Par Benoît Rittaud.
Après la belle semaine de désignation du champion de printemps, qui s’est révélée être une championne en la personne de Najat Vallaud-Belkacem, place au championnat d’été de la propagande climatique, qui démarre sous les meilleurs auspices.
Il était pressenti que la date de publication de l’encyclique sur l’écologie et le réchauffement climatique serait celle où le pape ferait son entrée dans le climathon. C’est chose faite. Avec l’encyclique Laudato Si’, le pape François s’arroge le titre de vainqueur de la semaine 25 pour cette pièce de propagande d’un genre nouveau, dont l’exégèse a plongé le jury dans une consternation proprement mystique.
Laudato Si raconte l’histoire d’une Église si déboussolée qu’elle en vient à endosser les habits de la religion climatique concurrente. Confondant joyeusement la pollution avec les émissions de gaz satanique carbonique (ce dernier est même dit « hautement polluant »), n’esquivant aucune facilité sur la hausse du niveau des mers, la chute de la biodiversité, la culpabilité des riches et autres critiques politiques économiques religieuses, le pape vient d’inventer l’infaillibilité climatique du GIEC. Il sera difficile d’aller plus haut.
Le pape s’est aussi montré malin : sachant pertinemment combien le jury est sensible à l’évocation de peurs exponentielles, il en a consciencieusement mis une louche dans ce registre, évoquant « l’accélération continuelle des changements de l’humanité et de la planète ». (Par souci déontologique, le jury souhaite toutefois faire savoir aux candidats des semaines à venir que ce qui était considéré jusque là comme un plus pourrait bien être désormais regardé comme une manière trop facile de s’attirer ses bonnes grâces.)
Beaux joueurs, tous les médias convenables, ayant aussitôt compris qui serait le vainqueur de la semaine, ont applaudi à ce morceau de bravoure tout droit venu du représentant de Dieu sur terre.
Les accessits de la semaine
Il arrive que la pression du Climathon soit trop forte. L’on se souvient notamment du gros passage à vide de Laurence Tubiana lors de la semaine 15. Cette fois-ci, c’est Ségolène Royal qui a fait les frais d’une compétition au niveau si relevé que la moindre erreur se paye cash.
La ministre française de l’Écologie avait pourtant réalisé un exploit foudroyant en affirmant jeudi sur Canal + qu’il fallait cesser de consommer du Nutella si l’on voulait arrêter le réchauffement climatique. Cette dénonciation particulièrement inepte constituait un coup de force si brutal, si violent, si inattendu, s’élevant à de tels sommets de ridicule, que le jury s’est trouvé confronté à un grave cas de conscience. D’un côté, il aurait été inconvenant, pour d’évidentes raisons de stature, de ne pas attribuer le titre de la semaine au pape. D’un autre côté, seule une victoire était à la mesure de l’incroyable blitzkrieg ségolénien et de sa puissance burlesque. À l’issue de longues heures de débats, le jury avait décidé exceptionnellement que le titre de vainqueur de la semaine 25 serait attribué aux deux compétiteurs, déclarés ex æquo.
Las ! Malgré le professionnalisme qu’on lui connaît, la perspective pour Ségolène Royal de s’élever au niveau du souverain pontife lui a donné le sentiment d’une ambition démesurée, peut-être même sacrilège. Tel Icare perdant ses ailes après s’être trop approché du soleil, Ségo s’est donc effondrée le jour même de son exploit, présenta ses excuses à monsieur Nutella et jura, mais un peu tard, qu’on ne l’y prendrait plus. Petit accessit, donc, au lieu de grande victoire.
France inter, radio d’État qui porte haut les valeurs républicaines, propose dans son comité de salut public, tribunal pour les générations futures, un débat sur l’opportunité de débattre (…du changement climatique bien entendu). Avec l’aide du magazine « Usbek & Rika » (le magazine qui explore le futur » peut-on lire sur leur site), elle organise donc un « tribunal » composé d’un avocat, trois témoins et cinq jurés, qui déroulent à l’antenne un procès fictif sur un mode provocateur.
Ce débat, (qui fait suite au libéral « Le capitalisme va-t-il mourir ? » ), est animé par des membres du politburo témoins qualifiés, à savoir l’inoxydable expert Hervé Le Treut (plusieurs fois nominé au Climathon) et la climatologue chevronnée Delphine Batho. Là ne s’arrête pas la créativité sans borne de notre radio-candidate car l’émission suivante aura lieu le 25 juin sur le thème résolument humaniste : « Faut-il une bonne dictature verte ?« , dont le jury attend le meilleur. Il compte sur France Inter pour poursuivre cette entreprise moderne de dénonciation des vieilles lunes réactionnaires socialement dangereuses telles que la liberté de s’exprimer — pourquoi pas de blâmer, pendant qu’on y est ! —, obstacle insupportable à la lutte contre le réchauffement climatique et l’instauration de la développitude durable que tout le monde espère et attend bien plus que l’inversion de la courbe du chômage.
Autre média d’information, autre accessit : France 2, pour cette pièce de promotion gouvernementale que l’on croirait tout droit sortie d’une télévision d’État Nord-Coréenne et qui nous explique combien il convient d’admirer notre bien-aimé ministre des Affaires étrangères Laurent Fabius et notre immense Président Hollande, deux hommes qui se battent pour notre avenir collectif tandis que tant d’autres regardent ailleurs (alors que la maison brûle, disait déjà le grand Chirac). Un tour du monde par mois pour notre héroïque Ministre ! Tout ce CO2 émis pour la bonne cause : préparer cette bataille unique dans l’Histoire de l’univers, ce choc galactique auprès duquel le Jugement dernier ne sera qu’une simple formalité… Ah ! Quelle chance avons-nous d’être gouvernés par des personnes aussi magnifiques ! Merci, merci, oh saints hommes politiques prêchant vaillamment la bonne parole au monde entier ébahi devant la puissance française enfin retrouvée. Vous êtes ceux qui guiderez le concert des nations ! Vous, saints apôtres de la rédemption climatique, sachez, dans vos efforts surhumains bénis par le Très-haut, que votre nom habite chacune de nos prières.
Nouvelle rubrique : les accessits rétrospectifs
Malgré le travail constant du jury pour honorer comme il se doit chaque pièce de digne propagande climatique, le nombre et la qualité des compétiteurs sont tels qu’il est actuellement impossible de garantir que toutes les réalisations de haut niveau sont distinguées à hauteur de leurs mérites. (Rappelons en passant que ceux qui souhaitent faire partie du prestigieux jury du climathon sont invités à se faire connaître en adressant un mail à Benoît Rittaud à l’adresse benoit.rittaud@gmail.com.) En attendant que l’équipe s’étoffe suffisamment pour diminuer suffisamment ce risque, il est créé une rubrique complémentaire d’attribution d’accessits rétrospectifs, pour mettre en valeur des réalisations dignes d’intérêt qui auraient échappé à l’attention vigilante du jury.
Le premier accessit rétrospectif est attribué à une initiative qui date d’un mois. Arte, « la télé qui vous allume », lance « Opération climat ».
« Opération Climat sera un documentaire et c’est d’abord votre histoire : quel est le coin de nature que vous aimez plus que tout ? Que vous ne supporteriez pas de voir disparaître à cause du réchauffement climatique ? ARTE vous propose de raconter la nature que vous aimez et de vous faire entendre par ceux qui vont décider de l’avenir de notre Terre. À la fin de l’année, Paris accueille le sommet de l’ONU sur le climat et vous avez la possibilité de ne pas être de simples spectateurs. Dans 47 pays européens vous allez filmer cet endroit que vous chérissez et ses occupants : une partie de pêche, des chants d’oiseaux, une balade en montagne. »
Le jury du Climathon est très impressionné par la densité de ce petit texte : amalgame éhonté entre « réchauffement climatique », pollution et destruction de Mère Nature notre Terre ; exagération aux frontières du comique ; ambition démesurée… La toute dernière phrase de cette présentation, particulièrement splendide, vaut la peine d’être citée à part :
Opération Climat est un projet poétique et combatif.
Projet : on n’est pas là pour rigoler et lancer des paroles en l’air, mais pour de la véritable action concrète agissant sur le vrai futur à venir de la Planète.
Poétique : on est sur Arte, il ne s’agit pas de compiler bêtement des vidéos nunuches et pleines de bons sentiments, non non non : les téléspectateurs de la chaîne culturelle franco-allemande sont des artistes engagés (pléonasme).
Combatif : cette belle mobilisation doit affronter des ennemis, plus ou moins bien identifiés. Lobby du pétrole, égoïsme et inertie des gouvernements, réticence à changer notre de mode de vie et, par extension, l’ennemi suprême : nous, êtres humains rapaces qui souillons notre Terre, faisons taire les chants d’oiseaux et détruisons nos balades en montagne.
France Inter, France 2, Arte… les médias publics ne manquent décidément pas d’idées pour aider notre bien-aimé Gouvernement Sauveur de Planète.
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Excellent: « le climat reconnaîtra les siens » [hony soit qui mal y pense: « Dieu reconnaîtra les siens » étant d’un autre âge heureusement révolu, il n’y a plus que de prendre notre mal en patience — pas pendant des siècles cependant peut-on espérer — pour voir l’Eglise adopter encore un autre « Dieu »]
Très drôle. Merci,
Où l’on regrette de plus en plus que Benoît Vi ait pris sa retraite anticipée….
Article très enjoué. Merci.
Quand on sait que le climat va droit vers un refroidissement – c’est le Soleil qui commande le climat sur Terre et non l’activité humaine – cette histoire de réchauffement prend une tournure encore plus effrayante …
« Pour nous qui nous concentrons sur ce projet, c’est un gros problème, un mauvais moment, mais qu’est-ce aux yeux du monde, comparé aux autres choses horribles que sont les crises, les guerres, les désastres ? » »
Non, ce n’est pas un commentaire du Pape ou d’un politicien à propos de l’écologie, c’est l’excuse du pilote de Solar Impulse pour expliquer que la réalité (météorologique) est plus forte que son excursion écologico-technologique hyper médiatisée. Car il faut vraiment à ses braves gens être confrontés à la réalité et surtout à la menace de leur propre personne pour réaliser que nous sommes dans une grave crise économique et que le monde est loin d’être pacifique.
Peut-être faudrait-il faire monter le Pape dans Solar Impulse pour obtenir le même résultat ?
Que le pape prête main forte à ceux qui se battent contre un problème non avéré au détriment des vraies difficultés du moment ne manque pas d’interroger… Moi qui croyais que le point fort des Jésuites était leur capacité de discernement…
Candidat pour la semaine: JJ.Bourdin sur RMC mardi 23 juin à 6h50 : « D’après de nombreux spécialistes, l’espèce humaine serait en danger du fait du RC »
Je regrette un peu plus chaque jour l’abandon de Benoît XVI.
Le pape actuel semble avoir le prochain prix Nobel de la paix en ligne de mire.
Et il l’aura…
…comme Arafat. Il sera en bonne compagnie.
De plus et en préparation à cet heureux événement peut-être, le pape a reçu en audience Mahmoud Abbas (le petit scandaletto y afférant fut affaire de «misinformation»), ce même Abbas donc à qui on peut imputer sans crainte de se voir contredire une «personal responsibility for terror»,
http://palwatch.org/main.aspx?fi=708,
tandis qu’il a refusé une entrevue avec le Dalai Lama. De méchantes langues pourraient dire que ce dernier n’ayant pas de sang sur ses mains, nulle nécessité pour le pape de «souhaiter qu’il devînt un ange de paix» puisqu’il l’est déjà . Logique dans un sens, encore plus logique si l’on considère que l’adversaire de Mahmoud, c’est ce vilain Bibi mangeur de petits enfants, alors que le Dalaï Lama, c’est bien connu, n’a pas d’adversaire puisque la Chine est une des trois toutes grandes démocraties-modèles de la planète