Par Nafy-Nathalie.
« Bonne nouvelle : le 1er août, les propriétaires ne pourront plus fixer un loyer supérieur à un loyer de référence majoré… », annonce fièrement la mairie de Paris sur son site.
En effet, le préfet de Paris a signé le 26 juin dernier l’arrêté relatif à l’encadrement des loyers. Les services d’Anne Hidalgo présentent le dispositif comme fantastique et innovant alors qu’il s’inscrit en réalité dans une tradition française qui n’a jamais réellement fonctionné, puisque aucune législation n’a jamais empêché les loyers de flamber. Si la mairie de Paris se réjouit, les annonces de procédure se multiplient contre une mesure jugée insatisfaisante, tant par les propriétaires que leurs mandataires ou leurs associations de défense.
Institué par la loi Alur du 24 mars 2014, le dispositif prévoit qu’à la signature d’un nouveau bail, ou lors d’un renouvellement, le prix de location ne peut pas dépasser de 20 % un loyer de référence au m2 fixé par arrêté préfectoral, ni lui être inférieur de 30 %. Le principe de la mesure est simple.
Le site l’ADIL le présente bien.
Pour les baux en cours au 1er août 2015
Le locataire aura cinq mois avant l’échéance du contrat pour contester le niveau d’un loyer dépassant celui du loyer médian majoré. En fixant cette possibilité d’action à un délai inférieur au préavis légal de résiliation du bail par le propriétaire (six mois), l’intention semble être de protéger le locataire de représailles supposées du propriétaire. Il est toutefois laissé au propriétaire la possibilité de lancer une action en réévaluation pour un loyer inférieur à 30 % du loyer médian avec un préavis de six mois qui laisse toute latitude au locataire de donner son congé (trois mois de préavis).
Pour tout nouveau bail signé à partir du 1er août 2015
Le loyer devra être fixé dans une fourchette comprise entre 30 % en dessous ou 20 % au-dessus de la valeur de référence, ce qui est finalement assez flou. Le locataire aura trois ans, soit la durée du bail, pour contester le loyer fixé contractuellement librement. Je vous laisse imaginer dans quel confort va se trouver un propriétaire dont les revenus locatifs pourront être revus à la baisse à tout moment. Il est certain que cela ne va pas renforcer les relations de confiance entre lui et son locataire.
Une variable d’ajustement est prévue avec l’instauration du complément de loyer contestable pendant trois mois. Il est notable que ce ne soit pas au locataire, qui initie la procédure, d’apporter les preuves à l’appui de sa demande, mais que c’est au bailleur qu’en incombe la charge. Cette variable est toutefois assez vague pour permettre, dans l’attente de la mise en place d’une jurisprudence éventuelle, de vider la mesure d’encadrement de sa substance ce que souligne La Tribune dans un article du 8 juillet 2015.
Les requêtes en contestation du loyer devront d’abord être soumises à la Commission départementale de conciliation. Sans accord trouvé, ce qui est le cas de 90 % des litiges de ce genre, le tribunal d’instance pourra être saisi pour trancher. Les décisions prises seront rétroactives. Certains évoquent déjà l’engorgement de la Commission et du tribunal. « Si les contentieux sont nombreux, nous renforcerons les effectifs de cette commission », promet le directeur interdépartemental de l’hébergement et du logement, Jean-Martin Delorme.
Christian Ballerini (Confédération Nationale du Logement Paris) souligne toutefois que « si l’on observe ce qui s’est passé pour la loi du 1er août 2012 qui encadre les loyers à la relocation, on constate que seul un dossier a été présenté en commission départementale en presque trois ans ! ». En effet, les montants susceptibles d’être contestés sont faibles, selon les chiffres avancés par l’OLAP, à savoir que « l’encadrement se traduira par une baisse de loyer allant jusqu’à 50 euros pour un tiers d’entre eux, de 50 à 100 euros pour un autre tiers, et supérieure à 100 euros pour le tiers restant ». Donc 50 euros contestés feront un gain potentiel de 600 euros par an soit 1800 euros sur trois années. Dans ce contexte, imaginer les tribunaux débordés de procédures semble tout à fait illusoire. Qui aura l’énergie et le temps d’attaquer pour un gain potentiel inférieur aux coûts de procédure à avancer ?
Que penser du fait que la définition du loyer de référence a été confiée à l’OLAP dont les bases de travail sont pourtant totalement obsolètes ? En effet, cet organisme n’a pas jugé utile d’utiliser un autre zonage que le découpage administratif de Paris en vigueur depuis le décret impérial de 1859.
Sa méthodologie pose aussi question puisqu’il précise sur son site que « … la représentation en nombre suffisant de tous les types de logements par le biais de taux de sondage non uniformes, la base de références ne peut être utilisée directement pour des traitements statistiques… »
La composition de son panel n’est pas plus rassurante puisqu’il a été défini « à partir des résultats du recensement général de la population de 1982, et est représentatif du parc locatif libre selon la stratification suivante : localisation, nombre de pièces, époque de construction, confort. »
Donc, d’un côté l’amélioration de la qualité des logements est vendue comme une priorité de gauche mais, d’un autre, des mesures qui ne tiennent pas compte des efforts faits dans ce sens sont prises. La possibilité d’augmenter de 15 % un loyer en contrepartie d’un montant de travaux réalisés pour un montant équivalent à une année de loyer ne va pas pousser à leurs poursuites. Quelles raisons pour entreprendre des travaux afin de valoriser un bien s’il n’y a aucun bonus en contrepartie, comme le souligne Vincent Bénard dans un article de Contrepoints ? La question de la prolifération des diagnostics immobiliers et des obligations de travaux qui en découleraient potentiellement prend tout son sens dans ce contexte. Les propriétaires n’ayant plus intérêt à faire des travaux pourront y être obligés légalement sur la base du carnet de santé environnementale.
Je vous laisse d’ailleurs juger de l’opportunité de lancer aujourd’hui cette mesure. Promesse de campagne présidentielle du candidat Hollande en 2011 à un moment de hausse, elle intervient quatre ans plus tard, alors que la baisse des loyers est amorcée. Ainsi l’observatoire CLAMEUR, dont la base est plus fournie que celle de l’OLAP, note une baisse depuis 2014 à Paris qui est même estimée à -3,5 % pour 2015. Son dossier de mai 2015 indique une augmentation dérisoire des loyers de 1,8 % entre 2011 et 2014.
Où se cache donc la flambée indécente que tous évoquent ? Il semblerait que les propriétaires, curieusement dotés de bon sens et de raison, ont eu tendance à moduler les loyers aux possibilités des locataires, en préférant un revenu sûr moins élevé à un loyer étrangleur par nature plus aléatoire. Avec cette mesure, peut se poser la question du risque d’entrave de la baisse naturelle des prix et de leur maintien à un niveau artificiellement plus élevé.
Un autre problème va émerger, celui de la réaction des banques devant les fluctuations potentielles de rentabilité des investissements locatifs. Si la rentabilité peut baisser du jour au lendemain, comment adapter les plans de financement ? Les conditions d’attribution des prêts seront-elles durcies ? Cela va-t-il jouer à la baisse sur le nombre de transactions, ce qui aurait un effet contraire à celui souhaité ?
Les locataires sont désabusés conclut RTL.
Selon leur sondage, « quatre sur dix estiment que les propriétaires ne la respecteront pas, et la moitié d’entre eux s’inquiète car cela pourrait entraîner une réduction du nombre de logements disponibles sur le marché ».
En effet, même si la mesure est privée de substance et risque de n’être même pas appliquée, il ne faut pas négliger les conséquences psychologiques qu’elle pourrait avoir sur les bailleurs. À force de vouloir pointer du doigt les propriétaires, les politiques ont oublié que ces derniers sont en majorité issu des classes moyennes, et qu’investir dans l’immobilier représente souvent l’effort de tout une vie sans beaucoup de garanties (carence, impayés, dépréciation) de se prémunir contre les locataires indélicats. Comment vont-ils prendre le fait de devoir vivre dans la peur d’une procédure qui diminuerait leurs revenus, alors que leur mensualité de prêt restera fixe, et qu’ils devront engager toujours plus de frais pour faire face aux nouvelles obligations (diagnostics, travaux) ?
Pourquoi continueraient-ils à investir à Paris, même si comme l’indique le PAP « le marché parisien offre une grande sécurité » ? Paris n’est pas le centre du monde, et les investisseurs sont encore libres, n’en déplaisent à nos politiques. Ils risquent d’en avoir tout simplement assez et décider d’investir dans d’autres villes, de vendre ou de payer les taxes pour logements vacants plutôt que de louer leurs biens. Les problèmes de logement et de la mobilisation du parc vacant ne seront pas résolus pour autant.
D’autres alternatives ont été soumises aux politiques comme, par exemple, rassurer les propriétaires en cessant de les stigmatiser, ou créer de nouvelles formes de bail. La FNAIM suggère la mise en place d’un bail solidaire, qui serait un contrat fiscal entre la collectivité et les bailleurs acceptant de louer 30 % moins cher que le marché. Espérons que l’expérimentation ne sera pas transformée et va simplement permettre de retirer une mesure dépourvue de bon sens. À défaut, nous pourrions bien nous trouver dans la désagréable situation d’applaudir les socialistes pour avoir réussi le tour de force improbable de transformer un des placements les plus sûrs au monde en un des plus aléatoires.
C’est écrit dans tous les livres d’économie.
Cela a été essayé 1000 fois et des milliers de municipalités à travers le monde ont eu cette idée depuis plusieurs siècles. 1000 fois ce fut un échec.
Mais les démagogues aiment a dire au peuple ce qu’ils ont envie d’entendre, plutôt que de prendre un livre d’économie et le lire.
Réduire les loyers c’est pas en créer.
Surtout si les loyers sont déjà en dessous de la limite fixée … 😉
Les conséquences du controle des loyers en Allemagne et en Scandinavie sont dramatiques, on se croirait revenu aux heures les plus sombres les plus sombres de notre histoire.
Encore deux ou trois ans et les logements seront aux normes sanitaires de l’Erythrée, pour sûr.
Pour information, l’auteur de la maxime « Après le bombardement, le contrôle des loyers apparait dans bien des cas être la plus efficace des méthodes connues pour détruire une ville » est un suédois exerçant en Suède : Assar Lindbeck. Mais ça n’a bien sûr aucun rapport avec ce qu’il a pu observé dans son pays, c’est évident…
La gauche allemande dénonce le prétendu contrôle des loyer comme de la poudre au yeux. Il existe sur le papier, en pratique il fixe les maximum plus haut que ce qui est pratiqué sur le marché. Donc effectivement, il ne risque pas d’avoir des conséquences dramatiques …
il faut bien sûr un peu plus de 2 ou 3 ans, mais seule un jeune naïf qui n’a pas connu la loi de 1948 peut faire du sarcasme sur le sujet des normes sanitaires.
Tout ce que je sais, c’est que les loyer sont bien trop cher sur Paris. Les proprio abusent sur le loyer sous prétexte d’un investissement important. Un bon retour de bâtons ne leurs feraient pas de mal… Vous pouvez me contester mais c’est la réalité.
Les loyers à Paris ont toujours été élevés, et diminuent au fur et à mesure qu’on s’en éloigne. Autrefois, on ne cherchait même pas à louer à Paris, mais on se rapprochait de la capitale quand les revenus augmentaient. Bref on s’adaptait à la situation.
Maintenant on demande à l’État d’adapter la réalité à la situation des personnes. Sans se rendre compte qe si cette situation s’est dégradée, c’est justement à cause des interventions de l’État dans tous les domaines qui ont conduit à la ponction des revenus.
+1
Surtout qu’il ne faut pas oublier que c’est l’état qui a volontairement (c’était l’objectif défendu officiellement) œuvré il y a quelques décennies pour pousser les classes moyennes et les plus modestes hors de Paris. Il n’est pas si facile maintenant de défaire ce qu’ils ont créé en toute conscience.
La réalité c’est que les bailleurs ne sont pas responsables de la situation économique du pays et du budget des locataires. Au lieu de les stigmatiser pour les conséquences de politiques dénuées de bon sens menées depuis des décennies, il vaudrait peut-être mieux fustiger ceux qui les ont faites et leurs électeurs inconscients, non ?
La rentabilité des investissements locatifs s’émousse et que les propriétaires potentiels ont de moins en moins de raison d’investir dans l’immobilier surtout à perte.
Je ne suis pas sûre que le « retour de bâton qui leur ferait du bien » ne se retournerait pas finalement contre les locataires. 😉
A suivre !
A Dublin les loyers prennent 10% par an depuis quelques années. Il n’est pas rare de payer 900 euros pour une petite chambre en ville.
Aucune raion économique sous jacente autre que l’avarice des propriétaires qui se disent que tant qu’ils trouvent des gens pour cracher le loyer ils peuvent pousser, et puis après tout, tout le monde le fait.
Justement … on est pas à Dublin !
A Paris les loyers reculent.
1,8 % d’augmentation entre 2011 et 2014 … où vous voyez qu’il s’agit d’avarice ou autre volonté de saigner des locataires ?
L’avare a au moins le mérite de se passer des pommes qu’ils trouvent trop cher.
Goule, non. Il veut les pommes, mais au prix qu’il a choisi.
Plus radin, c’est possible ?
… Tartuffe qui donne des leçons de morale…
Et sinon à quand un prix des médicaments dynamique qui augmente quand on tombe malade ? Pourquoi le prix devrait rester le même alors que la valeur d’usage augmente quand on est malade ?
Ou un quotat de médicaments qu’on vendrait au plus offrant ?
(pas la peine de m’expliquer que si la construction intra muros est morte c’est à cause de l’Etat, je sais je sais)
Attendez une petite épidémie de bactéries résistantes. Vous mettrez de vous même 10 X le prix pour vous soigner …
Avarice liée au besoin de rembourser des prêts de plus en plus lourds.
Dans des petites villes comme Montauban, des particuliers ont perdu toute leur épargne car ils ont (mal) investi dans des logements répondant à aucune demande. Faute d’un loyer pour rembourser un crédit, ils font comment ?
Mais si vous ne savez pas vous permettre un loyer sur Paris, et bien n’allez pas y habiter, ce n’est pas au propriétaire à adapter son loyer, si il trouve preneur à un loyer élevé tant mieux et si il ne trouve pas il diminuera son prix …. J’aime bien les gens qui veulent tout sous prétexte que tout leur est dû ….
C’est le tribunal d’instance (procédures civiles) et non le tribunal administratif qui est compétent en matière de litiges entre particuliers.
Merci pour tous les éléments factuels que vous avez rassemblé sur les très probables effets de bord de cette dernière usine à gaz.
Pour ma part, j’ai tiré un trait sur l’immobilier.
Oui vous avez raison !
C’est une coquille totalement absurde. Il est évident qu’il s’agit du tribunal d’instance.
Merci d’avoir rectifié.
Les propriétaires ont le dos large !!!…
La rentabilité d’un bien dépend largement de son prix d’achat !… SEUL LE MARCHE à le dernier mot.
Né à Paris, j’ai vécu la décentralisation dans les années soixante en suivant mes parents en province. J’ai eu le bonheur de faire mes études et devenir chef d’entreprise toujours en province.
Pourquoi un état aussi dirigiste n’a-t-il pas poursuivi dans cette voie ? Le TGV me met à 1H40 de Paris (350 Kms)…la mer à 1h30, quelle qualité de vie !!!
Le logement y est très abordable en terme de loyer (ils baissent !) une bien meilleure occupation du superbe territoire que nous possédons est à mon sens la réponse à la crise du logement depuis des décennies provoquée par des interventions de pompiers pyromanes .
Quand on est c.., on est c.. !