Par Alexis Constant.
Le pot de terre contre le pot de fer : la majorité des aides publiques profite principalement à de grosses sociétés qui font leurs bénéfices à l’étranger, et non aux très petites entreprises de moins de 10 salariés qui représentent 95% des entreprises en France. Selon une étude du cabinet d’audit financier Ernst & Young réalisée en 2013, 62 % des entreprises interrogées par le cabinet britannique déclarent avoir déjà obtenu une aide publique, cette moyenne tombe à moins de 40 % dans le cas des petites entreprises et des TPE.
Pas de subventions, mais des impôts : les PME/TPE sont taxées au maximum, en moyenne à 32 % contre 26,1 % pour les grandes entreprises à qui les milliards d’aides récupérés, et des réductions de cotisations, permettent d’alléger leur impôt sur les sociétés. À 38 %, celui-ci est du reste le plus élevé d’Europe, loin devant celui de l’Allemagne (30,2 %) ou encore de la Grande-Bretagne (21 %).
Si les petites entreprises ne parviennent pas à profiter des trous que l’État creuse dans le gruyère fiscal, c’est en raison de la multiplicité des dispositifs, plus de 6000. Pour s’y repérer, les grands groupes recrutent des « chasseurs de primes » ou font appel à des cabinets spécialisés. Ils identifient les portes auxquelles il faut aller frapper. Ce type de démarche est au-dessus des moyens de PME dirigées par des chefs d’entreprises trop accaparés par leur activité pour avoir le temps de s’adonner à ce jeu de piste. Le mécanisme du CICE est d’ailleurs jugé trop complexe par les entreprises de moins de 100 salariés.
Selon une étude de la FCGA (Fédération des centres de gestion agréés) réalisée en 2015, à peine 25 % des dirigeants de TPE déclaraient avoir bénéficié du CICE en 2014. De son côté l’Observatoire de la performance des PME/ETI indique que près de 4 entreprises sur 10 n’utilisent pas ce dispositif, jugé opaque. Les PME sont également déshéritées lorsqu’il s’agit de solliciter des aides à l’échelon européen. Selon une enquête réalisée pour la DATAR (Délégation à l’aménagement du territoire et à l’action régionale) en 2011, 79 % des dirigeants de TPE-PME se déclarent mal informés sur les démarches qui leur permettraient de profiter d’un coup de pouce communautaire.
Du coup, c’est dans la besace des grandes sociétés que tombe la plus grosse partie des aides européennes ou nationales, comme le prouve l’exemple du CICE. Olivier Passet, analyste à l’institut d’études économiques Xerfi, estime que cette situation est logique, car ce mécanisme a été élaboré pour les grands paquebots de l’économie française, publics ou privés.
Depuis 2013, les petites entreprises disposent pourtant d’un guichet où s’adresser en priorité pour obtenir des aides à l’investissement : Bpifrance, la banque publique d’investissement qui regroupe Oséo, le Fonds stratégique d’investissement (FSI) et CDC Entreprises, une filiale de la Caisse des dépôts. À son catalogue, on trouve, par exemple, une aide à la création d’entreprise innovante (30 000 euros), une aide au partenariat technologique (50 000 euros) ou encore des bourses « French Tech », pour le financement d’innovations technologiques (30 000 euros). Cette panoplie de subventions coûte cher aux contribuables. En 2013, Bpifrance a dépensé 747 millions d’euros pour financer l’innovation dans l’entreprise, dont 634 millions de subventions et avances remboursables. À cette somme s’ajoutent 113 millions de prêts.
Des aides boudées par les PME du secteur automobile
Ces aides sont-elles efficaces ? Non, lorsqu’il s’agit de venir à la rescousse des équipementiers automobiles. L’année dernière, Emmanuel Macron, le ministre de l’Économie, a laissé entendre qu’il allait enterrer le fonds sectoriel de 650 millions d’euros dédié à ce secteur. Mal conçu, il a été boudé par ceux qu’il devait aider, les PME n’ayant, par exemple, aucune envie de voir l’État et les constructeurs automobiles faire une razzia sur leur capital !
Au pactole distribué par Bpifrance se superposent les aides versées par les communes, les départements, les régions, les chambres de commerce et d’industrie (CCI), les opérateurs d’État… Au total, des dizaines de milliards consumés en vain. Quelle que soit leur origine, ces aides sont jugées peu adaptées aux besoins des petites entreprises. Selon le cabinet Ernst & Young, plus de 70 % d’entre elles estiment que les aides qui leur ont été versées sont « peu », voire « pas », efficaces. C’est le flop, notamment, pour les aides à l’éco-développement, ce qui prouve, n’en déplaise au lobby vert, que l’écologie ne se décrète pas.
- «Le grand scandale des aides aux entreprises», Les Enquêtes du contribuable d’avril/mai 2015. Numéro disponible sur notre boutique en ligne. (3,50 €€).Â
—
des aides ou une redistribution inéquitable ?
peut-on appeler cela une aide de prendre beaucoup aux entreprises pour en redonner un peu ?
c’est justement ce que je me demandais…
elles nous coutent 110 milliards, ou elles nous rapportent 110 milliards de moins ?
On leur prend depuis 3 ans, ce que l’on dit qu’on va leur redistribuer (en fait, plus de 67% se sont envolés dans les vases communicants de notre comptabilité nationale très particulière).
Est-ce bien nouveau. Le microcosme de Barre n’a jamais disparu .Pas question de partager la manne avec des manants. Pourtant ce sont eux qui sont à même de le faire