Par Emmanuel Bourgerie.
Il y a une prise de conscience du fait que quelque chose ne tourne pas rond dans le monde occidental : les riches obtiennent ce qu’ils veulent des politiques, et deviennent de plus en plus riches, tandis que les classes moyennes, ouvrières et pauvres, ne sont entendues par les élites dirigeantes que lorsqu’il s’agit d’obtenir leurs votes pour la prochaine élection. Alors que cette prise de conscience est la bienvenue, j’ai peur qu’elle n’aboutisse à tenter de régler les symptômes d’un mal sans en chercher la cause.
Ce phénomène peut tout à fait s’apparenter à de la corruption, mais cette dernière est parfaitement légale. Les riches ne paient pratiquement pas d’impôts parce qu’ils bénéficient d’exonérations en tous genres. Les agriculteurs font pousser du maïs, non pas parce que c’est un aliment consommé matin, midi et soir, mais parce qu’ils reçoivent de généreuses subventions en échange. Les chauffeurs de taxis n’ont plus à craindre la concurrence des VTC, puisque ces derniers ont vu la loi Thévenoud leur imposer des limites purement arbitraires pour les handicaper. Les restaurants peuvent remercier Nicolas Sarkozy pour leur taux de TVA réduite, qui leur garantit une meilleure profitabilité que la plupart des autres entreprises.
Les défenseurs de la démocratie accusent le financement des campagnes politiques d’être responsable de cette corruption légale, en particulier aux États-Unis où les entreprises privées peuvent participer au financement de ces campagnes. Je dois admettre que c’est un argument tout à fait recevable, mais qui encore une fois ignore l’éléphant dans le salon.
Pour faire court, le lobbying n’existe que parce que l’État possède la capacité de distribuer des bons points auprès des divers groupes de pression.
Toute catégorie de personnes qui essaie de faire passer une forme d’exception comme une autre ne cherche en réalité rien d’autre que d’obtenir son propre privilège taillé sur mesure. Et comme je l’ai expliqué par le passé, quiconque a la possibilité de se voir octroyer un quelconque privilège lui garantissant de meilleurs bénéfices mettra tout en œuvre pour que cela se produise.
Aux États-Unis, il « suffit » apparemment de financer la campagne d’un candidat et l’affaire est bouclée. Ce qui donne un résultat assez curieux, puisque l’on connaît d’avance les plus gros contributeurs de chaque candidat, et qu’il est facile de deviner qui se verra graisser la patte. Les grosses banques ont financé Bush, les géants de la high-tech et les universités ont financé Obama. Étonnamment, ces secteurs se portent plutôt bien.
Mais il ne faudrait surtout pas s’imaginer que la corruption s’arrête ici. Après tout, les pays européens ont des lois plus restrictives sur le financement des campagnes politiques, et je mets quiconque au défi d’affirmer que cela nous permet de vivre dans un monde où les représentants politiques accomplissent la volonté du peuple, et n’obéissent pas aux intérêts de minorités bien connectées.
Les pressions sont ici moins d’ordre financières, mais elles existent et prennent des formes parfois sournoises. Les agriculteurs sont maîtres dans l’art de vous expliquer que le secteur est un enjeu de souveraineté, et que la souveraineté, ça passe par des subventions. Les chauffeurs de taxis ont bien vite fait comprendre que si leurs demandes n’étaient pas satisfaites, la circulation de Paris serait totalement bloquée jusqu’à nouvel ordre. Les restaurateurs ont réussi à faire croire à tout le monde qu’une TVA réduite est cruciale pour capter les bénéfices du tourisme. Et les riches n’ont rien à expliquer à quiconque, puisqu’ils ont le numéro de téléphone personnel des membres du gouvernement.
Si certaines de ces explications flirtent avec la définition de « caprice », d’autres sont des arguments employés avec le plus grand sérieux par leurs défenseurs, même si cela va à l’encontre de principes de base de l’économie. La TVA restauration en est la parfaite illustration. Invoquer une plus grande consommation de la part des touristes est un argument qui ne fait pas long feu quand on sait que le touriste est le premier exemple cité dans un cours d’économie pour expliquer le concept d’élasticité des prix, et le fait qu’ils ne réagissent que peu à une hausse ou baisse des prix.
Pourtant, certains de ces privilèges jouissent d’un grand soutien populaire. Les subventions agricoles sont parfaitement « démocratiques » dans ce sens, même si cela signifie créer un régime d’exception qui profite à une minorité. Nul besoin de graisser la patte d’un politicien, il suffit de convaincre suffisamment d’électeurs du bien-fondé de votre privilège. Il serait pourtant bien difficile de défendre l’idée que le soutien populaire est un critère suffisant pour instaurer des castes, rentes, et divers monopoles en toute légitimité.
Pardon pour cette lapalissade, mais pour que tout régime démocratique fonctionne il faut que ses institutions raisonnent au-delà du simple respect de la volonté de la majorité du peuple, ou de ses représentants. Comme je l’ai dit, la corruption existe parce que des élus ont le pouvoir d’attribuer des faveurs. Garantir l’égalité des droits et l’absence de privilèges est une condition nécessaire pour mettre fin à cette corruption.
Oui, cela signifie que certains métiers seront menacés, mais tel est le prix à payer pour une démocratie et une économie plus saines.
« les riches obtiennent ce qu’ils veulent des politiques »
Désolé, mais dès que je vois ce genre de phrase, j’arrête de lire.
J’ai juste jeté un œil à votre profil et j’ai vu: « militant du Parti Pirate et d’EELV » et je me suis dit que cet article s’est sans doute échappé par accident d’Agoravox.
« j’ai vu: « militant du Parti Pirate et d’EELV » »
J’ai vu aussi le mot ancien qui visiblement vous a échappé.
Qu’est ce qui vous gêne dans l’affirmation sur les riches et les politiques ?
Elle me semble tout à fait exacte, l’affirmation ne dit pas que tous les riches ont accès à ce mode de fonctionnement, heureusement beaucoup sont intègres, ce qui n’est pas le cas des hommes politiques qui n’ont jamais travaillé de leur vie puisque leur seul but est d’être élu et pour cela n’importe quel corrupteur (forcément riche ou puissant car sans argent on ne corrompt rien) fera mouche.
Wah… financer une campagne politique ce serait ne pas être intègre ?
Perso je préfère le système américain qui finance au grand jour les partis politiques avec une liste des donateurs et des montants qui est publique. Au moins quelqu’un de riche avec la sueur de son front a certainement plus de chance de paner quelque chose à l’économié que quelqu’un qui n’a jamais bossé de sa vie et a vécu de subventions.
En france puisqu’on a décidé que la contribution ne pouvait pas dépasser 7500E (de mémoire) on a donc la certitude qu’il n’y a aucune interaction entre l’économie et la politique… youpi !
C’est quand même vachement mieux que ce soit nos impôts qui financent les partis politiques et nos cotisations sur salaire qui financent les syndicats… sans même que l’on nous ait demandé notre avis puisque c’est pour notre bien.
« Wah… financer une campagne politique ce serait ne pas être intègre ? »
Redescendez juste un petit peu de votre nuage, la politique que l’on a aujourd’hui ne permet pas cela.
Vous interprétez toujours un coté négatif. L’intégrité et le financement des ses idées n’a rien à voir avec ce que l’on vit aujourd’hui avec la connivence extrême entre groupes puissants et hommes politiques.
Bag c’est vous là juste au-dessus qui venez de faire le lien entre riche et politqiue tout comme l’auteur de l’article.
Le problème est dans la connivence, pas dans la richesse.
C’est quand même croquignolet que sur un site libéral un auteur vienne nous dire qu’une personne ne peut pas donner son argent à qui elle veut nan ?
« Le problème est dans la connivence, pas dans la richesse. »
Parce que vous pensez qu’il peut y avoir connivence entre pauvre et politique ?
Je me replace encore dans le contexte actuel, ce n’est pas la richesse qui entraîne la connivence, je l’ai d’ailleurs dit dans mon premier message, en revanche cette connivence a besoin de puissants (donc de richesse) pour exister sinon aucun intérêt.
« C’est quand même croquignolet que sur un site libéral un auteur vienne nous dire qu’une personne ne peut pas donner son argent à qui elle veut nan ? »
Parce que l’auteur a voulu montrer que cet investissement (et pas don) n’est pas le fruit d’idées mais simplement d’intérêts économiques personnels qui bien souvent se font au détriment des autres (une loi pour un tel, une loi pour un autre, ….) et ceci n’a absolument rien de libéral.
Donner sans attendre de retour c’est ça la liberté mais vous savez très bien que ce n’est absolument pas la réalité d’aujourd’hui.
Le corrupteur numéro un c’est « le peuple » des « pauvres ». Ils n’ont pas d’argent mais ils ont des voix électorales bien plus nombreuses que ceux qui ont l’argent. Autrefois ils avaient aussi des faux et des fourches, le couteau entre les dents, toussa. Aujourd’hui ils crament des bagnoles et ont (parfois) des AK47.
Les riches, ma foi, ils sont trop peu nombreux et n’ont guère de pouvoir de nuisance. Surtout depuis que la pratique des armées privées est tombée en désuétude.
Il n’est qu’a voir qui se fait caresser dans le sens du poil par les média et les politocards : riches, grands bourgeois ou « pauvres » et « jeunes des quartchiés populaires issus de la diversité » ?
« Les riches, ma foi, ils sont trop peu nombreux et n’ont guère de pouvoir de nuisance »
Le nombre ne représente rien surtout lorsqu’on observe la courbe de répartition des richesses mais peu importe.
Ils ont aussi un pouvoir de nuisances pour nos politiques puisque ceux ci sont tellement accrocs à l’argent qu’une simple menace de couper le robinet suffit à calmer le jeu. Tout ceci se fait évidemment en coulisse pas comme les gueux dans la rue avec leurs fourches ! 😆
Comme vous le dites, la menace du pauvre c’est la violence mais la menace du riche c’est l’argent. Et le politique jongle en permanence entre les 2 et ne s’occupe plus du tout de l’entre deux.
« ce qui n’est pas le cas des hommes politiques qui n’ont jamais travaillé de leur vie puisque leur seul but est d’être élu »
Voila encore une belle phrase « toute faite ». Essayez de diriger une mairie et après vous nous direz si ce n’est pas un « travail ». Bien sur, vous allez me dire que vous ne voulez pas dire « tous les hommes politiques », juste certains. Oui, mais lesquels (et donc aussi quels riches pour reprendre la phrase de l’auteur, phrase absurde puisque la France est plus dirigée par les corporatismes et syndicalismes que par des prétendues puissances de l’argent).
Je vous comprends, il a fait une petite coquille, il aurait mieux fait de dire « les riches obtiennent ce qu’ils veulent » tout court, c’eût été plus juste ! 😀
Une société sans privilèges serait l’idéal, en existe-t il dans le monde ?
Oui.
Là où il n’y a pas de loi ou du moins là où la loi ne s’occupe que du régalien et de l’organisation de l’Etat.
Mais hélas, ça fait longtemps qu’on n’en n’a plus trop. La Suisse n’était pas trop mal. Les US il y a 70 ans… Même la France il y a une centaine d’années c’était pas mal.
Mais attention, une société sans privilèges (privi-lege, loi privée) n’est pas une société d’égalité de fait, loin, très loin de là, mais une société où la loi est réellement la même pour tout le monde, et où on trouve donc des paresseux ignares et idiots mangeant à peine à leur faim (sauf si des gens, privés, décident librement de les aider… mais c’est souvent en exigeant qu’ils bossent) et des gens brillants, entreprenants et travaillant 80h par semaine qui croulent sous le pognon. Une société avec des Rockefeller et des mud-pies.
La plupart des gens ne veulent pas d’une société sans privilèges (sans ça il y en aurait partout). Ils veulent une société où les autres n’ont pas de privilèges, mais où eux et ceux qui sont « bien » à leurs yeux ont plein de privilèges.
Bastiat avait raison… « L’État, c’est la grande fiction à travers laquelle tout le monde s’efforce de vivre aux dépens de tout le monde ».
Les riches ne paient pratiquement pas d’impôts parce qu’ils bénéficient d’exonérations en tous genres
Ca dépend de ce qu’on appelle « riche ».
Le « riche » qui possède une entreprise paye peu d’impôts sur son capital puisque ce capital emploie des tas de gens… Sinon, s’il a très peu de revenus en France, oui, il ne paye pas grand chose. Mais ça c’est pas le « riche » moyen, plutôt l’acteur, l’artiste, le sportif, le « patron » (en fait salarié mais issu de l’ENA) connivent. Le « petit riche » lui il paye, beaucoup, nettement plus en moyenne que le pauvre.
Les exonérations en tout genre qui n’ont en effet pas vraiment lieu d’être sont plutôt accordées aux « plutôt pauvres », « du bon camp », « qui émeuvent dans les chaumières », etc. : taxis dispensés de payer la TIPP, « gens du voyage » n’ayant pas à s’acquitter des impôts locaux mais à qui les collectivités locales doivent apporter tout le confort voulu, fonctionnaires ayant un complément familial indexé sur le salaire et non impacté par la modulation des allocations familiales, députés ayant droit à la retraite pleine après 15 ans de travail (trois mandats) et bénéficiant d’une assurance maladie moins chère et beaucoup plus généreuse que celle des autres, « sans papiers » / « migrants » ne payant rien, bossant au noir (obligé, ils sont clandestins) mais ayant droit à la sécu (plus généreuse que pour le résident légal), l’école gratuite et pas si laïque que ça (faudrait pas les choquer, quand même).
Bref, oui, on vit dans une société de privilèges légaux. Mais vous vous trompez de cible. A part quelques connivents à la marge entre entreprise et politique (Bergé, Pigasse, Dassault et quelques autres), médiatiques mais ultra rares, les vrais privilégiés ne sont pas les riches mais les classes dites populaires et les fonctionnaires. Comme en Grèce ces gens dépensent 2€ pour chaque euro de richesse qu’ils produisent (à la louche) et passent leur temps à gueuler comme des putois contre l’austérité, les riches, les inégalités…
+1000
Comment pourrait-il ne pas y avoir connivence, quand les politiques et les membres des conseils d’administration (nommés par ces mêmes politiques) font partie de la même classe dominante issue de la même école?
« est un argument qui ne fait pas long feu quand »
On dit « qui fait long feux »… pour dire que ça ne marche pas…
Certaines minorités, qui ne sont pas riches, obtiennent encore plus facilement ce qu’elles veulent grâce ce sont les minorités vertes qui, par tromperie et terrorisme intellectuel, obtiennent par exemple des subventions pour construire des éoliennes géantes et nuisibles ou des subventions et des lois pour exclure les automobilistes des agglomérations .
Le français moyen est tout de même un rigolo : il veut très souvent être fonctionnaire, avoir un statut le maintenant à vie dans son boulot avec Rtt, congés maladie, droit de grève, droit de buller en toute impunité, faire des razzias d’indemnités aux Prud’hommes, etc…mais quand il s’agit des autres, comme les taxis, ils peuvent crever sans sourciller, bref n’importe quoi pourvu que ses propres intérêts, souvent hypertrophiés, ne soient pas concernés…