Par Erwan Le Noan.
L’offensive de la Commission européenne contre Google révèle une dérive de plus en plus interventionniste de son action régulatrice. Une attitude qui n’est pas adaptée aux activités numériques et qui ne protège pas les entreprises européennes.
À peine nommée, la commissaire en charge de la Concurrence, Margrethe Vestager, avait fait connaître son intention de reprendre les hostilités contre Google : elle entendait donner un tour offensif à cette enquête qui dure depuis bientôt cinq longues années. La notification de griefs adressée à l’entreprise américaine ce mois d’avril n’est pas donc pas une surprise ; mais elle intervient dans un contexte particulier et révèle un agenda politique de la régulation européenne, qui dérive, progressivement, vers un redimensionnement toujours plus interventionniste de ses missions.
Alors qu’aux États-Unis, la Federal Trade Commission a renoncé à engager une procédure qu’elle considère comme trop complexe et incertaine, la Commission européenne n’a pas eu ces réserves. Elle avait d’autant moins de raison de les prendre en compte que depuis des mois, Margrethe Vestager et Günther Oettinger ont multiplié les déclarations appelant à une politique résolument interventionniste. À Hanovre, le 13 avril dernier, le commissaire en charge du numérique, a même souhaité que l’Europe « remplace les moteurs de recherche sur Internet, les systèmes d’exploitation et les réseaux sociaux actuels ».
Leurs déclarations répétées, comme le rebondissement dans la procédure Google, révèlent deux tendances fortes de la régulation européenne.
La première dynamique à l’œuvre est l’utilisation du droit de la concurrence à des fins régulatrices. La Commission Junker s’est donnée pour ambition de réaliser le « marché unique numérique » : pour y parvenir, elle entend le forcer, en premier lieu, en contraignant les entreprises. Elle révèle ainsi le caractère interventionniste de sa conception du droit de la concurrence, qu’elle utilise pour modeler le marché européen conformément à ses ambitions politiques et sans attendre que les États se mobilisent. Cette démarche, motivée par un objectif d’approfondissement du marché intérieur d’ailleurs louable, transforme le droit en un instrument intrusif au service d’un agenda politique.
La régulation européenne est également marquée par une tendance répressive, qui tend à administrer a priori les dynamiques du marché et de l’ensemble des acteurs, plutôt que de sanctionner a posteriori les éventuels abus de quelques fautifs. Cette préférence pour le contrôle s’illustre également en France, où le Sénat vient d’adopter un amendement dont le but affiché est de nuire au moteur de recherche. Porté par la droite, et adopté à l’unanimité, il reprend la meilleure rhétorique anticapitaliste pour s’en prendre aux « grands sites Internet américains » qui auraient fait de l’Europe une « colonie ».
Répression, intervention et intrusion sont ainsi les axes du droit de la concurrence qui se dessine dans le secteur d’internet en Europe. Ils ne semblent pas adaptés à l’économie numérique, faite de nouveauté et de création permanentes ; la procédure menée, il y a quelques années, contre Microsoft avait conduit à geler une dynamique d’innovation dans l’entreprise, pétrifiée devant le risque légal.
Dans l’économie qui se dévoile avec internet, la concurrence n’est pas tant stimulée par les autorités publiques, fussent-elles bien intentionnées, que par les innovateurs radicaux et ceux qui déstabilisent les acteurs établis. Les principaux obstacles qu’ils rencontrent ne sont souvent pas le fait d’entreprises dominantes américaines mues par l’impérialisme, mais de réglementations archaïques adoptées et défendues par des États du siècle précédent. Ce dont l’Europe a besoin – et ce dont la Commission devrait se soucier – ce n’est pas tant d’activisme public, mais de liberté entrepreneuriale.
—
Je suis d’accord sur le principe de dénoncer la grippe interventionniste de l’Union mais en revanche, je n’ai pas l’impression qu’il est pertinent de dénoncer cette attitude face au titanesque Google.
Parce que question marges de manoeuvre, Google n’est pas en reste et qu’il ne fait pas vraiment partie de ces entreprises qui seraient irréversiblement affectées par une mise à l’index de l’UE.
Par ailleurs, qu’il puisse se jouer des « batailles » juridiques de pouvoir et de contre pouvoir, c’est particulièrement sain, quand il s’agit de ce type de cas. (Quand bien même je ne pense pas que l’UE soit assez puissante pour maîtriser Google).
« La régulation européenne est également marquée par une tendance répressive » ce n’est pas comme si les USA étaient répressifs envers tout ce qui n’est pas made in USA hein !