En 2015, le salarié moyen français travaillera jusqu’au 29 juillet pour financer les dépenses publiques, soit un jour de plus que l’an passé. La France détient toujours, avec la Belgique, le record de la taxation du salarié moyen.
Une tribune de l’Institut économique Molinari
Grâce à des données calculées par Ernst & Young, l’Institut économique Molinari a calculé le jour de libération fiscale des 28 pays de l’Union européenne (cf. la méthodologie utilisée en fin d’article).
La sixième édition de cette étude montre que :
- le salarié français ne sera libéré de ses obligations fiscales qu’à partir du 29 juillet 2015, soit un jour plus tard que l’an passé et trois jours de plus qu’en 2010 ;
- la France est dans le duo des pays taxant le plus leurs salariés, tout juste derrière la Belgique.
Les prélèvements sur les salariés moyens restent élevés sous l’effet des politiques d’austérité fiscale
Le taux d’imposition réel du salarié moyen atteint 45,19 % en 2015. Il a augmenté de 1,20 % depuis 2010, date de la première édition de cette étude, et baissé de 0,08 % sur un an.
Alors que certains pays continuent la politique de hausses de charges et d’impôt, mise en place par les États européens suite à la crise financière de 2008-2009, d’autres font le chemin inverse.
Derrière la moyenne se cache une évolution contrastée.
Sur un an, 14 pays de l’UE participent à la baisse des prélèvements obligatoires et 13 à la hausse. La pression fiscale de la Grèce, qui avait enregistré la hausse la plus forte l’an passé, reste stable. À noter que l’écart entre les 19 pays de la zone euro et les 9 pays hors zone euro s’est accentué. La zone euro a subi une légère hausse de la pression fiscale, alors qu’à l’inverse, la pression fiscale a baissé hors zone euro.
Le salarié français est quasiment le plus pénalisé de l’Union européenne
Comme l’an passé, les champions de la fiscalisation sont la Belgique et la France. Les prélèvements obligatoires y représentent 59,47 % et 57,53 %, avec des libérations fiscales les 6 août et 29 juillet 2014. Suivent ensuite l’Autriche, la Hongrie, la Grèce et l’Allemagne. Les taux de prélèvements obligatoires y varient de 56,42 % à 52,27 %, et les jours de libération fiscale s’y échelonnent entre les 10 et 25 juillet.
Le salarié moyen français est en théorie un des mieux payés (55 805 euros), mais il est aussi particulièrement fiscalisé (32 103 euros). À elles seules, les charges sociales (28 055 euros) représentent plus que son pouvoir d’achat (23 702 euros), ce qui constitue le record de l’Union européenne.
L’ampleur des charges permet d’expliquer les tensions entre les employeurs et les salariés français. Les premiers raisonnent en termes de salaire complet, en ajoutant les charges patronales au salaire brut alors que les seconds raisonnent en termes de pouvoir d’achat réel. Les uns ont ainsi la légitime impression de dépenser beaucoup pour leurs salariés, tandis que ces derniers ont l’impression de ne pas toujours être récompensés à la hauteur de leur contribution.
Absence de lien entre prélèvement et qualité des services publics
Nombre d’études montrent même que la France enregistre des scores moyens dans plusieurs indicateurs internationaux, en dépit de l’importance des prélèvements et des dépenses publiques.
C’est notamment le cas de nombre d’enquêtes axées sur la compétitivité :
- Lorsque la Banque mondiale classe les pays en fonction de la facilité d’y faire des affaires, elle positionne la France en 31e sur 189 pays. Au sein de l’UE, elle attribue à la France la 13e position sur 28.
- Le Forum économique mondial classe la France 23e sur 144 pays. Au sein de l’UE, il met la France en 10e position.
C’est aussi vrai d’indicateurs axés sur les prestations offertes ou la qualité de vie :
- Les Nations unies classent la France en 20e position sur 188 pays dans leur Indice de développement humain. La France, 7e de l’UE, obtient une place qui n’est pas à la hauteur de ses dépenses publiques. Des pays ayant une pression fiscale moindre obtiennent en effet un IDH supérieur au notre : Allemagne, Danemark, Irlande, Pays-Bas, Royaume-Uni ou Suède.
- Même son de cloche du côté de l’OCDE. La dernière livraison de Better Life atteste aussi de performances médiocres. La moyenne des différents critères proposés par l’OCDE positionne la France 18e sur 36 pays étudiés. Au sein de l’UE la France est 11e sur 21 États notés, plusieurs pays ayant une pression fiscale moindre ayant de meilleures performances (Allemagne, Autriche, Danemark, Finlande, Irlande, Luxembourg, Pays-Bas, Royaume-Uni ou Suède).
Tous ces éléments laissent à penser que la pression fiscale et sociale française ne s’explique pas par une offre plus attractive de prestations, et qu’au contraire les prestations sociales et publiques françaises ne sont pas bon marché.
Spécificité de la démarche de l’Institut économique Molinari
De nombreuses études classent les pays en fonction de leur niveau de prélèvements obligatoires ou du degré de liberté économique perçu.
Très utiles aux économistes, ces travaux reposent pour autant sur des données chiffrées agrégeant la fiscalité pesant sur tous les agents économiques ou se focalisent sur des thématiques (la fiscalité du travail, la fiscalité sur la consommation…) au détriment d’une vision globale. Ce faisant, ils occultent la part des revenus des salariés consacrée au financement des services publics et à la sécurité sociale obligatoire, ou rendent difficiles les comparaisons d’un pays à un autre.
Cette étude vise à surmonter ces difficultés, en comparant la pression fiscale et sociale réellement supportée par le salarié moyen dans chaque pays composant l’UE.
Cette pression est calculée en agrégeant les principaux impôts ou charges que supportent, directement ou indirectement, les salariés moyens. Elle prend en compte les charges sociales patronales, les charges sociales salariales, l’impôt sur le revenu et la TVA. Tous ces prélèvements obligatoires sont pris au titre du travail effectué par le salarié, sont intégralement financés par les fruits de son activité et réduisent in fine d’autant son pouvoir d’achat réel. Ils sont rapportés au salaire complet du salarié moyen, parfois appelé « super brut », calculé en additionnant les impôts et charges et ce qui reste, une fois ces prélèvements obligatoires sur le travail ou la consommation réglés.
Cette étude permet ainsi de mesurer le coût réel des services publics et de la sécurité sociale pour le salarié moyen. Elle permet aussi d’en déduire le moment à partir duquel il recouvre la liberté d’utiliser, comme il veut, son pouvoir d’achat, en consommant ou épargnant.
Pourquoi ce « jour de libération fiscale » est dénué de sens économique ?
(a) Le mode de calcul de ce jour est tel qu’il est peu probable que ce jour correspondent à la grande majorité des salariés Français. Pour la grande majorité, le jour sera soit avant soit après le jour calculé qui finalement c’est qu’une moyenne.
(b) Le calcul de ce jour se fait sur une année, mais on pourrait tout aussi bien le calculer sur un mois, une semaine, un jour ou encore une heure mais également sur toute une vie. Mais cela aurait-il un sens de prétendre qu’on travaille x années pour payer des dépenses publiques et que seulement à l’âge de k ans, on peut enfin disposer de son argent comme on veut ? En réalité, tous les trimestres nous payons des impôts, tous les mois, et même tous les jours (via la TVA).
(c) Sur le modèle du jour de libération fiscale, on pourrait également inventer « le jour de libération alimentaire (ie lorsque vous travaillez pour autre chose que vous nourrir) », « le jour de libération des télécommunications (quand vous avez fini de payer vos dépenses de téléphone et internet) », « le jour de libération du logement », « le jour de libération de l’assurance auto obligatoire », etc. Chacun jugera de l’intérêt et du sens qu’aurait ces « journées de libération » mais ce qui est certain c’est que si elles paraissent ridicules et absurdes, il devrait en être de même du « jour de libération fiscale ».
(d) Les points précédents sont des critiques mineures qui entament le crédit qu’on peut accorder au concept de « jour de libération fiscale » mais ne le sabordent pas. Ce n’est pas le cas de la critique fondamentale qui suit et qui montre qu’employer ce concept c’est avoir une conception trop simple (et trop simpliste) du fonctionnement de l’économie et par conséquent une conception erronée. Pour faire bref (et au risque de tomber moi-même dans la caricature), leur conception est la suivante : la production n’est le fruit que du secteur privé, l’Etat vient se servir une part une fois que celle-ci a été créée, il intervient ainsi à la fin du cycle de production, tel un parasite qui viendrait voler une part du gâteau cuisiné avec effort par les travailleurs du privé. Mais rien n’est plus inexact. C’est oublier que l’Etat, les administrations publiques interviennent en même temps dans le cycle de production que les entreprises privées. Ils fournissent des services, créent de l’activité économique, les impôts ne sont alors que le paiement de ses services. Je fais remarquer au passage qu’il est plus correct de parler des impôts comme le paiement des dépenses publiques plutôt que comme le financement. Dire que les impôts financent les dépenses publiques a à peu près autant de sens que de dire que les clients de Renault financent les chaîne de montage de l’entreprise. Mais revenons sur le rôle des administrations publiques dans l’économie. En sus des services produits par celles-ci, une grande partie des dépenses publiques consistent en des transferts (allocations, retraites par exemple) vers les ménages. Pour ces deux motifs (services produits et transferts sociaux), il est absurde de parler de jour de libération fiscale puisque le revenu à partir duquel on calcule ce jour est lui-même dépendant des dépenses publiques payées grâce aux impôts. Le jour de libération fiscale aurait un sens si on imaginait un Etat qui prélèverait un impôt sans contrepartie (dépenses publiques) dont jouissent l’ensemble des contribuables.
Pas d’accord.
C’est un indicateur qui n’a pas la prétention de resumer toute l’économie comme la pluspart des indicateurs utilisés tous les jours sans susciter de polémiques, mais qui a le mérite d’être tres parlant.
Il reflète assez bien la part croissante de nos revenus que nous ne maitrisons pas individuellement et donc comme le présupposait Giscard en son temps, l’entrée de plus en plus flagrante dans le dirigisme communiste.
Pour le reste, bien évidemment que l’on profite un peu de tout cet argent en services, en infrastructures, ou en pensions, mais ce n’est pas du tout le sujet.
57% de prelevement, cela veut bien dire que pendant 57% de l’annee (les 7 premiers mois) ce que nous produisons est prélevé pour être dépensé par l’Etat. C’est seulement à partir du 30 juillet que les Français peuvent décider librement comment ils dépensent le fruit de leur travail. Point n’est besoin de longs discours. Le jour de la liberation fiscale a bel et bien un sens, celui de la liberté retrouvée.
Une idée « de blonde » pour couper les mains bercynoises qui piochent allègrement dans nos poches et freiner la gabegie ambiante des dépenses publiques : et si on ne bossait qu’à partir du 1er août ?
C’est à mon sens la seule vraie liberté retrouvée. Parce que si on n’est libres qu’après avoir été élargi temporairement et dans l’attente d’une nouvelle incarcération, je n’appelle pas ça la liberté.
Humour…
Pour l’instant, ce n’est pas taxé.
« Le salarié moyen français est en théorie un des mieux payés (55 805 €), » Eh bien, à 59 ans, j’en suis bien loin, quoique cadre !
L’auteur de cette affirmation a-t-il l’excuse d’avoir fumé ?
Sinon, j’aimerais savoir, à côté des gens exploités par les chaînes de restauration rapide ou les grandes surfaces pour des 20h par semaine à demiSMIC, quels sont les heureux élus qui touchent encore plus par mois.
Je viens de découvrir que, cadre, je n’atteins pas le salaire « moyen » français.
Je m’étais bien aperçue que c’était très dur et que j’étais très escroquée au profit des gens qui font profession de ne rien faire en France mais cette information en plus, ça ne va pas me remonter le moral…