Par Marius-Joseph Marchetti
On me souffle régulièrement à l’oreille qu’il faut absolument mettre des gens de qualité à la tête du pays pour « redresser l’économie », comme si nos chefs d’État avaient de tout temps à disposition un certain nombre de leviers qu’ils pouvaient actionner quand ils le souhaitaient (Baisse des taux d’intérêts, Quantitative Easing, Hausse des dépenses, Augmentation des normes, Privilèges pour les uns, Fardeau pour les autres), comme si les hommes n’étaient que des pions sur les échiquiers des puissants. Comme si toute réalisation faite par un « Grand » était vouée au succès ; il sera donc acclamé, récompensé par des éloges, et mis sur un piédestal, là où on dit d’un simple entrepreneur qu’il se fait l’artisan du matérialisme et du culte de la consommation, de la refonte de la raison humaine pour en faire une bête sans cerveau, il est donc calomnié et mis au pas par nos planificateurs adorés. Quel magnifique syndrome de Stockholm, n’est-il pas ?
La ligne Maginot n’a pas été construite par des imbéciles. Charles Gave
C’est le magnifique paradoxe de notre temps comme l’a décrit Ayn Rand : ceux qui permettent à tous de vivre, d’améliorer leur existence en innovant perpétuellement sont déclarés rebuts de la société. S’il y a du chômage, c’est de leur faute, pas à ceux qui ont essayé de disposer d’eux comme des pièces ! S’ils s’enfuient, ce ne sont que des traîtres à la nation ! S’ils restent, ce sont des exploiteurs et l’État crée tellement de lois à leur insu qu’il est plus dur pour eux que pour quiconque de ne pas être hors-la-loi.
Gouverner des hommes innocents est impossible. Le seul pouvoir d’un État, c’est de mettre les contrevenants hors d’état de nuire. Et quand il n’y a pas assez de contrevenants, on en fabrique. Il suffit de déclarer tellement de choses hors la loi qu’il devient impossible de vivre sans l’enfreindre. Ferris à Hank Rearden, Ayn Rand, La Grève (page 443)
Vous savez quelle est la plus petite minorité, dans notre pays, après l’individu ? Ce sont les hommes d’affaires, les entrepreneurs, les artisans, les commerçants (ceux qui ne bénéficient pas de la manne de l’État). Il est beau de dire, en notre temps, que nous défendons les minorités. Mais bizarrement dire que nous protégeons les deux plus petites d’entre elles est passé de mode.
L’entrepreneur, que fait-il ? Il crée des biens, des services, de la matière en somme. En quoi serait-il irremplaçable dans ce cas-là ? N’importe qui peut créer de la matière, et donc, autant que ce soit l’État qui s’en charge. L’URSS avait pour but de prodiguer profusion de biens, en quantités bien plus importantes que le permet le capitalisme. C’était en effet le but premier de l’URSS, planifier l’industrialisation du pays pour fournir des plaisirs égaux et malgré cela matériels à chacun de ses habitants, alors même que la famine était maîtresse en ces lieux froids. Mais pourquoi donc cela-a-t-il échoué ? Pourquoi toutes les plus grandes planifications, de l’Italie fasciste, de l’Allemagne nazie, et de la Russie communiste ont-elles échoué ? Car elles ont échoué. Si chacun avait effectivement un emploi, le sophisme de la vitre cassée nous rappelle que le niveau de vie de tous avait diminué et qu’encore moins de personnes pouvaient se nourrir convenablement (cf. Le Socialisme en chemise Brune, de Benoît Malbranque).
Le problème de la faillite morale de ces système est qu’ils étaient… matérialistes ! Étonnant n’est-ce-pas ? Mais qu’est-ce que le matérialisme (dans un sens plus philosophique) ? Ayn Rand nous le montre ici. Elle s’opposait à ceux qui négligeaient l’esprit ou la matière et ceux qui ne prenaient en compte qu’un seul de ces deux éléments, à savoir les matérialistes et les spiritualistes. La critique du matérialisme est une critique du communisme de l’URSS qui s’imaginait pouvoir réussir à enrichir ses habitants en mettant l’esprit en esclavage. La richesse est le produit de la capacité de l’homme à penser. L’URSS s’imaginait pouvoir enrichir ses habitants en se privant des hommes de raison et des entrepreneurs. Les tenants de la planification hier et ceux de la politique industrielle aujourd’hui s’imaginaient et s’imaginent pouvoir tout planifier car ils mésestiment le rôle de l’esprit de l’entrepreneur et de l’accumulation des milliards de connaissances que possèdent concomitamment tous les individus d’un pays.
La tâche curieuse de l’économie est de démontrer aux hommes à quel point ils connaissent vraiment mal ce qu’ils s’imaginent pouvoir planifier. Friedrich Hayek
et pourtant la planification est un composant essentiel du fonctionnement d’une entreprise. Un des paradoxes de la pensée libertarienne.
la pensée libertarienne n’a jamais voulu faire des hommes ce qu’ils ne sont pas. Elle prône le « laisser tranquille ».
A l’opposé de l’état (plutôt la bande de malfrats qui profitent de son pouvoir) qui prétend transformer les hommes en ce qu’ils ne sont pas grâce au monopole de la planification.
S’il y a un paradoxe, c’est bien dans votre tête.
non il a raison. la planification est un composant essentiel du fonctionnement de l’entreprise. le paradoxe existe lorsque l’on change d’échelle. par ailleurs, ce texte fonctionne malheureusement presque aussi bien à l’intérieur d’une (grosse) entreprise, ou les boss sont rarement les créateurs.
le laisser tranquille n’a aucune réalité biologique. elle n’est qu’utopie.
il y en aura toujours un qui ne laissera jamais les autres tranquille. et c’est vrai à toute échelle.
« le laisser tranquille n’a aucune réalité biologique. elle n’est qu’utopie. »
Puisque vous semblez vous y connaitre en réalité biologique du « laisser tranquille », il serait bien de commencer par vous emmerder vous-même et laisser les autres respirer les autres. Merci.
« le paradoxe existe lorsque l’on change d’échelle. »
Pas quand on change d’échelle : quand on change de but et de méthodes. L’échec soviétique a été de vouloir planifier la production par la contrainte pendant que les américains planifiait la rentabilité par la valeur personnelle.
Le paradoxe réside seulement dans la tête de ceux qui ignorent ce sur quoi ils tentent péniblement de disserter. Les entreprises existent parce que les coûts de transaction ne sont pas nuls et qu’elles sont utiles pour les réduire. En revanche, la planification centralisée par l’Etat agissant comme une entreprise unique (collectivisation) est définitivement une illusion car elle implique que toute l’information nécessaire serait disponible à coût nul.
http://www.wikiberal.org/wiki/Ronald_Coase
« Les tenants de la planification mésestiment le rôle de l’esprit de l’entrepreneur et les milliards de connaissances que possèdent tous les individus d’un pays. »
Je pense que les systèmes dirigistes ont en plus le défaut de mettre tous les leviers entre les mains de gens qui sont plus intéressés par le pouvoir que par la réalisation. En d’autres termes le résultat importe peu pour eux tant qu’ils conservent le pouvoir. Ils n’ont pas la fierté d’avoir réalisé quelque-chose et de l’avoir fait au mieux comme cela peut être le moteur de l’action d’un entrepreneur, d’un ingénieur, d’un artisan … Et cela fait toute la différence : à force de considérer et de traiter tout le monde comme des « exécutants », il n’y a plus de motivation nulle part. Le pouvoir remplace l’argent par des avantages mais pas la motivation.
Très beau billet.
Il y a également la notion de déresponsabilisation du peuple qui rime avec décérébration. Non seulement on ne prend pas attention aux qualités de l’individu mais en plus on le vide de son sens et de toutes initiatives.
C’est ce que je dis ci-dessus. Mais ce qui m’inquiète le plus c’est qu’en plus d’avoir multiplié les fonctionnaires comme des petits pains, le socialisme a par ses contraintes sur le travail propagé cette aberration au sein des entreprises.