Elle pourra mettre sur son palmarès: J’ai largement contribué à l’explosion du système de santé français
« … qui ont adopté des mesures drastiques pour modérer la consommation »
Aucun politique français n’osera le faire. L’assurance maladie finira par crever dans une très très longue agonie.
« Les prévisions du Haut conseil pour l’avenir de l’Assurance-maladie semblent en tous cas sonner le glas de la santé française telle qu’on la connaît actuellement. D’après ses chiffres, le déficit de l’Assurance-maladie devrait doubler d’ici 2020 pour atteindre 14 milliards, puis 29 milliards en 2030, 41 milliards en 2040 et 49 milliards en 2060. »
Vu la situation actuelle, de telles extrapolations n’ont aucun sens. D’ailleurs quelque soit la situation, des prévisions à si long terme n’ont jamais de sens.
si, les prévisions ont un sens : elles indiquent que la situation devient littéralement impossible, on ne trouvera pas les sous et on ne pourra pas supporter un tel déficit. Donc sans évolution le système va craquer, économiquement et socialement. Et l’évolution naturelle, c’est un peu moins de déficit que prévu, mais au prix d’une médecine au rabais (sous investissement), de file d’attentes (seul système pour répartir la pénurie que le socialisme tolère , et ça tombe bien, c’est aussi une production inévitable du socialisme) et donc un système « à deux vitesse », des déremboursement massif, des frais supplémentaire pour acheter la paix sociale (mais sans succès : la conflictualité et même les contentieux vont croitre), etc.
Quelle est la part du coût du dépistage généralisé du cancer du sein?
Quelle est la part du coût du vaccin contre l’hep B?
l’un comme l’autre font faire des économies (la prévention est moins couteuse que les soins, les soins sont moins couteux quand ils sont réalisés avant que la maladie s’installe)
Le dépistage du cancer prévient … quoi?
Qu’est-ce qu’on se marre…
L’étude de Hernan présentée au 19ème Congrès International de Pharmaco-épidémiologie
http://www.aavac.asso.fr/vaccination_hepatite_b/etude_hernan_vhb_sclerose_en_plaques.php
ne pas confondre « prévention » et « dépistage »…. et vous comprendrez qu’il n’y a pas d’économies au dépistage… surtout avec l’exemple du cancer du sein (liser No Mammo de Campergue : instructif même pour les professionnels).
Ce que je trouve le plus scandaleux ce sont les frais de gestions.
Nous sommes a l’air de l’informatique et de l’automatisme … et pourtant les depenses administratives continuent de croitrent dans le publique.
Terrifiant et occulté par les politiques: lisez Chirurgie chronique d’une mort programmée
Editions L’Harmattan
Dans ce livre je décris cette descente sans fin aux enfers de l’OSS