Des diagnostics immobiliers comme s’il en pleuvait !

Le marché du diagnostic pour l’immobilier se porte à merveille.

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Des diagnostics immobiliers comme s’il en pleuvait !

Publié le 21 juin 2015
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Le marché du diagnostic pour l’immobilier, créé de toutes pièces en 1996 et alimenté depuis par les nouvelles obligations imposées à une cadence infernale, se porte à merveille.

Par Nafy Nathalie

Façades d'immeubles à Paris -  Luc Legay - cc by sa 2.0
Façades d’immeubles à Paris – Luc Legay – cc by sa 2.0

 

La loi ALUR renforce les obligations d’information en matière de location en leur étendant notamment l’obligation du diagnostic gaz déjà en vigueur pour les ventes.

Le décret d’application paru le 29 mai dernier permet quelques pronostics sur le chiffre d’affaire que va générer la simple extension aux locations d’un diagnostic gaz, avec 1,4 million de locations par an (35% des logements en estimation basse sont concernés), soit 490 000 diagnostics supplémentaires à réaliser. Posons comme base de facturation 50 euros TTC le diagnostic ; en un an, avec cette simple obligation, ce sont au minimum 24 millions d’euros TTC supplémentaires pour les diagnostiqueurs.

Ceci laisse pensif étant donné la multiplication hallucinante des diagnostics en 20 ans. La naissance du diagnostic immobilier est souvent fixée à 1996, mais en réalité, il existait avant des obligations locales et ponctuelles relatives aux termites et xylophages, prises dans le cadre de 7 arrêtés préfectoraux et 27 arrêtés municipaux.

Le scandale sur l’amiante commence à éclater en 1995. L’année 1996 est décisive : l’INSERM indique que l’amiante pourrait faire 100.000 morts d’ici 2025 et que des informations judiciaires commencent à s’ouvrir. Bien que la situation s’apparente pour certains de nos politiques à un « phénomène de psychose collective », les autorités décident de prendre des mesures fortes pour marquer leur volonté de protéger les consommateurs et masquer leur inertie passée.

L’inflation des obligations de diagnostics : une histoire qui s’accélère

En 1996 commence ainsi une spirale stupéfiante dont on ne voit pas bien comment elle pourrait prendre fin puisqu’on se retrouve avec le paradoxe d’avoir inventé une profession, celle de diagnostiqueur immobilier, dont il faut alimenter régulièrement l’activité. L’historique de la mise en place des principaux diagnostics parle de lui-même :

  • Année 1996 : risque amiante et introduction de la notion de diagnostic réalisé par des professionnels.
  • Année 1997 : loi Carrez
  • Année 1998 : saturnisme dit ERAP
  • Année 1999 : état parasitaire (termites)
  • Année 2000 : diagnostic technique de mise en copropriété
  • Année 2001 : plomb dans l’eau
  • Année 2002 : DTA qui renforce le risque amiante de 1996 ;  validité illimitée pour immeuble avant le 1er juillet 1997. Apparition du diagnostic pour le logement décent conseillé mais non obligatoire.
  • Année 2003 : état des risques naturels et technologiques (ERNT) ;  validité de 6 mois dans les zones couvertes par un plan. Apparition de la sécurité Piscine.
  • Année 2004 : l’ANPE commence à faire former des diagnostiqueurs. Ascenseurs avec le contrôle quinquennal.
  • Année 2005 : professionnalisation de l’activité de diagnostiqueurs avec création d’une certification. Création du Dossier Diagnostic Technique (DDT)
  • Année 2006 : avalanche de diagnostics dont certains remplacent les anciens, obligeant parfois les propriétaires à les refaire. L’ERAP est remplacé par le « constat de risque d’exposition au plomb » (CREP) (validité d’un an pour les immeubles construits avant le 1er janvier 1949 si le constat est positif). L’état parasitaire devient un « état relatif à la présence de termites dans le bâtiment », avec une validité de 6 mois dans les zones à risques. Apparaît le diagnostic de performance énergétique et l’état de l’installation intérieure de gaz, avec validité de 10 ans pour les immeubles équipés d’une installation de chauffage. Le marché du diagnostic a été stimulé par la multiplication de la réglementation. Il a ainsi progressé entre début 2005 et fin 2006 de 30% en valeur.
  • Année 2007 : diagnostic gaz (validité de 3 ans pour les installations de plus de 15 ans). Extension du DPE au locatif. Le marché du diagnostic est alors évalué à 360 millions d’euros.
  • Année 2008 : extension du CREP au locatif. Diagnostic électricité, avec validité de 3 ans pour les installations de plus de 15 ans. Le marché du diagnostic augmente, « curieusement » d’environ 15% en 2008.
  • Année 2010 : loi Grenelle 2 ; introduction de nombreuses mesures impactant le diagnostic immobilier et notamment le DPE.
  • Année 2011 : diagnostic installations d’Assainissement Non Collectif avec une validité de 8 ans. Apparition du certificat de superficie valeur locative qui est conseillé mais non obligatoire. Le marché du diagnostic est alors évalué à 404 millions d’euros.
  • Année 2012 : RT 2012 ou infiltrométrie ; DAPP : dossier amiante parties privatives ; DPE dans les centres commerciaux et pour les immeubles de moins de 50 lots.
  • Année 2013 : la limite de plomb dans l’eau est abaissée de 25 à 10 μg par litre. À cette date, 4000 entreprises proposent du diagnostic.
  • Année 2014 : état de l’installation intérieure d’électricité et de gaz pour la location
  • Année 2015 : certification professionnelle intitulée « Expert en efficacité énergétique des bâtiments »

De nouveaux diagnostics (radon, champs électromagnétiques, résistance incendie) viendront certainement allonger cette liste déjà étourdissante et cette logique poussée au paroxysme conduit à la création d’une sorte de contrôle technique de l’habitat. Par une question écrite publiée le 24 février 2015, le député UMP Alain Marleix a d’ailleurs amené le sujet de la création d’un diagnostic unique de performance environnementale. Cette question reprise par le sénateur UMP François Commeinhes, à l’intention de Sylvia Pinel, ministre du Logement, reste pour le moment en suspens.

Il s’agirait d’étendre les obligations d’information déjà existantes au bénéfice de l’État afin de permettre la constitution d’une sorte de « carnet de santé environnementale » et d’intégrer le tout à une base de données libre d’accès, via internet, pour des motifs officiels de sécurité juridique, d’impératif d’économie de l’espace et de simplicité.

L’État toujours plus impliqué?

Les conséquences de l’introduction d’une obligation de transmission d’information vis-à-vis de l’État ne sont pas évoquées mais ne sont pourtant pas à négliger. En effet, informé, celui-ci pourra sans difficulté :

  • Surveiller la bonne réalisation des diagnostics qui manquent à sa base

Actuellement, le propriétaire a des obligations d’information qu’il réalise, ou pas. S’il ne les réalise pas ou mal, le bénéficiaire (locataire ou vendeur) peut l’attaquer (vice caché, diminution du prix, annulation de la vente, dommages et intérêts…) sur la base du dol ou d’un manquement au devoir d’information. En réalité les bénéficiaires attaquent peu par manque d’envie, de temps, d’argent ou de compréhension des diagnostics et des droits/obligations qui en découlent. Les propriétaires font ou ne font pas les diagnostics imposés. Une fois informé, rien n’empêchera l’État de sanctionner les propriétaires récalcitrants.

  • Étendre la bonne réalisation des travaux pour remédier aux risques signalés

L’exemple du CREP en copropriété est édifiant : l’obligation de transmission d’information à l’État a eu consécutivement un coût énorme parce que la présence de plomb accessible dans les revêtements est assortie d’une obligation de sa suppression, ce qui signifie le ravalement intérieur des immeubles.

La multiplication des diagnostics a un coût qui n’est pas négligeable pour le propriétaire, rarement milliardaire, qui le répercute au moment de la vente ou sur les loyers, ce qui joue en défaveur des populations qui faisaient le plus souvent l’objet de ces protections. Obliger à leur réalisation et à des travaux sera plus que contreproductif pour une reprise du marché de la transaction immobilière (peur des obligations travaux découlant des diagnostics) et un retour à des prix raisonnables des loyers (prix des diagnostics et travaux répercutés sur locataires).

En outre, on doit s’interroger sur leur qualité : selon des rapports de la DGCCRF, le taux d’anomalies serait supérieur à 50%, l’indépendance des diagnostiqueurs vis-à-vis des donneurs d’ordre (particulier, professionnels immobiliers, notaires) difficile, la compétence douteuse et la formation insuffisante malgré un renforcement de leurs obligations (certification, assurance, indépendance et impartialité, rédaction d’attestation) et sanctions. Par exemple, on imagine facilement, considérant le prix du m2 et la marge d’erreur de 5% permise par la loi Carrez sur le calcul d’une superficie, un vendeur demander au diagnostiqueur une mesure haute incluant ces 5%.

Un marché inventé par l’État

Mais la réalité est là : en 1996 l’État a créé une profession nouvelle sur la base d’une obligation ponctuelle, l’amiante. Une fois l’amiante du parc immobilier diagnostiquée, tous les professionnels de ce secteur allait se retrouver chez Pôle Emploi. Il a donc fallu alimenter leur activité à coups de lois et de nouvelles réglementations diverses, dans une spirale sans fin. Le « carnet de santé environnementale » s’inscrit dans ce cadre-là.

La prolifération des obligations pour maintenir ce secteur d’emploi inventé par l’État, alimenté par notre argent, semble aussi infinie que notre complaisance à nous faire racketter. Plus de 33,9 millions de logements en France sont concernés, auxquels s’ajouteront les commerces, les terrains, les monuments, etc. Sur les sites spécialisés, les diagnostiqueurs se frottent les mains devant leurs perspectives. Infodiagnostiqueur.com, qui est une référence, indique qu’en 2015 « 6.600 techniciens pour 4.900 entreprises et le chiffre d’affaires national de la profession devrait s’établir autour de 460 millions d’euros en 2015 (en croissance de 10% par rapport à 2014). »

Merci l’État ! Les poches du contribuable sont de plus en plus vides et il n’arrive plus à répondre aux nouvelles réglementations. Tout va bien puisque le diagnostic reste un secteur en pleine expansion et peu importe finalement si, dans un article publié le 13 mai 2015, on apprend que 55% de ses entreprises n’embaucheront même pas…

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  • Bien des personnes de plus de 50 ans inscrites à Pôle Emploi se sont vues proposer une formation de diagnostiqueur… En plus, cela permet de prélever de la TVA. Voilà comment en France on résout les problèmes. Je ne suis pas économiste, mais si l’on soustrait du PIB le PIB non marchand et le PIB inutile, le résultat doit traduire l’effarante vérité: un pays en plein dévissage économique.

  • vous avez oublié un truc , la vérification des fosses sceptiques, si si , c’est obligatoire et régulier même si cette vidange a été faite la veille.. ça sert strictement a rien mais , faut bien faire vivre le service des eaux et utiliser les diplômés !.

  • Je croyais que l’étude d’impact était devenu obligatoire pour tout projet de loi.

    Quel est l’impact positif en terme de santé de toutes ces obligations? Est-il significativement statistiquement différent de 0?

    • Avatar
      Nafy-Nathalie Diop
      21 juin 2015 at 20 h 32 min

      La circulaire ayant défini les études d’impact obligatoires avant une loi date du 18 février 2011.
      Je vous laisse vérifier mais je crois bien que :
      – les diag ANC, RT 2012 : loi avant obligation impact
      – le certificat de superficie valeur locative : dépend d’une loi des finances donc hors impact
      – les DAPP, DPE, limite plomb étendus sont hors impact
      – état de l’installation intérieure d’électricité et de gaz pour la location : décret pour loi 89 donc hors impact

      J’avais fait des recherches au moment de la rédaction de l’article mais je n’avais rien trouvé de concluant. J’ai peut-être mal cherché mais, en même temps, je ne vois pas bien comment on aurait pu faire des études d’impact justes puisqu’il n’y avait justement ni obligation donc rien sur quoi s’appuyer avant et que les données recueillies par les diagnostics sont, de l’avis de tous, absolument pas fiables.

      Si vous trouvez quelque chose, je suis preneuse de vos informations.

      • Ah oui, il suffit de passer par les décrets pour contourner cette obligation formelle d’étude d’impact préalable (formelle car dépourvue de garantie de non-GIGO). En fait, le décret c’est magique! On peut voter des lois trop vagues et ininterprétables (comme l’obligation de sécurisation de la HADOPI) et prétendre que le décret viendra préciser la loi, après le décret ne précise rien mais le CC a déjà statué sur la loi elle-même! Le principe même du décret me semble terriblement anti-démocratique.

        Donc en fait, le principe général de l’étude d’impact n’est même pas une obligation formelle.

        Il n’y a donc pas de diagnostic obligatoire pour l’action du gouvernement.

  • Il ne faut aussi pas oublier une chose…de tels marchés inventés de toute pièce par l’Etat fonctionnent jusqu’à un certain point.
    En effet aujourd’hui la multiplication des normes bloque le nombre de transactions, et donc le nombre de diagnostics à faire…

    Pour cette raison que le marché du diagnostic n’est aujourd’hui plus si florissant que cela, malgré la multitude de réglementations.

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