Par Valérie d’Emploi 2017.
Par nouvelles technologies, il faut entendre ici le domaine de ceux qui les fabriquent comme les fabricants d’ordinateurs ou les centres de recherche médicales, mais pas le domaine de ceux, plus traditionnels comme la distribution, qui les utilisent ou sont transformés par le numérique. Le propos qui suit ne vise pas les créations d’emplois dans les secteurs révolutionnés par le numérique. Sait-on que le numérique, ou plus généralement le high-tech, subit une décrue soutenue outre-Atlantique ? La France qui suit toujours les États-Unis est-elle à l’abri ?
Nous savons que les entreprises productrices de technologies de l’information et de la communication représentent une faible fraction des créations d’emplois.
Pourtant, porté par le spectaculaire succès des nouvelles technologies dans les années 1990, le gouvernement français croit y trouver un remède pour le redressement de l’économie et la résolution du chômage.
Proposées tout d’abord par Arnaud Montebourg dans le cadre de ses 34 plans de « reconquête industrielle » en 2013, les nouvelles technologies restent un élément phare de tout nouveau programme de 9 marchés prioritaires pour « l’industrie du futur », annoncé en grande pompe par son successeur à Bercy.
Mais de nombreuses études révèlent que si le secteur des nouvelles technologies parait extraordinairement différent du reste de l’économie, et que l’on y voyait une nouvelle révolution industrielle, ce n’est plus le cas depuis une bonne dizaine d’années.
Après un très fort dynamisme jusqu’en 2002, les nouvelles technologies sont entrées dans une phase de stagnation. Les start-ups d’hier commencent à mûrir et ne montrent plus le même potentiel qu’autrefois.
La Kauffman Foundation, une fondation américaine qui suivit de près les créations et les disparitions d’entreprises et d’emplois aux États-Unis, s’intéresse très fortement au secteur du high-tech1 et a publié un rapport très inquiétant2 sur le potentiel de ce secteur.
Forte ascension et chute remarquable après la bulle
Jusqu’en 2002, le secteur du high-tech affichait chaque année un taux de création d’emplois de 16 à 20% de tous les emplois, nettement supérieur au taux de destruction, compris entre 10 et 15%.
La bulle technologique a renversé la situation. Les destructions d’emplois ont grimpé à 27% au cours de l’année 2002, alors que les créations sont restées faibles, ce qui a abouti à un solde net négatif pour plusieurs années à venir.
En 2011, la dernière année pour laquelle les données sont disponibles dans la base de la Business Dynamics Statistics du Census Bureau américain, le taux de création d’emplois dans le high-tech était seulement de 10%, alors que le taux de destruction était de 13%, soit une perte annuelle de 3% de l’emploi total par ce secteur.
Mais ce qui a été le plus marquant après la bulle technologique, c’est la perte de dynamisme dans le secteur du high-tech à partir de l’année 2002. La turbulence dans le secteur, définie ici comme la somme des taux de création et de destruction d’emplois (reallocation rate en anglais), a fortement chuté sur la période entre 2002 et 2011, passant de 33 à 28%.
La turbulence dans le secteur du high-tech a été constamment à la hausse depuis 1978, contrairement à l’ensemble de l’économie en ralentissement permanent. Cette tendance a changé depuis 2002 avec la baisse de la turbulence du high-tech et un taux de ralentissement même supérieur à celui de l’ensemble de l’économie.
Disparition des jeunes entreprises
Le taux d’entrepreneuriat dans le secteur du high-tech a été très impressionnant au cours des quelques dernières décennies. En outre, les entreprises âgées de moins de 5 ans créaient en moyenne deux fois plus d’emplois dans ce secteur que toutes les jeunes entreprises dans leur ensemble. Ceci était une bonne confirmation du fait que les jeunes entreprises sont particulièrement importantes [Seules les entreprises nouvelles créent des emplois – IRDEME] par leur capacité à créer les emplois.
Le nombre de créations d’entreprises dans le high-tech a été en forte hausse entre 1982 et 2002, en passant de 45.000 à 115.000 créations par an. Mais les créations ont chuté après la bulle technologique à près de 80.000 entreprises créées par an, en lien avec le déclin de l’entrepreneuriat américain.
Alors que la baisse des créations d’entreprises dans le high-tech continue, le taux de jeunes entreprises dans ce secteur ne cesse de chuter lui aussi.
Au début des années 1980, les entreprises âgées de moins de 5 ans représentaient près de 60% de toutes les entreprises dans le secteur du high-tech. Leur part n’a cessé de baisser dans le temps, suite à la maturation des entreprises existantes, mais aussi suite à la chute dramatique après la bulle technologique. En 2012, les jeunes entreprises dans le high-tech représentaient seulement 38% de toutes les entreprises du secteur et leur taux était revenu au taux des jeunes entreprises pour l’ensemble de l’économie.
Pour les auteurs du rapport de la Kauffman Foundation, la stagnation du secteur des nouvelles technologies semble inquiétante. Traditionnellement perçu comme fortement créateur d’emplois, ce secteur ne contribue plus autant qu’autrefois dans l’emploi total et est probablement fortement lié au ralentissement général de l’économie américaine.
C’est pourquoi nous restons sceptiques sur les initiatives de l’État dans le financement d’entreprises créatrices des nouvelles technologies en France. Avec 1,5 milliard d’euros distribués par les agences publiques depuis 2013 pour soutenir quelques centaines de projets dans le numérique, ce qui constituait près de la moitié de l’investissement total de 3,7 milliards du numérique, le gouvernement crée encore une fois une illusion de reprise et une défense artificielle contre le chômage. À cela s’ajoutent 3,4 milliards d’euros qui vont être distribués au titre d’investissements d’avenir, notamment dans le secteur des nouvelles technologies.
Annexe
C’est d’autant plus étrange que tout le monde nous raconte que l’emploi est abondant dans le numérique.
L’emploi est forcément abondant dans les secteurs qui ne parviennent pas à recruter, soit parce que les conditions de travail sont difficiles, soit parce que les compétences sont rares. Ce qui est stupide c’est d’y voir un eldorado pour résorber le chômage – ce n’est pas parce que les emplois ne sont pas pourvus qu’on va caser un million de chômeurs !
Par ailleurs ce n’est pas par la formation (les compétences recherchées changent constamment), la subvention ou des agences pour l’emploi qu’on va résoudre le problème. En revanche on pourra remarquer que ces emplois sont pour la plupart liés au « service » et se demander si la notion de service n’est pas de plus en plus incompatible avec la législation sur le travail.
Quand on paye pour un service, c’est pour être totalement déchargé d’un problème, avoir un interlocuteur unique et pas pour être soi-même au service de « fonctionnaires » ou pire d’une mini-administration. Et la législation transforme tous les salariés en fonctionnaires et les entreprises de services en administration en imposant horaires, durée du travail, normes, paperasserie, moyens de transports, salaires, garantie de l’emploi, représentation des salariés …
Effectivement les réglementations tout comme les charges sont des obstacles artificiels et donc à réduire au maximum.
Le secteur IT n’est pas comparable au reste de l’industrie : la productivité peut y être gigantesque : plusieurs millions de $ voir centaine de millions de $ par employé ou absolument ridicule, voire négative pour les startups en phase d’amorçage.
De plus l’influence sur l’emploi par l’usage des nouvelles technologies est largement plus important que la création des solutions numériques elles mêmes : robotisation, automatisation qui tendent à réduire les emplois – diversification, simplification des échanges qui tendent à en créer.