Pourquoi le taux d’entrepreneuriat est-il différent d’un pays à l’autre ? Sur les 100 plus grandes entreprises cotées aux États-Unis, 31 sont nées après-guerre. En Europe, seulement 7 sur 100.
Par Valérie d’Emploi 2017.
Ces entreprises ont créé plus de quatre millions d’emplois aux États-Unis, alors que celles en Europe en ont créé à peine un million. Comme autre mesure de l’entrepreneuriat, on peut également prendre le classement des 500 plus grandes entreprises dans le monde publié par le Financial Times. Parmi les entreprises américaines, 29% ont été créées après 1950. En Europe, par comparaison, il y en avait seulement 8%.
L’économiste autrichien Joseph Schumpeter a défini l’entrepreneur comme innovateur et propulseur de changement. Le rôle économique de l’entrepreneur est de diriger la société d’un équilibre – où les choses sont stables mais aussi stagnantes – à l’autre.
L’entrepreneur contribue à la croissance en créant de nouvelles entreprises et de nouveaux produits. Schumpeter a fait également remarquer que l’entrepreneur peut mettre en danger des entreprises existantes. On parle ainsi de la « destruction créatrice » quand les routines économiques existantes sont déstabilisées et remplacées ensuite par de nouveaux mécanismes plus avancés.
Steve Jobs était à l’origine de la « destruction créatrice » probablement la plus forte sur la planète depuis les vingt dernières années. Pensez à ceux qui travaillaient dans la production des baladeurs portables ou dans l’industrie du disque au moment de l’arrivée de l’iPod, ou à ceux qui fabriquaient les téléphones portables à clapet au moment du lancement de l’iPhone. Et on ne sait toujours pas ce qui va arriver aux producteurs d’ordinateurs portables avec la révolution qu’est en train d’annoncer l’iPad. Steve Jobs tout seul a détruit plusieurs centaines de milliers d’emplois dans le monde, largement plus que ce qu’il a créé avec Apple ou Pixar. Regrettons-nous ces destructions ? Absolument pas, puisqu’il s’agit du progrès technique et de l’avancement de l’économie.
Mais les entrepreneurs sont pratiquement absents des statistiques officielles et des études scientifiques. Les organismes statistiques nous parlent plus souvent des travailleurs indépendants qui sont plus faciles à dénombrer. Même s’il y a une certaine proximité entre les deux, du fait des revenus mensuels non garantis qui dépendent fortement des efforts appliqués, les entrepreneurs sont une classe à part. L’ambition d’innover, de grandir et de transformer notre quotidien par ces inventions est ce qui caractérise véritablement l’entrepreneur, mais ceci échappe à tout rapport officiel ou au projet de réforme.
Les deux frères économistes suédois Tino Sanandaji et Nima Sanandaji se penchent sur pourquoi le nombre d’entrepreneurs est différent d’un pays à l’autre1. Ils prennent comme base le classement Forbes de personnes ayant au moins 1 milliard de dollars en fortune et distinguent ceux qui ont construit cette fortune par l’entrepreneuriat. Ils les appellent les « super entrepreneurs » pour leur capacité d’impact sur la création de la richesse et de l’emploi.
Le résultat fondamental de leur étude est que dans les pays capitalistes les personnes les plus riches ont tendance à construire leur richesse par la création d’entreprise plutôt que par l’héritage ou par l’appropriation illégitime. C’est là que les différences entre l’Amérique et les pays européens sont importantes.
En Europe de l’Ouest, 42% des milliardaires sont les entrepreneurs de la première génération, les autres étant principalement des héritiers. Aux États-Unis, les milliardaires entrepreneurs de la première génération représentent 70%. Dans les pays comme la Chine qui vient de s’ouvrir récemment au capitalisme, pratiquement tous les milliardaires sont des entrepreneurs qui se sont construits par eux-mêmes. Cela signifie que le rêve américain est toujours d’actualité et qu’il est tout à fait possible d’atteindre le sommet grâce à l’excellence, au génie, et au hasard.
Le taux de « super entrepreneurs » varie beaucoup d’un pays à l’autre. Hong Kong affiche le taux le plus élevé avec 3 « super entrepreneurs » par million d’habitants, soit 3 milliardaires ayant construit leur fortune grâce à l’entrepreneuriat. Il est suivi par Israël avec 2 « super entrepreneurs » pour un million d’habitants. Ensuite viennent les États-Unis, la Suisse et Singapour.
Si l’on compare les grands pays, les différences sont aussi remarquables. Les États-Unis sont ainsi quatre fois plus favorables à l’entrepreneuriat que les pays d’Europe occidentale, et trois fois plus que le Japon. Cela reste vrai si l’on regarde l’importance de « super entrepreneurs » dans la population, le profil des créateurs de grandes entreprises nationales, ou le taux d’investissement dans l’économie.
Une des raisons fondamentales du nombre différent d’entrepreneurs entre les pays sont les impôts et les taxes. Nombreux sont ceux qui se lancent en espérant gagner ce prix formidable qui est le succès entrepreneurial, mais peu sont ceux qui réussissent. Les impôts et les taxes diminuent la valeur de ce prix, ce qui conduit à un nombre moins important de ceux qui tentent leur chance et prennent des risques pour devenir entrepreneur. L’espérance mathématique des gains n’étant plus la même, un investissement rentable autrefois peut devenir non rentable.
Plusieurs études démontrent que les entrepreneurs réagissent davantage à la hausse des impôts que les salariés et diminuent leurs efforts de manière plus significative. L’étude des frères Sanandaji confirme elle aussi cette conclusion et trouve un lien direct entre l’impôt sur les sociétés et le taux de « super entrepreneurs ». Les pays avec des taux d’impôt sur les sociétés les plus élevés sont ceux qui comptent le moins d’entrepreneurs.
- Sanandaji, T. & N. Sanandaji, « SuperEntrepreneurs, and How Your Country Can Get Them », Centre for Policy Studies, London, 2014. ↩
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