Par Benoît Rittaud.
Galvanisée par la splendide victoire de Najat Vallaud-Belkacem au championnat de printemps, l’Éducation nationale française continue sur sa lancée avec un sujet de bac physique-chimie de spécialité dont l’exercice 3 est d’une rare qualité intellectuelle. et qui emporte donc la victoire lors de cette semaine 26.
Avant d’y venir, donnons quelques éléments de contexte. Cet exercice spécifique pour les élèves de spécialité est une « résolution de problèmes »,  dans laquelle l’autonomie de nos « jeunes » (© Éducation nationale) doit être mise en valeur. Il s’agit d’un truc très à la mode actuellement d’un dispositif pédagogique novateur tout spécialement prisé en physique-chimie. Ledit « jeune » n’a strictement rien à connaître (il ne faudrait quand même pas exagérer l’intérêt de l’apprentissage à l’école). La seule chose à savoir faire est une règle de trois, ce qui devrait convenir pour l’étude des prophéties prévisions scénarios du GIEC.
La neutralité de l’exercice se repère dès le début avec une image aussi scientifique que sobre, et dont la légende montre bien que l’énoncé est purement factuel et n’a rien à voir avec une honteuse propagande subliminale.
Le début de l’exercice est un chef-d’œuvre de dissimulation des données quantitatives issues des observations de présentation lucide des périls qui nous menacent :
Quel besoin y aurait-il, en effet, de signaler que la hausse actuelle ne montre aucune accélération depuis un siècle ! Si ce n’est pour faire peur avec le Déluge, à quoi cela servirait-il de faire de la science, on se le demande…
L’énoncé lance ensuite le fameux argument « Si ma tante en avait », aussi inusable qu’efficace pour effrayer les foules avec des chiffres imaginaires projections (le site signalé en référence indique qui il convient de féliciter) :
À propos de projections, le sujet ne retient évidemment que le scénario le plus inquiétant, sinon ce ne serait pas drôle. L’inculture pitoyable des auteurs du sujet La nécessité de simplifier les choses auprès de lycéens angoissés fait que le sujet évoque des « prévisions », alors qu’on le dit et on le répète depuis des années : le GIEC ne fait pas de prévisions, seulement des projections (ce qui change tout, à ce qu’il paraît). Et les auteurs du sujet en sont même à ignorer ce que signifie le GIEC (pour mémoire : « Groupe d’experts Intergouvernemental sur l’Évolution du Climat ») :
Une fois de plus, les pages « Planète » du Journalderéférence s’illustrent cette semaine par leur enthousiasme bienvenu suite à une décision de la justice néerlandaise de contraindre l’État à réduire ses émissions de gaz à effet de serre. Interviewant sur cette décision (évidemment qualifiée d’ »historique », c’est bien le moins que puissent faire les pages « Planète ») le « spécialiste en droit de l’environnement Laurent Neyret » qui lui sert pour l’occasion de monsieur Loyal, Le Monde, toujours à la pointe, réussit l’exploit de ne pas se poser une seule fois la question de la séparation des pouvoirs, accueillant cette judiciarisation du politique comme une excellente nouvelle. Évitons en effet de demander à Montesquieu ce qu’il en aurait pensé, et vive le gouvernement des experts, car de toute façon « la démonstration des juges n’a rien d’idéologique« , nous rassure pleinement Laurent Neyret. On peut en revanche lui reprocher d’avoir ajouté que « Même si la décision de La Haye est infirmée en appel, elle aura montré qu’il est possible d’alerter un État et de l’obliger à agir« . Allons, cher monsieur Neyret, un peu d’optimisme, que diable ! On risquerait de penser, sinon, que tout ça n’est qu’une pitoyable mascarade la justice ne serait pas à la hauteur de sa noble et nouvelle mission de sauver la planète et accessoirement que les plaignants se seraient livrés à  une honteuse instrumentalisation de la justice ne seraient pas suffisamment motivés pour poursuivre.
Un tribunal d’inquisition indépendant qui, la Bible les rapports du GIEC sous le bras, juge de la vertu climatique d’un État… Demain, il s’occupera des entreprises… Après-demain, ce sera le tour des citoyens… Ah, quel beau monde on nous prépare !
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A propos du sujet du bac (édifiant!), quelle note aurait un élève qui remarquerait l’abondance du conditionnel dans les textes cités. Personnellement, je lui mettrais 20/20!