Suisse : neutralité et petit gouvernement décentralisé

Quel est le secret de la réussite du modèle suisse ?

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Suisse : neutralité et petit gouvernement décentralisé

Publié le 18 avril 2015
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Par Le Minarchiste.

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couteau suisse credits brian hertzog (CC BY-NC-SA 2.0)

 

Dans mon article de 2009 intitulé La Guerre et l’Inflation, j’expliquais qu’il y a deux ingrédients essentiels pour qu’un pays devienne belliqueux :

  1. La présence d’un gros gouvernement central (puisque c’est le gouvernement central qui contrôle l’armée nationale)
  2. La possibilité de monétiser les dettes de guerre par la création de monnaie.

 

J’ai d’ailleurs approfondi ce point dans un article intitulé Les Grandes Guerres Collectivistes du XXe siècle. Plus le gouvernement central a de pouvoir, plus le risque de conflit interne est élevé, alors qu’un petit gouvernement décentralisé favorisera l’harmonie et la paix.

Il existe un pays qui démontre bien la véracité des idées susmentionnées : la Suisse !

 

Petit gouvernement et neutralité

La politique de neutralité de la Suisse a initialement été une question de survie.

Avec 64 % de Suisses-Allemands, 20 % de Français et 7 % d’Italiens, le pays se serait vite dissous si le gouvernement central avait pris parti durant l’une des grandes guerres.

Par ailleurs, étant situé aux frontières de nombreux pays belligérants, le pays aurait vite été dévasté compte tenu de son emplacement stratégique.

suisse8/ le minarchiste

La neutralité suisse a permis à différentes nations de coexister paisiblement au sein d’un même pays et a favorisé l’émergence d’une démocratie très décentralisée. Chacun des 26 cantons dispose de son propre gouvernement, de sa Constitution et de ses cours de justice. La Suisse a été l’un des pays les moins touchés par la guerre civile au cours des 500 dernières années. Petit gouvernement central rime donc avec stabilité interne.

La Suisse s’est dotée depuis 2001 d’un mécanisme de frein aux dépenses et à l’endettement qui a grandement limité la capacité de l’État, et particulièrement du fédéral, à dépenser et s’endetter comme l’ont fait les pays de la zone euro. La Suisse a pendant longtemps été, et encore aujourd’hui, un pays où les réserves de la banque centrale sont composées d’or dans une plus grande proportion (jadis environ 20 %), et cet or couvre la majorité de la monnaie en circulation.

Pour ces raisons, les dépenses de l’État Suisse sont relativement limitées, les déficits rares, l’endettement faible et l’inflation minime. Il est difficile de voir comment le gouvernement central aurait pu financer une grande guerre dans ce contexte institutionnel.

Suisse2 : le minarchiste

La Suisse est donc apparue comme une société pacifique tant à l’externe qu’à l’interne.

Ceci dit, la neutralité a eu bien d’autres effets positifs.

En créant un climat de stabilité géopolitique, la Suisse s’est vite démarquée comme l’endroit idéal pour entreposer la richesse et démarrer une entreprise, et ce depuis plusieurs siècles. Le pays est aussi devenu une destination de choix pour les organisations internationales.

Genève est le siège européen des Nations unies, de l’Organisation Mondiale de la Santé, de l’Organisation Mondiale du Commerce, du Forum Économique Mondial, du Conseil International des Aéroports, de l’Organisation Internationale de Standardisation (ISO) et de la Librairie Virtuelle du Web. La Banque de Règlements Internationaux (BIS) s’est aussi établie à Bâle en 1930.

 

Le secret bancaire et la richesse de la Suisse

Ce sont initialement les rois de France qui ont exigé le secret bancaire en Suisse, non pas pour économiser de l’impôt, mais bien pour des raisons religieuses : ils ne voulaient pas que les gens apprennent qu’ils faisaient des affaires avec des hérétiques protestants. Ces règles de confidentialité ont été adoptées par le Grand conseil de Genève dès 1713.

Quand on parle de la Suisse comme exemple de succès socio-économique et de modèle à suivre, la gauche grogne en affirmant que si la Suisse est riche et va si bien, c’est parce qu’elle est un paradis fiscal. Autrement dit, elle vit aux dépens des gouvernements des autres pays, qui souffrent d’un manque à gagner en impôts. Cette affirmation est grossièrement fausse.

Seulement 5,8 % des emplois sont dans l’industrie financière, ce qui est comparable à la situation aux États-Unis et inférieur au Canada. De plus, l’industrie financière inclut l’assurance et la gestion de patrimoine, pas seulement les banques. En termes de capitalisation boursière, les deux grandes banques suisses, UBS et Crédit Suisse, ne se situent qu’aux 21e et 35e  rangs mondiaux respectivement. Des entreprises non-financières comme Roche et Nestlé ont une capitalisation boursière près de quatre fois supérieure à ces deux banques.

Suisse7: le minarchiste

En fait, ce sont les banques privées, généralement plus petites, qui attirent la majorité des actifs étrangers (et qui facilitent l’évasion ou l’optimisation fiscale).

Fait intéressant : en vertu des règles de l’Association des Banquiers privés suisses, l’actionnariat des banques privées (ce qui exclut UBS et Crédit Suisse) doit comporter au moins un partenaire à responsabilité illimitée. C’est-à-dire qu’en cas de faillite, ses actifs personnels pourront être saisis. Cette mesure assure que ces banques sont plus prudentes dans leur gestion des risques, et seront moins enclines à engendrer des crises financières.

Pour moi, il est clair que l’abolition de la responsabilité limitée des entreprises permettrait, entre autres, d’éviter les crises financières et les catastrophes environnementales, et ce bien mieux que n’importe quelle règlementation oppressive et onéreuse.

 

Économie compétitive et diversifiée

Ceci dit, les gens ne réalisent pas à quel point l’économie suisse est diversifiée, compétitive et innovatrice.

Nous oublions vite ces grandes multinationales non-financières telles que Adecco, Lindt & Sprüngli, Logitech, Mövenpick, Nestlé, Novartis, Richemont, Schindler, Securitas, Swatch, Winterthur et Roche.

Le Forum économique mondial classe la Suisse au tout premier rang sur 144 pays concernant la compétitivité. La Suisse se classe aussi au premier rang du Global Innovation Index calculé par la World Intellectual Property Organization (WIPO). Pourtant, le pays ne dispose pas de politique industrielle interventionniste, comme le recommandé par tant d’économistes (voir ceci, ceci et ceci)!

Suisse8/ le minarchiste

En suisse, on cherche plutôt à créer des conditions générales favorables à la compétitivité et la performance des entreprises.

Résultat : la production industrielle par habitant y est la plus élevée au monde. Sa part du secteur secondaire dans le PIB se situe deux points au-dessus de la moyenne européenne, à plus de 20 %. Cette performance est encore plus impressionnante si on tient compte de la constante appréciation du franc suisse, qui aurait pu devenir un frein à l’exportation des produits industriels suisses.

Le marché du travail suisse est plus flexible que dans la plupart des pays industrialisés. Il n’y a pas de salaire minimum, et les coûts reliés à l’embauche et à la mise à pied sont faibles. La syndicalisation est répandue, mais les relations entre syndicats et employeurs sont harmonieuses et ne causent pas de grèves. Par ailleurs, le système d’éducation n’a pas pour objectif la plus grande proportion possible de diplômés universitaires. Le système se concentre davantage à former les jeunes dans la pratique d’un métier (c’est-à-dire des études vocationnelles). Le taux de chômage suisse est de ce fait très bas.

Chaque canton est en quelque sorte en concurrence avec les autres pour attirer la population et les entreprises, incitant à maintenir la bureaucratie et les coûts à un niveau minimal et par conséquent maintenir les taxes basses.

Malheureusement, la Banque nationale suisse a adopté en 2012 une politique visant à arrimer le franc suisse à l’euro au taux de 1,2 de façon à préserver la compétitivité de ses exportateurs. Cette mesure inutile et destructrice a été supprimée en 2015, dans l’optique d’un programme d’assouplissement quantitatif mené par la Banque centrale européenne qui aurait rendu cette politique d’arrimage insoutenable.

 

Le système de santé

Par ailleurs, comme l’expliquait un reportage de 2012 mené par l’IEDM, le système de santé suisse est largement privatisé : environ 40 % des hôpitaux sont privés ainsi que l’assurance maladie. L’universalité est garantie car environ 30 % de la population reçoit de l’aide gouvernementale pour payer l’assurance santé.

Donc 100 % de la population dispose d’une assurance santé, mais celle-ci n’est pas liée à l’emploi (comme c’est malheureusement le cas aux États-Unis). Les gens ont le choix parmi une centaine d’assureurs différents en concurrence, mais aussi de l’endroit de leurs soins.

Résultat : des soins de qualité, un temps d’attente minime, et une espérance de vie qui se classe au deuxième rang mondial (après le Japon). (voir ceci et ceci)

suisse7

L’aide sociale est aussi structurée de manière différente, administrée par les 2900 communes (voir ceci).

 

Conclusion

On me demande souvent quel pays a le meilleur modèle socio-économique. Ma réponse est toujours la Suisse.

Ce pays n’est pas parfait, mais c’est l’un des plus pacifiques et sa performance socio-économique n’a rien à envier aux pays nordiques.

Ce qui caractérise le modèle suisse est un petit gouvernement décentralisé, une faible réglementation, l’absence de politique industrielle, le respect des libertés individuelles et l’utilisation accrue des entreprises privées pour prodiguer les services à la population.

Qui plus est, je suis persuadé qu’il y a un lien de causalité entre la neutralité de la Suisse, son petit gouvernement central et sa banque centrale peu inflationniste (jusqu’à tout récemment).

Par ailleurs, selon le World Happiness Report de 2013 publié par les Nations Unies, la Suisse est le 3e pays où les gens sont les plus heureux. Même son de cloche du côté du Better Life Index de l’OCDE. Le PIB par habitant et l’espérance de vie y sont parmi les plus élevés au monde. Cette économie est l’une des plus compétitives et les plus innovatrices au monde. Le chômage y est bas et les relations de travail harmonieuse.

Que demander de mieux ?

Néanmoins, malgré le succès de son modèle socio-économique, le socialisme gagne du terrain en Suisse. Quatre référendum récents (voir ceci) ont été heureusement rejetés par la population, mais on sent que le gouvernement central prend de plus en plus de place et que son appétit pour les dépenses grandit.

  • En septembre 2010, lors d’un référendum, 59 % des Suisses ont dit non à un impôt minimum pour les riches.
  • En novembre 2013, lors d’un référendum, 65 % des Suisses ont dit non à l’imposition d’un plafond salarial pour les dirigeants de compagnie pour réduire les écarts de richesses.
  • En mai 2014, lors d’un référendum, 76 % des Suisses ont dit non à une hausse du salaire minimum.
  • En septembre 2014, lors d’un référendum, 62 % des Suisses ont dit non à la création d’un système de santé entièrement public.

 

Il semble qu’une partie de la population ne réalise pas à quel point son modèle fonctionne bien… pourquoi vouloir le changer ?

Suisse6 le minarchiste

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  • en suisse, le secteur financier – banques et assurances comprises – représente environ 11,5 % du PIB, à comparer avec les États-Unis par exemple où le secteur pèse environ 8%, un chiffre un peu plus imposant, certes, mais très loin de ce que représente le secteur industriel suisse à lui seul. Bref, avant d’être une place financière, la Suisse est une puissance industrielle.

  • bonjour,comme tout un chacun le sait ,ou devrait le savoir et l’admettre une bonne fois pour toutes ce jusqu’à preuve de la présence d’un état similaire :La SUISSE est la seule véritable Démocratie existante !

  • La conclusion laisse pantoise, dans la mesure ou’ plus de socialisme signifie plus de misère. Ce n’est pas demain la veille qu’une majorité de français pourra adopter un tel régime politique

  • La démocratie Suisse est vraiment un modèle à suivre.
    La France est engoncée dans sa démocratie jacobine ultra centralisatrice, héritière du régime napoléonien.
    L’absence de cohérence de la classe politique française, basée sur l’imposture et la malhonnêteté intellectuelle, rend impossible un développement économique harmonieux qui pourrait être source de richesse pour tous les français.
    L’incohérence française arrive, à la limite, à dégager des capacités pour engager des conflits armés mais, génère une incapacité manifeste pour promouvoir un développement industriel qui seul permettrait d’assurer une forme de prospérité à notre pays.

  • @ vieille couare

    Ce n’est pas la démocratie suisse qui est à la cause de son succès, preuve en est que le droit de vote n’a été accordé aux femmes qu’en 1971 et le pays n’a pas arrêté de perdre des libertés. Plus de démocratie n’a donc pas provoqué plus de libertés.

    Je pense plutôt que c’est la concurrence fiscale et législative entre cantons qui agit comme un vrai frein au collectivisme. Lorsqu’un citoyen qui se sent opprimé par des lois ou une fiscalité peut simplement déménager sans même devoir quitter son pays, son déménagement fera bien plus qu’un vote.

    • bonsoir aloygah,vous avez fort bien fait de souligner cet aspect ; je n’ai vu là que le système !

      • @ vieille couare

        Bonjour,

        Après, il est vrai que la démocratie directe met surtout un frein à l’ambition politicienne. Le peuple s’est souvent opposé à des projets coûteux ou plus de contrôle de l’Etat, qui étaient soutenus par quasiment tous les partis politiques… 

  • Dire que la Suisse est un paradis fiscal, c’est une connerie monumentale.
    Affirmer que la France est la fosse sceptique de l’enfer fiscal est tout à fait justifié.
    Quand on ne peut pas regarder en bas car on a tous le corps dans ma m…., on regarde forcément en haut et même le purgatoire peut ressembler au paradis.

  • Il faudrait démanteler les grands pays, et on aurait la paix.

    • Non c’est les grands pays qui « maintiennent la paix » …

      • Oui et non, c’est soit l’hégémonie d’un pays ou l’équilibre de la puissance de quelques-uns qui maintiennent la paix

      • Pas toujours, et souvent non.
        L’Allemagne, la GB, l’empire Austro-Hongrois, l’empire Turc, la France n’ont eu cesse de s’étendre.

        Et croyez-moi, ce n’était pas souvent avec des fleurs. Même jamais.

        Or comme les petits n’ont qu’une armée faible, donc n’ont pas la tentation d’envahir les autres. Mais à plusieurs, l’union fait la force, ce qui permet de répondre à la prétention d’un voisin trop gros et gourmand…

        • Ce n’est pas tellement la taille qui fait, mais surtout la capacité de pouvoir facilement déménager.

          Les USA sont un grand pays, mais le fait qu’il y avait une bonne concurrence entre les Etats et la capacité des citoyens à pouvoir changer d’Etat sans devoir changer de langue, de culture, dans un pays qui a l’habitude d’accueillir les étrangers a certainement fait beaucoup pour maintenir les USA libéraux.

          D’ailleurs, une grande part des régressions des libertés se fait au niveau fédéral…

          Mais au lieu de fusionner les régions françaises, je serais effectivement bien plus favorable à les laisser telles quelles, mais à leur accorder plus d’autonomie fiscale et législative. Si les régions françaises très périphériques pouvaient baisser leur fiscalité, baisser les contraintes sur le marché du travail, développer leur propre scolarité, leur économie se mettrait pas long à se redresser et à relancer un mouvement que tout le monde finirait par suivre… 

  • @aloygah
    « la concurrence fiscale et législative entre cantons »
    Très juste ! C’est une des clés de la prospérité.

    Voir l’article de Damien Theillier
    http://www.contrepoints.org/2014/05/26/167084-pour-une-autre-europe

    sur la conférence du Pr Leonardo Liggio en 1992 (lors de la ratification de Maastricht)
    http://www.institutcoppet.org/wp-content/uploads/2013/03/Si-lEurope-m%C3%A9tait-cont%C3%A9e-L%C3%A9onard-Liggio.pdf

  • @ nolife le 19 avril 2015 à 21h45

    Si les grands pays « maintiennent la paix » c’est parce que ce sont de plus en plus des pyromanes-pompiers. Ils interviennent (USA en tête et quand ça les arrange) pour « pacifier » et « sécuriser » les zones où ils ont attisé les adversités et les antagonismes historiques, fourbis les oppositions avec leurs 5èmes colonnes (ex. au Moyen-Orient élargi, en Ukraine, en divers zones d’Afrique, etc). Rien n’est plus malsain et hyper dangereux que les politiques des grands pays centralisés.

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