Même si la France est maintenant turbolibérale (on le sait, on ne peut y échapper, c’est évident), au moins certaines institutions ne faillent pas à leur mission de résister, tous les jours un peu plus, à l’envahissement du pays par de nouvelles technologies et de nouveaux concepts qui risqueraient, s’ils n’étaient pas turborégulés comme il se doit, de mettre tout le vivrensemble de la Nation en péril.
Et si l’on sait déjà que Amazon, AirBnb et Uber sont sous le feu nourri des critiques tant ces sociétés attaquent la fabrique même de notre société libre, égalitaire et fraternelle, d’autres entreprises ne perdent rien pour attendre. C’est le cas, notamment, de Facebook et Twitter, qui ont été clairement désignés comme les prochaines cibles de la vindicte populaire.
En l’espèce, cette vindicte sera portée par TF1, M6, Canal+, France Télévisions ainsi que l’association de lutte contre la piraterie audiovisuelle. Ces vénérables institutions, réputées pour leur grande souplesse d’adaptation aux nouveaux paradigmes qu’internet aura introduits, ont décidé d’envoyer un courrier bien senti aux méchants dirigeants de Facebook et de Twitter pour dénoncer la mise en ligne de leurs contenus vidéos sans autorisation.
Que voulez-vous : il est parfaitement intolérable que ces réseaux sociaux commencent à faire de la publicité gratuite au matériel produit par ces chaînes de télévision, de même qu’il est insupportable pour ces télévisions de voir cette méthode gratuite de diffusion de leur marque, de leurs produits. Pensez-donc ! Des gens utilisent Facebook ou Twitter pour commenter, diffuser ou partager des contenus de ces chaînes ! Pour les chaînes, cela
« va inévitablement conduire à accroître les mises en ligne de vidéos illicites et en particulier contrefaisantes d’Å“uvres audiovisuelles, cinématographiques et de programmes télévisés. Nous constatons que nos contenus vidéos ont été mis en ligne sur Facebook sans notre autorisation et visionnés parfois plusieurs millions de fois »
Et non, ce n’est absolument pas la faute du Community Manager (l’équipe en charge du bon référencement des chaînes télé sur internet, et de la bonne diffusion de leurs messages et leurs contenus), pas du tout. Tout ceci est à l’évidence de l’entière responsabilité des réseaux sociaux (ou, dans une moindre mesure, de ces cancrelats d’utilisateurs qui ont le goût douteux d’être, trop peu souvent, des auditeurs de ces chaînes).
Bref, si jamais on laisse faire, ces chaînes vont finir par rattraper une partie de l’audience qui les fuyaient (les jeunes notamment) et ça, il n’en est pas question puisque leur but est, avant tout, de faire de l’argent sur le segment des vieux croûtons qui ne savent pas se servir d’un mulot et qui ne savent pas cliquer pour envoyer des e-mails. L’enjeu est d’importance en terme d’audience et de soussous dans la popoche, puisque d’après les petits calculs des chaînes « lésées »,
« Ces plateformes gagnent chaque jour de nouveaux vidéo-spectateurs, ce qui fait perdre de l’audience et des abonnés aux diffuseurs. Or, ce sont ces derniers qui participent au financement de la création et payent des impôts, pas Twitter ni Facebook »
Ah oui, les zimpôts, qui justifient à la fois de nombreux efforts pour tabasser ces deux entreprises, et à la fois l’embrigadement du ministricule de la Culture actuel (une certaine Fleur Pellerin selon mes informations). Il est vrai que l’autre argument – celui de la perte d’audience – n’est pas fort crédible lorsqu’on juxtapose avec les millions de vues des vidéos en question. Peut-être les télévisions sont-elles surtout confrontées à un changement profond de leur modèle d’affaires, qui s’accommode fort mal de la décentralisation complète des auditeurs, de la disparition des horaires fixes et prévus à l’avance ?
En tout cas, rien qu’une bonne bordée de procès et qu’une volée de lois spécifiques ne saura résoudre à court terme, parions-le !
Et si ça marche pour les vilains réseaux sociaux qui ne payent pas d’impôts en France, cela doit pouvoir fonctionner aussi pour ces autres plaies modernes que sont Booking.com, Expedia ou Hotels.com qui, comme chacun le sait, s’emploient à saboter méchamment le travail des agences de voyage et des hôteliers. C’est pourquoi en moins d’un mois, du Sénat à l’Autorité de la Concurrence, plusieurs décisions sont parties à l’assaut des scandaleux systèmes mis en place par ces plateformes.
Le principal défaut de ces abominables sites ?
« Ce qui pose problème, aujourd’hui, c’est que les différents services de réservations en ligne imposent des rabais aux hôtels »
C’est honteux : en fournissant une information standardisée, uniformisée et comparable, à un coût nul, à une masse grandissante de clients potentiels, ces plateformes ont autorisé une mise en concurrence inégalée de commerces qui, auparavant, ne l’étaient pas. Cette concurrence fait violemment baisser les prix, c’est … C’est … C’est intolérable !
Pire, comme l’explique Jean-Claude Lenoir, président de la commission des affaires économiques du Sénat,
« le fait est qu’aujourd’hui, si un hôtel ne se plie pas aux exigences du site de réservation, il peut en être rayé. »
ARgHh mais c’est horrible, ça ! C’est comme si Google refusait d’indexer un site sans raison ! Vite, il faut absolument imposer un cadre bien contraignant à ces plateformes ! Le Sénat et le Tribunal de Commerce de Paris vont donc lutter ardemment contre la mise en concurrence et les prix bas aux hôtels. Il en va du pouvoir d’achat des Français d’une question de souveraineté économique, pardi !
Décidément, tout doit y passer : souveraineté économique, méchante concurrence, égalitarisme outrancier, deux poids deux mesures, raisonnements bancals justifiant n’importe quel lobbyisme, toutes les excuses sont bonnes pour ces politiciens, ces juges, ces corporatistes afin de justifier le maintien, à tout prix, du statu quo.
Et il en sera de même lorsque ces petits maréchaux de pré-carrés devront trouver des raisons d’interdire ou « réguler à mort » les initiatives citoyennes indépendantes de tout échange financier (comme Nightswapping par exemple), ou lorsqu’il s’agira de faire absorber à la société française l’impact impliqué par le camion qui se conduit tout seul ou la voiture qui en fait autant.
Cependant, on doit se demander combien de temps sera perdu par ces freins crétins, ces corporatismes sclérosants ? Combien de vies ruinées (par l’utilisation habile du fisc comme bras armé d’une corporation) ? Combien de vies brisées (sur les routes, par exemple) que ce soit par ces comportements ou par ces interdictions ? Et surtout, comment expliquer que le Camp du bien, autoproclamé progressiste, se retrouve de nos jours systématiquement sur le chemin de ces innovations, qui sont pourtant le marqueur clair de progrès évidents ?
Qu’est devenue la France du progrès, de l’innovation ? Elle a bel et bien disparu, sclérosée par le choix, conscient ou non, d’une surprotection permanente de tout, au point de la couper de plus en plus du reste du monde.
Ces assauts ridicules contre ces sites, ces tentatives judiciaires contre les réseaux sociaux, ces luttes permanentes contre la disparition de l’intermédiation et ces néo-luddismes néfastes imposent tous la même conclusion.
Ce pays est foutu.
—-
Sur le web
Il suffit de voir la lutte absurde contre Uber. La Google Car n’est prête d’entrer à Paris. Il faut conserver le fromage pour les
sourisrats qui nous dirigent, plus de place pour les petites souris.J’allais dire : « Bah, ça reste des entreprises privées qui négocient avec d’autres entreprises privées, c’est un peu gros mais je ne vois pas où est la mal »
Puis j’ai lu : « Cc : Mme Fleur Pellerin, Ministre de la culture (sic) et de la Communication »
Et revoilà la pétition des fabricants de chandelles…
Tiens, mais j’y pense, le Vélib’ ne fait-il pas concurrence aux marchands de vélos ? (Aux dernières nouvelles chaque Vélib’ coûte 4000€ par année aux parisiens, le vélo en OR massif : ça c’est une innovation !)
Oui, mais le Vélib est dans le camp du bien !
En y réfléchissant, c’est la faillite qui est dans le camp du bien. La réussite est turbolibérale et dans le camp du mal. Il y a une fuite en avant des étatistes basée sur ce concept : tant qu’ils détiennent le pouvoir, il suffit d’adapter la sémantique. Le but du jeu est de montrer que la faillite inéluctable est la faute du camp du mal. On pourra ainsi justifier sans problème les mesures totalitaires pour réprimer les mécontents.
Il faut bien reconnaitre que si on ne leur apprend pas l’économie à l’ENA, on leur enseigne très bien l’exercice du pouvoir et ses méthodes tordues …
Courage ! Fuyons !
Malheureusement la vie est complexe.
Parmi ces innovations il y en a une ou deux ( Booking, Google) qui se placent en situation d’abus de position dominante…
Un monopole privé n’est pas meilleur qu’un monopole public .
Ce sont les USA qui ont créé les premières regles anti-monopole .
Ne dites pas de sottises et lisez les liens qui sont donnés dans les articles.
http://h16free.com/2015/04/24/38532-les-senateurs-soccupent-du-mechant-google-du-lol-sensuit
Cela faisait longtemps que je n’avais plus lu un article aussi revigorant !
Je vais me précipiter, après avoir bu, toutefois, une bonne tasse de café, pour lire votre site Internet.
En attendant, je vous remercie et je vous félicite.
merci 🙂
Vous confondez monopole et position dominante.
Le monopole est un privilège accordé par l’état.
La position dominante, hors capitalisme de connivence, c’est parce que vous êtes le meilleur.
Hussein Bolt en en position dominante : on lui colle 10kg sur le dos, on lui pète un genou ?
Il y a probablement de ses concurrents pour lesquels un handicap de 10kgs, même 20 tant qu’a faire, a lui infligé, la prendraient fort bien comme innovation dans les règles.
Hussein Bolt, le copain de Saddam Usain?
😀
Google et booking ne sont pas des monopoles, vous pouvez aller ailleurs.
Un monopole ne peut être qu’organisé par l’État, en aucune autre manière.
C’est comme parler du monopole de Windows quand il doit y avoir des dizaines d’OS différents.
Booking et Google ne sont clairement pas en situation de monopole (surtout Booking).
Les monopoles dans l’informatique n’ont pas besoin d’intervention pour ce dissoudre.
Prenons l’exemple d’Internet Explorer, qui était en situation de monopole il y a encore 6 ans, peu de mise a jour technique, beaucoup de faille, un mauvais rendu de la part du moteur et une forte fragmentation à suffit à le faire tomber.
Penon le cas de Google, l’affaire Snowden et le choix de Yahoo comme moteur de recherche par défaut dans Firefox on fait que la parts de marché de Google au Etats Unis est à son plus bas depuis 2008 ! (http://www.01net.com/editorial/640345/moteur-de-recherche-google-perd-des-parts-de-marche-aux-etats-unis/)
De nombreux « petit » moteur de recherche se démarque (notamment DuckDuckGo)
Microsoft aussi était en quasi monopole (avec Windows), mais on voit très bien aujourd’hui que ses parts de marché s’effrite (au profit d’Apple mais surtout des tablettes)
Myspace avait le monopole des réseaux sociaux, regarde ce qu’il est devenu.
Pareil pour Facebook, dont les parts de marché se font manger par Twitter
Dans un milieux avec autant d’innovations il ne peut pas y avoir de monopole immuable, il suffit de louper un tout petit coche technique et tes parts de marché fonde comme neige au soleil.
Vous confondez sans doute monopole et duopole, voire oligopole qui devraient correspondre à la réalité.
Au passage, excellent article. J’ait toujours du plaisir à les lire. Merci.
Au lieu de dire (façon communiste) il faut qu’ils payent 35% d’impôts(et plus avec diverses taxes..) comme les autres, demandons tous à ne payer que 5% (ou moins !) comme eux.
On peut vivre sans booking : essayez Venere
Google n’est pas une obligation : il y a .Bing ou .yahoo
pour explorer : Firefox, Safari.