Par Farid Gueham.
Un article du site Trop Libre
Voilà près de 10 ans que les grandes entreprises lorgnent sur les startups et leur « capital innovation ». La quasi-totalité de grandes entreprises du CAC 40 consacrent un département ou une direction à l’ «innovation ouverte ». L’open innovation est en quelque sorte l’application à l’innovation du principe informatique de l’ « open source ». L’accent est mis sur l’échange, le partage, la diffusion. Vulgarisé en 2003 par Henry Chesbrough dans son ouvrage « Open Innovation »,  le principe fut appliqué pour la première fois par une poignée d’entreprises comme Google, Apple, Intel et IBM.
Réconcilier la grande entreprise et l’innovation
Pour Patrice Slupowski, vice-président « Digital Innovation » chez Orange, le mélange des cultures n’est plus une option, c’est une nécessité. Des espaces dédiés permettent de mêler les entrepreneurs et les salariés, « C’est un des bénéfices des Orange Labs. Des lieux qui nous donnent l’occasion d’échanger avec des startups et de nous enrichir mutuellement, de faire évoluer la culture de nos salariés et de nos collaborateurs ».Â
D’autres groupes comme ERDF optent pour une logique d’émulation plus sectorisée et territorialisée, comme l’explique Jakob Harttung, directeur des « ateliers numériques – digital workshops ». « Chez ERDF, nous travaillons depuis longtemps avec des startups que nous essayons d’intégrer dans nos activités. Nous avons fait une vingtaine d’expérimentations avec des startups sur la dernière année. Et nous avons aussi lancé récemment un grand concours dans le cadre d’un des plans industriels de l’État, avec des thèmes comme « le technicien 3.0». Autre spécificité pour le groupe ERDF, utiliser l’open innovation comme un vecteur de communication.
L’entreprise constate que contrairement à d’autres groupes, ses métiers sont assez peu connus. « Nous avons besoin d’expliquer nos fonctions à l’extérieur » ajoute Jakob Harttung. L’innovation ouverte est donc un moyen de communiquer et d’élargir la visibilité de l’entreprise. L’open innovation, c’est aussi le moyen d’accroître la performance du groupe. Une performance jaugée au cours de concours nationaux ou régionaux. Au sein d’ERDF, le concours national permet à chaque région de porter et de défendre un thème spécifique. L’ensemble des directions régionales recherche sur ses territoires les startups qui pourraient répondre aux besoins nationaux de l’entreprise. Une vraie chasse aux talents.
La perception de l’innovation ouverte ne cesse d’évoluer au sein des grandes entreprises
Le concept d’open innovation n’est pas figé. Une dizaine d’années en arrière, les analystes partageaient le sentiment que l’open innovation consistait essentiellement en une fonction de veille ou de reproduction du modèle disruptif de la startup au sein de l’entreprise classique. Mais les initiatives menées dans de grands groupes français prouvent que le modèle évolue vers une dimension plus opérationnelle. Une nouvelle phase est franchie : les entreprises veulent s’enrichir de cette collaboration en créant de nouveaux services et en explorant de nouvelles opportunités. Si une entreprise comme ERDF, c’est-à -dire un opérateur régulé, en situation de quasi-monopole, ne se concentre pas sur le développement de nouveaux « business », l’amélioration des process et la qualité de service sont des gains majeurs. Pour Jakob Harttung, « l’écosystème de l’entreprise pourra profiter des données ouvertes de la startup. Une dynamique de partage qui s’inscrit finalement dans un esprit de service public, en facilitant l’entrée de nouveaux acteurs ». Dès lors, l’enjeu pour les entreprises est de trouver la forme de partenariat la plus adaptée, du point de vue contractuel mais aussi sur le plan technique.
Et si l’open innovation permettait de booster la « recherche et développement » au sein de l’entreprise ?
C’est l’avis de Jérôme Toucheboeuf, directeur du laboratoire « open innovation » de la Poste ; « l’objectif n’est pas uniquement d’accueillir des startups pour faire de l’argent. Ce qui nous intéresse, c’est de les accompagner pour faire bouger les lignes de nos business et combiner le meilleur des deux mondes. L’agilité de la startup, son innovation développée et l’expérience de l’industriel, qui sait à quel marché s’adresser ». Les deux écosystèmes de l’entreprise et de la startup sont dorénavant poreux. « Faire bouger les lignes de son business en interne, c’est aussi être plus flexible en externe » ajoute Patrice Slupowski. Les entreprises sont décomplexées et n’ont pas peur de l’influence culturelle des startups.
L’open innovation, c’est aussi l’opportunité d’externaliser les risques liés à l’innovation
Pas d’angélisme naïf donc. La « R&D » et l’innovation sont étroitement liées à la notion de risque et de disruption. Oser, c’est aussi prendre le risque d’échouer. Un risque qui est inscrit dans l’ADN de l’écosystème de startups vouées à une concurrence ouverte de plusieurs centaines de sociétés dans un même secteur d’activité. L’open innovation est donc un moyen d’externaliser les risques inhérents à l’innovation pour les grandes entreprises. Miser sur un laboratoire, ou des startups indépendantes s’avère judicieux là où le risque est élevé. Une chose est sûre, l’open innovation fait bouger les lignes, mais elle change aussi le rythme. Une des principales craintes du grand groupe est de perdre le fil, de se faire doubler par des disrupteurs plus agiles et plus rapides que lui. Il s’agit donc d’un mariage de raison pour les entreprises qui gagnent un accès ouvert au vivier des startups, s’approvisionnant en idées, en inventions, en processus et en renouvellement des effectifs.
Au-delà de l’ouverture des données et de l’open-source, l’open Innovation s’affirme comme un vecteur de co-construction dans un écosystème de partenaires innovants, de la startup, aux développeurs, des designers aux data-scientists. L’émulation grands groupes – startups favorise la culture de l’innovation en interne. Un partenariat qui renforce les champions nationaux  tout en stimulant la créativité des entrepreneurs émergents.
Pour aller plus loin :
- Article, Le Nouvel Économiste « La R&D est morte, vive l’open innovation ».
- Rapport de la CCI Paris « L’innovation ouverte – définition, pratiques et perspectives ».
- Article, Les Échos « L’innovation ouverte est-elle vraiment ouverte ? ».
- « Baromètre de l’innovation ouverte », Medef économie, novembre 2014.
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Vu les grands groupes présentés ici, j’aurais eu tendance à croire que leur objectif était d’étouffer dans l’oeuf toute initiative susceptible de leur faire ultérieurement concurrence. Une sorte de baiser de Judas…
Aucun contrôle : dès que leur projet est viable : ils s’en vont en Californie ou au BB CENTRUM de Prague.
J ‘ ai surtout l ‘ impression que  » la vrai innovation  » est mal vu dans notre pays ,tout est fait pour détruire l ‘ idée d ‘ autre chose . Microsoft , Apple , Facebook … l ‘ initiative GNU aurait pu éclore dans l ‘ hexagone , si le français , pourtant débrouillard n ‘ était pas inhibé par les grand groupes , les impôts , l ‘ éducation et la société