Par Yanarthus le footomancien.
Cette série de trois articles analyse la répartition des clubs (Ligue 1 / non Ligue 1) en Coupe de France et Coupe de la ligue (plus communément appelée « Coupe moustache »). Dans ce premier article, on présente ces deux compétitions et on montre leurs différences de taux de présence des clubs de Ligue 1 au stade des quarts de finale. Dans le deuxième article, on montrera l’impact des réformes de la Coupe de France en 1990 et du championnat de Ligue 2 en 1994. Dans le dernier article, on observera comment l’évolution du format de la Coupe moustache lui a enlevé son peu de raison d’être, et on rêvera sur une Coupe alter-moustache.
Les compétitions de sports où deux équipes s’affrontent se divisent essentiellement en deux formes : les championnats et les coupes. Dans les championnats, tous les compétiteurs affrontent tous les autres inscrits dans la compétition (fréquemment deux fois, un match sur le terrain de chaque adversaire). Dans les coupes, chaque match est à « élimination directe » : le perdant est éliminé et le vainqueur est qualifié pour le tour suivant, jusqu’à la finale dont le gagnant est le grand vainqueur de la compétition. Dans cette formule, les nombres idéaux de compétiteurs sont bien sûr les puissances de 2, le nombre d’équipes qualifiées pour le tour n+1 étant égal à la moitié du nombre d’équipes participant au tour n : un vainqueur, deux finalistes, quatre demi-finalistes, huit quart-de-finalistes…
Deux coupes aux légitimités différentes
Dans le football masculin français, il existe actuellement deux coupes nationales : la Coupe de France, abrégée CdF dans la suite, et la Coupe de la ligue, également appelée Coupe moustache1 abrégée cm dans la suite.
Créée en 1917, la Coupe de France (CdF) tire sa popularité de son ancienneté et du fait qu’elle permet des matches entre des clubs amateurs et professionnels, d’où les fameuses « surprises » lorsqu’un « petit » club en élimine un « gros ». Elle est organisée par la Fédération Française de Football (FFF), tous les clubs de France sont susceptibles de s’y inscrire et le nombre de participants au départ n’a bien sûr aucune raison d’être une puissance de 2. Ils étaient ainsi 7 656 inscrits pour l’édition 2013. La force de l’exponentielle permettrait un nombre de matches assez faible pour désigner un vainqueur : une coupe à 8 192 participants n’aurait besoin que de 13 tours pour trouver son gagnant. Mais afin de régler le problème des puissances de 2 et afin d’éviter un trop grand nombre de matches entre équipes de niveaux très déséquilibrés, les clubs n’entrent pas tous en même temps dans la compétition : clubs de niveaux départemental et régional d’abord, puis clubs nationaux par niveau croissant ensuite.
Actuellement, les 20 clubs de Ligue 1 (plus haut niveau national2.) entrent en lice lors des 32ème de finale, qui se disputent impérativement entre 64 clubs : il faut donc que le tour précédent ait qualifié 44 clubs. Ce tour précédent, « huitième tour », comporte donc 44 matches (88 clubs) et celui d’avant, « septième tour » lors duquel entrent les 20 clubs de Ligue 2, 88 matches (176 clubs) : il y a donc la place pour 156 clubs issus du « sixième tour » et ainsi de suite en remontant vers le début de la compétition.
La Coupe moustache (cm) est beaucoup plus récente : sa création date de 19943. sa légitimité sportive est très faible au point que l’article 706 de son règlement indique :
“Durant la Coupe de la Ligue, les clubs sont tenus, sauf cas de force majeure, de faire figurer sur la feuille d’arbitrage au moins sept joueurs ayant pris part à l’une des deux dernières rencontres officielles disputées par son équipe première.”
Autrement dit, la Ligue de Football Professionnel (LFP), entité organisatrice, consciente du faible intérêt de sa compétition, doit imposer aux clubs participants de faire jouer une équipe pas trop affaiblie par rapport à ses matches précédents…
La cm ne concerne que les clubs professionnels, en nombre évidemment beaucoup plus réduit que les participants de la Coupe de France. Ainsi 42 clubs ont participé à l’édition 2014-15 : 20 de Ligue 1, 20 de Ligue 2 et 2 de « National » (relégués de Ligue 2 la saison précédente et ayant conservé leur statut professionnel). 42, ce n’est pas une puissance de 2 et la suite de cet article abordera la façon dont la Ligue de Football Professionnel a réglé ce problème au cours de la brève histoire de cette compétition.
Un intérêt important des coupes est de confronter des équipes qui n’ont pas l’habitude de se rencontrer dans leur championnat et d’observer si, grâce aux incertitudes du sport et du tirage au sort, les « petits » peuvent se frayer un chemin assez loin dans ces compétitions.
Des quart-de-finalistes plus ou moins bien sélectionnés
Le graphe de la figure 1 indique le nombre de clubs qualifiés pour les quarts de finale4de Coupe de France (CdF, en bleu, pour chaque année depuis 1975) et de Coupe moustache (cm, en rouge, depuis sa première édition en 1995), qui ne soient pas en « Ligue 1 », abrégée L1. Ce nombre vaut au minimum 0 si tous les quart-de-finalistes sont des pensionnaires de L1 et au maximum 8 si tous les clubs de L1 ont été éliminés auparavant.
Figure 1. Nombre de clubs quart-de-finalistes hors-L1 chaque année en Coupe de France (CdF, en bleu) et coupe moustache (cm, en rouge).
Ce graphe semble montrer :
- que le nombre de clubs quart-de-finalistes hors-L1 est plus élevé à partir de 1990 (moyenne de 1975 à 1989 : 2,1 clubs, moyenne de 1990 à 2015 : 3,1 clubs)
- qu’il est plus facile pour des clubs hors-L1 d’accéder aux quarts de finale de la Coupe de France que de la Coupe moustache.
On peut rendre ces résultats plus visibles en effectuant une « moyenne glissante sur trois ans » : pour chaque année n, on prend la moyenne du nombre de quart-de-finalistes hors-L1 sur les années n – 1, n et n + 1. Le graphe obtenu est présenté figure 2 :
Figure 2. Nombre de clubs quarts de finalistes hors-L1 chaque année en Coupe de France (CdF, en bleu) et Coupe moustache (cm, en rouge), en moyenne glissante sur trois ans.
On observe bien une augmentation du nombre de quart-de-finalistes hors-L1 à partir de 1990 et on constate qu’il y a moins de « petits » clubs (hors-L1) en quarts de finale de Coupe de France qu’en quarts de finale de coupe moustache. Par ailleurs, une diminution du nombre de quart-de-finalistes hors-L1 en coupe moustache est visible à partir de 2010.
Comment expliquer ces passionnants phénomènes ? Réponse dans les prochains articles…
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-  On peut généraliser cette méthode d’attribuer le suffixe « moustache » pour désigner un entité dégradée d’une autre : la ville de Châteauroux est Bourges-moustache, le Centre de Recherches de Climatologie de Bourgogne est considéré comme un LSCE-moustache, la physique n’est rien d’autre que des mathématiques-moustache… ↩
- Jusqu’en 2002, les championnats professionnels s’appelaient « Première division » (D1) et « Deuxième division » (D2). Leur nom a été transformé en Ligue 1 et Ligue 2 (par allusion au nom de la Ligue de Football Professionnel qui les organise) : dans cet article, on conservera la dénomination Ligue 1 et Ligue 2, même pour désigner les championnats des années antérieures à 2002. ↩
-  Ou plutôt sa résurrection à partir d’une compétition sans enjeu qui n’intéressait – déjà – personne. ↩
- Ce niveau où il subsiste 8 clubs est choisi assez loin dans la compétition pour que les équipes qui y parviennent aient franchi suffisamment d’obstacles pour que leur performance soit notable et pas trop loin afin d’avoir une statistique significative sur quelques années. ↩
Bonjour
J’attends donc avec impatience les deux autres volets. Toutefois, j’espère que vous avez pris en considération les gains financiers pour les clubs participants à la coupe moustache (ou anti-Luzenac).
J’espère également que vous tiendrez compte de l’impact psychologique pour les petits clubs avec la renommée associée. La CdF leur permet de se montrer, de dire qu’ils existent et d’attirer par une rencontre avec un gros suffisamment de spectateurs pour avoir des finances solides pour un à deux ans. Pour les joueurs, ils savent qu’ils seront observés. C’est également une opportunité à saisir afin d’évoluer dans un niveau supérieur. Bref, tout le monde gagne à devenir vorace. Enfin, toujours sur l’impact psychologique, les clubs de niveau plus important se font justement éliminer car ils prennent les petits de haut avec une équipe bis (pour voir de jeunes ou des systèmes différents), ou avec une mentalité qui ne respectent pas leurs adversaires. la technique ne fait pas tout.