Par Henri Dumas.
Philippe Nemo et Pascal Salin sont deux intelligences cristallines. Le premier a commis, entre autre, un livre-essai Qu’est-ce que l’Occident ? stupéfiant de clarté, de simplicité et de savoir. Accessible pour moi, donc pour tous. Édité une première fois en octobre 2004, l’ouvrage a été réédité en juillet 2013, et il a fait l’objet d’un nouveau tirage en mars 2015. Toutes affaires cessantes, allez le commander sur Amazon, ou chez votre libraire préféré qui, probablement, ne l’aura pas en stock. Non seulement ce livre n’a pas pris une ride, mais il a rajeuni avec le temps. Philippe Nemo prend pour hypothèse que le droit romain, qui a inventé et codifié la propriété privée, a de facto créé la notion d’individu car, pour lui, l’avoir crée l’être. J’adhère à cette hypothèse. L’individu, ainsi contenu en son avoir, serait une spécificité du monde occidental et expliquerait la formidable machine à progrès que celui-ci a été ces derniers siècles. Machine unique sur la planète. J’adhère aussi à cette deuxième hypothèse.
Je suis effectivement conquis par l’idée, ici historiquement démontrée, que le respect de l’individu et donc de sa propriété sont les clefs du progrès et de la richesse d’une société. Sous réserve, évidemment, que la liberté accompagne cette posture et fasse en sorte qu’à aucun moment la possession puisse être le résultat de la force et non de la capacité. L’avoir pour définir l’être ne doit pas être issu d’un pillage mais de la compétence.
Soyons honnête, le livre est plus complexe que mon résumé, des considérations socio-religieuses sont développées, celles-ci ne me convainquent pas, ou pas totalement, mais peu importe elles ne changent pas, pour moi, la brillance de l’hypothèse de base. L’urbanisme actuel en France est une application parfaite de cette pensée.
Urbanisme : vers l’exclusion de l’individu
Au sortir de la dernière guerre, l’urbanisme était pratiquement libre. Celui qui possédait un terrain et les fonds nécessaires construisait ce qu’il voulait. La liberté et la propriété privée étaient en ce domaine respectées. Ce furent les années fastes de l’urbanisme, de la construction. La contrepartie gênante était une utilisation un peu désordonnée de l’espace qui compliquait les dessertes en tout genre, que les politiques commençaient à promettre, alors que précédemment chacun en faisait son affaire.
Vint un moment, vers les années 1970, où de lumineuses intelligences imaginèrent de contraindre l’acte constructif, donc de limiter le droit de propriété, pour éviter une explosion spatiale qu’ils pensaient ne pas savoir gérer. Initialement, cette contrainte était disons raisonnable, supportable. C’était l’époque des plans d’urbanisme portés par les énarques giscardiens. Laissées encore relativement libres, la propriété privée et les individualités qui la composaient ont porté gaillardement l’économie du bâtiment, au point de voir nos entrepreneurs parmi les numéros mondiaux majeurs de cette activité.
À partir des années 1980, les choses ont commencé à se gâter. Une inversion s’est opérée. La propriété des sols est devenue un bien pratiquement collectif. Les opérateurs, des sociétés d’économie mixte, étaient entièrement entre les mains de la collectivité. L’individu a été exclu, d’abord du foncier, puis, plus tard, carrément de l’acte constructif. Jusque, aujourd’hui, au choix même du lieu et de la forme de son habitat privé ou professionnel.
En 2015, les PLU (Plan locaux d’Urbanisme) sont une usine à gaz où chaque mètre carré a une fonction définie qui ne correspond à rien dans le présent, et à moins que rien pour l’avenir des cités qu’ils écrasent de leur bêtise. Les architectes-conseils sont autant de freins à l’énergie et à l’enthousiasme qui sont les fondements de l’acte constructif. L’activité de la construction est anéantie, ruinée, sans qu’il puisse paraître un avantage déterminant à ces mortelles contraintes. Cela engendre une surévaluation de l’existant pénalisant gravement les jeunes français qui ne peuvent plus, raisonnablement, accéder à la propriété personnelle ou professionnelle, alors même que les progrès techniques permettraient de leur bâtir des logements formidables pour des coûts probablement dérisoires. L’urbanisme est une victime de la collectivisation. Il serait aisé de décrire toutes les tares liées à ce constat, connivence, réseaux, passe-droits, corruption, surcoût, erreurs constantes d’objectifs et de résultats, etc.
Conclusion
S’il est un domaine où l’association de l’être et de l’avoir est la seule solution possible pour engendrer richesses et progrès, sans lesquels il ne peut y avoir d’épanouissement, c’est bien celui de l’urbanisme, tant les sommes en jeu et les responsabilités à assumer ne peuvent être diluées dans un magma collectif sans aboutir à l’échec absolu.
Or nous y sommes. L’urbanisme et la construction se meurent du non-respect en ces matières de la propriété privée et de la liberté des individus.
Le moins que l’on puisse dire, c’est que l’avenir ne laisse pas prévoir une amélioration à ce sujet. SCOT et PLU font vivre une armée d’inutiles qui ne sont pas prêts de lâcher l’os et une autre armée de politiques qui ne sont pas prêts, eux non plus, à abandonner le pouvoir qu’ils croient posséder à travers ces outils de casse des libertés individuelles.
Et pourtant, les PLU et autres finesses urbanistiques contraignant la propriété privée et les libertés individuelles sont totalement contraires à notre constitution, à la déclaration des droits de l’homme. Mais qui s’en soucie ? Pas les tribunaux administratifs en tout cas, qui gèrent mal, comme pour le reste, la justice en ce domaine.
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- Lire aussi sur Contrepoints : Qu’est-ce que l’Occident ? de Philippe Nemo.
Le socialisme, le chiraquisme, le sarkozysme : c’est tout d’y même.
Pour changer une fenêtre d’une maison perdue dans les Cévènnes il faut l’autorisation du préfet !!! Le délire administratif français est la seule constante depuis Napoléon III.
Cet article est simple et excellent à la fois.
Malheureusement le vulgum pecus n’en aura pas connaissance.
Il sent bien un malaise diffus qui l’accable quand il veut construire sa maison dans son propre pays et n’y parvient pas, mais il en ignore la cause.
Généralement, il se range à l’idée défendue par la technocratie collectiviste, selon laquelle construire une maison comme l’ont fait des générations avant lui, c’est mal.
Finalement, il n’a guère que ce s’il mérite.
Une cabane à lapin payée trop cher dans un endroit qu’il n’a pas choisi.
Rappelons quelle insulte au bon sens représente l’argument principal de ce collectivisme : si on les laisse libres, les gens construirons les pires horreurs. Argument qui confond ce qui se passe quand on construit chez soi pour soi, avec ce qui se passe quand on laisse les élus décider de ce que les autres devront construire chez eux et faire payer ce conseil.
« La contrepartie gênante était une utilisation un peu désordonnée de l’espace qui compliquait les dessertes en tout genre »
C’est à la limite de l’escroquerie d’esquiver un point aussi capital que celui-là .
A quoi bon disposer chacun de son espace si l’absence d’organisation empêche d’en profiter ?
Je vous inviter à aller faire le commuter en Californie. La RATP à coté c’est que du bonheur.