Dans son dernier essai, l’économiste et philosophe Anthony de Jasay revient sur une critique centrale du livre qui l’a fait connaître des libéraux, L’État (1985).
Certains observateurs lui ont reproché son anthropomorphisme : en effet, dans l’essai précité, l’État est présenté comme un sujet unitaire prenant des décisions comme une personne, calculant en fonction d’intérêts ou de préférences eux-mêmes fondés sur des gains espérés. De Jasay reconnaît sans mal que l’État est traversé d’intérêts concurrents, que son fonctionnement est opaque et compliqué, mais n’abandonne pas pour autant sa position. Au contraire, il préfère la rendre plus claire encore et justifie l’analogie entre État et acteur économique rationnel par l’exemple de la théorie économique de l’entreprise. Cette démarche lui permet ensuite d’expliquer qu’en tant qu’acteur rationnel, l’État cherche toujours à augmenter son pouvoir discrétionnaire.
L’analogie économique
Une entreprise, en particulier quand elle atteint une certaine taille, est une organisation hiérarchique qui fonctionne, comme l’État, par le commandement et l’obéissance.
Le premier échelon de commandement appartient aux propriétaires de l’entreprise qui se font obéir par délégation. Toute désobéissance est sanctionnée en fonction de la gravité de la faute. Au sein de cette organisation top-down, les différents échelons ont une certaine autonomie afin d’être efficaces. La production, le marketing, la gestion du personnel, etc. possèdent une certaine latitude en matière de décision.
Pourtant, comme dans les bureaucraties classiques, tous chercheront à tirer la couverture à eux et à étendre leur domaine de compétence ou leur budget. Cela ne les rend pas pour autant indépendants de l’entreprise. Ce qui vaut ici pour l’entreprise vaut aussi pour l’État.
La question de la maximisation
Continuant son analogie avec la théorie économique de l’entreprise, Anthony de Jasay observe que cette dernière continue d’être traitée comme un sujet unitaire dédié à la recherche du profit maximum. Après tout, c’est bien là l’intérêt d’avoir une entreprise, et les autres buts suggérés par la littérature économique dépendent tous de celui-là .
De Jasay remarque, de manière sceptique, que s’il ne peut pas être prouvé que l’entreprise cherche à maximiser le profit1, on peut tout de même prévoir et comprendre la conduite des entreprises en posant l’hypothèse qu’elles sont à la recherche de ce but unique. La conduite des États, ajoute de Jasay, peut très bien être comprise sous le même angle. Se pose alors la question essentielle du maximand de l’État.
Le maximand de l’État
Se poser la question du maximand de l’État signifie très simplement : quelle est la chose ou la quantité de choses que l’État cherche à accumuler en dernière analyse ?
De Jasay remarque que régulièrement, en histoire comme en théorie politique, divers candidats au maximand se disputent la plus haute marche du podium : l’État cherche-t-il l’expansion territoriale, le pouvoir, plus d’impôts ou plus de sécurité ? James Buchanan, par exemple, soutenait qu’en tant qu’acteur économique unitaire l’État cherchait avant tout à maximiser les rentrées fiscales. Pour de Jasay, l’intérêt du commandement souverain, c’est-à -dire d’être un État, consiste en un pouvoir utilisable de manière discrétionnaire.
Le philosophe insiste sur la différence entre pouvoir et pouvoir discrétionnaire, ce dernier permettant la réalisation d’objectifs plus larges que la simple reproduction du pouvoir (le pouvoir tout court se contente de cet objectif, c’est-à -dire produire l’obéissance d’une population donnée aux commandements d’une autre) : la promotion de certaines valeurs, le patronage des arts, et l’établissement d’une kleptocratie efficace sont des exemples d’objectifs discrétionnaires parmi beaucoup d’autres.
L’improbable État minimalitaire
Pour conclure, Anthony de Jasay revient sur l’idée d’un État « minimalitaire » (Robert Nozick, État, anarchie et Utopie) défendue par les libéraux classiques ou certains libertariens comme Robert Nozick. Si le but de l’État est de maximiser son pouvoir discrétionnaire, alors penser qu’il puisse s’auto-imposer des limites en matière de choix collectifs revient à imaginer qu’il puisse être un acteur anti-étatique dont le but rationnel serait à l’opposé de lui-même2.
Ainsi, si Anthony de Jasay se fait le défenseur d’un « anarchisme » libéral conventionnaliste et humien, c’est avant tout en appliquant avec méticulosité l’acide de l’analyse logique, alliée à un certain scepticisme, sur les théories visant à légitimer l’État de manière un peu trop romantique.
- Anthony de Jasay, Social Justice and the Indian Rope Trick, Liberty Fund, 2015, 189 pages.
Article publié initialement le 27 janvier 2019.
- Dans le sillage de Karl Popper, De Jasay a développé une réflexion intéressante et personnelle sur la question de la falsifiabilité. ↩
- Sur le sujet, lire également : « Governement : bound or unbound ? » in Political Philosophy, clearly. Essays on Freedom and fairness, property and equalities, Liberty Fund, 2010, pp. 3-17. ↩
Le raisonnement présenté ici me paraît peu acceptable.
D’abord le fait qu’on traite l’entreprise comme un sujet unitaire ne permet pas logiquement de faire de même pour un Etat. Ce n’est pas parce que A est traité comme x que cela implique que B soit traité comme x, il manque un lien logique.
Ensuite, même si on admet qu’il existe un lien logique permettant l’analogie, le problème posé est la véracité de la première prémisses. A-t-on le droit de traiter l’entreprise comme un sujet unitaire, cela a-t-il un sens ? Il est clair que dans une entreprise, si chaque individu maximise son intérêt, cela n’implique pas que l’entreprise maximise son intérêt. Je ne vais pas revenir sur la fausseté de l’adage «l’intérêt général est la somme des intérêts particuliers », la littérature économique abonde. On peut même discuter de l’intérêt de l’entreprise qui serait de maximiser ses profits. Cela paraît évident, et pourtant, qu’est-ce que cela signifie ? est-ce les profits sur l’année ? Les profits sur 3 ans ? Il est certain qu’on peut facilement imaginer une entreprise qui maximise ses profits sur 3 ans sans les maximiser sur l’année en cours, ou encore une entreprise qui maximise ses profits sur l’année en cours en empêchant de les maximiser sur 3 ans (exemple : l’entreprise vend une branche alors que deux ans plus tard elle s’avère extrêmement rentable). Il conviendrait donc d’expliciter ce qu’on entend par maximiser les profits. Cependant, on pourra toujours me rétorquer que l’entreprise agit en ayant en tête la maximisation des profits, que ce soit à un an ou à 3 ans, elle veut maximiser ses profits, c’est son objectif. Mais même là , on peut imaginer une entreprise qui préfère faire de la charité, ou sponsorisé un club de sport, en sachant très bien que cela réduire son profit sans contrepartie dans l’avenir, tout simplement parce que l’entreprise est faite d’individus. Mais là encore laissons cela de côté.
Restons sur l’idée qu’il est dans la nature d’une entreprise de chercher à maximiser ses profits. Posons-nous la question de la cause. Pourquoi chercher à maximiser ses profits ? Tout simplement parce qu’elle est concurrence avec d’autres entreprises et qu’elle a besoin soit de mettre en réserve au cas où, soit investir pour se développer, innover, ne pas disparaître à cause de la concurrence. Qu’en est-il maintenant de l’Etat ? Pour quel motif l’Etat chercherait-il a maximiser son pouvoir discrétionnaire ? C’est là que se pose le problème du raisonnement. On comprend bien pourquoi l’auteur a commencé par une analogie avec l’entreprise, elle est nécessaire pour qu’il arrive à sa conclusion, car il n’a aucun motif à nous présenter. Sans parler de la confusion entre intérêt et fonction. Une entreprise en concurrence a intérêt à maximiser son profit, un Etat a pour fonction de disposer d’un pouvoir discrétionnaire. Il serait bon que l’auteur nous éclaire un peu sur le pourquoi : pourquoi un Etat aurait-il intérêt à augmenter son pouvoir discrétionnaire ? Il n’en est pas fait mention dans l’article.
Si ça peut alimenter la réflexion, http://www.contrepoints.org/2013/10/01/141075-meilleure-chose-faire-entreprise-maximiser-ses-profits
Vous faites erreur en considérant l’entreprise comme ayant une personnalité. Une entreprise est possédée par des actionnaires qui ne souhaitent enrichir l’entreprise que pour en tirer eux-mêmes profit (en général financier mais il y a aussi des entrepreneurs qui poursuivent des rêves). Si l’entreprise fait des profits, ils peuvent très bien les investir dans une autre entreprise, ce qui relativise la notion d’entreprise autonome. Par ailleurs il est vrai que les salariés de cette entreprise poursuivent aussi des objectifs individuels mais s’ils mettent en péril l’entreprise, les actionnaires peuvent réagir. Des DG sont virés et le haut management renouvelé (c’est plus dur pour le personnel de plus bas niveau qui est surprotégé par les lois). Pour l’état c’est plus compliqué. Il a une certaine personnalité (constitution) mais il est évident qu’il est aussi le champ d’ambitions personnelles. Ces ambitions cherchent le pouvoir et donc cherchent à maitriser des moyens (un budget aussi élevé que possible) leur permettant de favoriser leur clientèle électorale (le maire veut lever assez d’impôts pour financer son hôpital son…). C’est la raison pour laquelle la sphère de l’état croit inéluctablement.
Il n’y a pas que l’état, il existe des partis politiques en concurrence, utilisant l’état comme un vulgaire outil lorsqu’ils sont au pouvoir, dans le but d’y rester d’une part, d’en faire profiter leurs partisans d’une autre.
Ou comment réintroduire la notion de profit.
Pourquoi l’état à tendance à acroitre ses pouvoirs inexorablement? C’est tout simple : parce qu’il le peut! Le pouvoir, l’oppression, la domination est une concept « liquide » il rempli toujours l’espace qu’on veut bien lui laisser. Hors tous ou presque tout les hommes d’état sont avant tout des hommes dévoré d’ambition d’une part et que l’exercice du pouvoir est comparable à une drogue et comme toute personne abusant de drogue il faut constamment augmenter les doses. Et il ne faut pas oublier l’autre face de la pièce. Il y a énormémént d’individus qui sont incapables d’assouvir directement leur besoin de domination (la plupart du temps par peur ou faiblesse) MAIS trouve dans l’état d’intermédiaire idéal pour l’exercer sans risque par procuration. D’ou la constante demande de plus d’état par une partie importante de la population, j’oserais dire une partie majoritaire de la population. Il faut ajouter que la démocratie est une régime d’autant plus pernitieux qu’il suggère que le pouvoir exercer par les dirigeant est en fait la volonté du peuple et que donc augmenter le pouvoir de nos gouvernant revient à augmenter le pouvoir du peuple, qui oserait aller à l’encontre de la volonté populaire? Ainsi les prises de pouvoirs les plus violentes et liberticides sont toujours prises au nom du peuple sous le fallacieux prétexte du bien commun, éternel excuse pour les spoliations les plus flagrantes.
il me semble que l’auteur fait une erreur fondamentale dans son analyse :
l’entreprise ou l’état n’est qu’un outil pour permettre a des hommes d’atteindre un but , qui peut être individuel ou collectif , bon ou mauvais , mais sans ce but l’outil n’a pas d’intérêt.
pour une entreprise , sont usage entre de mauvaise mains détruit l’outil , la morale est sauve ( sauf si l’entreprise est d’état bien sur)
pour l’état , c’est plus compliqué , l’outil est indestructible , on peut le perfectionner ?
il faut connaitre un truc important , le bon ouvrier a toujours de bons outils car il les choisit consciencieusement et les adapte si nécessaire ….il n’est donc pas très utile de changer le personnel politique lors d’une élection si on ne modifie pas l’outil et c’est ainsi qu’en France d’alternance en alternance rien ne change , la constitution ne permet aucun changement , merci monsieur le général !
Il y a abondance dans l’Histoire d’Etats qui furent détruits.
je fais sans doute une erreur en différenciant , l’appareil administratif donc ‘ l’état’ et le personnel politique que j’appellerai ‘le pouvoir’. je n’ai pas connaissance d’un appareil administratif détruit , tu as un exemple a m’offrir dans l’histoire récente ?
L’Allemagne nazie, l’état a été complètement démantelé.
Non… De nombreux nazis se sont retrouvés dans l’administration après la guerre. On ne pouvait s’en passer. En Allemagne, des nombreux nazis même de haut rang ont continué à vivre en Allemagne avec des pensions. Il a fallu attendre les années 60 pour que cela change. De même en France, les membres de l’administration de Vichy sont restés. François Mitterrand par exemple…
Je pense par contre que dans le cas de la révolution bolchévique ou la révolution francaise, peu ont réussi à se maintenir. Ces révolutions étaient spécifiquement contre le pouvoir en place.
Je ne sais si c’est « récent » pour vous, mais les appareils administratifs de l’empire romain, de l’empire perse, de l’empire chinois (à plusieurs reprises) ont été complètement détruits…
La constitution n’est pas le problème. Aux US la constitution est sensée protégé les individus mais celle ci à été systématiquement piétinée par l’état.
L’état est une sorte de créature de Frankenstein que la population croit pouvoir contrôler mais qui en fait lui échappe totalement et finit par l’asservir. les élections ne servent à rien car seuls certain type d’individus possèdent les qualité nécessaires pour être élue (art du mensonges, de la démagogie, ambition démesuré coupler à un manque de vrai intelligence, un égo démesuré et une absence totale de honte) si bien que l’ensemble du personnel politique agit au final de la même manière. le monstre à une vie et des objectifs propre complétement déconnecté de la société en générale même si de temps à autres il doit envoyer quelques os a ronger à droite à gauche pour calmer certaines ardeurs (dans le passé on aurai envoyé la troupe mais il est plus facile de huiler les problème à coup de dettes au final)
J’aime bien votre façon de penser
On ne peut pas comparer une entreprise avec l’état tout simplement parce que le contexte d’existance est différent. Les entreprises sont soumise à la concurrence et…. à l’état. L’état lui n’est soumit à personne éventuellement il peut être soumit par un autre état mais même dans ce cas là il continue d’exister et de poursuivre grosso modo les même objectifs.
Quels sont ces objectifs? Ils sont simple et vieux comme le monde : le pouvoirs et tout ce qui en découle : l’argent, les femmes, la domination, la satisfactions des égos, l’impunité ect. Bien sur on pourrais m’objecté qu’il est possible d’atteindre ces objectifs de manière privé (chef d’entreprise, sport, arts…) mais il faut pour cela avoir d’une part un certain talent, beaucoup travailler et accepter un certain nombre de règles qui font que ce pouvoir peut vous être contesté à la régulière en permanence. La politiques et le pouvoir étatique, c’est la voix des médiocres, des ambitieux sans talents qui savent que hors du chemin de la coercition il seraient incapables d’assouvir leurs besoin de pouvoir.
Ce ne sont pas des objectifs, ce sont des moteurs : comme le bonus est un moteur du commercial, avec le plaisir de plaire, de gagner …
Le gros problème est qu’un moteur qui dans l’entreprise est considéré comme un atout, sera souvent considéré comme un vice dans l’exercice du pouvoir.
Parce que clairement l’Etat n’est pas une entreprise.
On pourrait même oser que l’état est une anti-entreprise.
Tous les articles de Frédéric Mas sont un régal. J’ai tout particulièrement apprécié ses échanges avec divers intervenants au sujet de l’État managérial
https://www.liberaux.org/index.php/topic/48616-pensee-liberale-vs-pensee-libertaire/page-8#entry738465
Bonne continuation à vous.
Toutes les sociétés, quelles qu’elles soient, ont une structure pyramidale, avec une pointe qui dirige, et une base qui suit. Il n’y a pas d’intention d’emblée collective, car elle est déterminée par la pointe de la structure.
P.S. à propos de « falsifiabilité », empruntée à Karl Popper, elle n’a pas de sens en français. Il faut utiliser le terme de « réfutation ».
Confusion entre but et stratégie.
La raison de vivre d’une entreprise n’est pas de faire des profits, mais d’adresser une opportunité. C’est sa raison sociale dans ses statuts, ce qui définit ce qu’elle est.
De la meme façon l’Etat a une raison sociale : sa constitution.
Lorsqu’une entreprise perd de vue sa raison sociale, elle commence à ne plus vivre que pour elle-même : pour ses employés qui cherchent le maximum de bénéfices, pour les managers qui cherchent le maximum de pouvoir et pour les actionnaires qui cherchent le maximum de profit.
Il en est de même pour l’administration qui finit par devenir un Leviathan.
Mais l’Etat n’est pas l’administration : il ne l’est que dans les démocraties où il n’y a pas de séparation des pouvoirs : la raison sociale de l’Etat n’est pas celle de l’administration.
L’Etat des libéraux classiques n’est pas l’Etat totalitaire des démocraties : il a un objet social moral et non un objet social matériel : de dignité et non d’efficacité.
Sans Etat, il n’existe pas de dignité possible et les gens sont à la merci du premier repère qui leur procurerait sécurité, quelque soit les moyens.
Bonjour
Il n’existe pas d’état, comme il n’existe pas ‘d’entreprise’. Ce sont deux fictions. Seuls existent des individus, leurs passions, leurs buts. Le libéralisme est le seul modèle politique qui prenne en compte les individus. Les autres systèmes sont des faux nez qui masquent les jeux de pouvoir.
Fiction, l’individu en est une autre.
Plus tardive que celle d’Etat.
Il existe une différence fondamentale entre l’État et l’entreprise (privée) de laquelle tout le reste découle.
L’entreprise privée est une organisation humaine volontaire, contrainte de se financer en vendant quelque chose à des clients volontaires. Les membres de l’organisation peuvent la quitter sans avoir à s’expatrier, les clients peuvent s’adresser ailleurs.
L’État est une organisation humaine forcée, financée par la contrainte. Sur le territoire contrôlé par l’organisation étatique, point de droit de sécession, la seule solution c’est de s’expatrier. Les « usagers » n’ont pas le choix. Quels que soient la médiocrité, l’inutilité ou la nocivité des services prétendument rendus, ils doivent payer.
La nécessité absolue de satisfaire des collaborateurs et des clients volontaires pour survivre oblige
les dirigeants de l’entreprise à limiter leurs éventuelles tentations despotiques, bureaucratiques ou népotiques. Se comporter en autocrate, faire perdre leur temps à ses collaborateurs dans des tâches inutiles, placer un neveu incompétent à un poste qu’il ne mérite pas est risqué. Le management peut et doit laisser une certaine autonomie aux collaborateurs à qui on demande avant tout d’être rentables, c’est à dire de rapporter plus que ce qu’ils coûtent. La liberté et la concurrence entre entreprises fait qu’une infinité de méthodes managériales peuvent être testées, améliorées.
Rien de tel avec l’État. Aucune boussole autre que le maintien et l’accroissement de leur pouvoir, que la lutte entre factions rivales pour le partage du butin ne guide les actions de ses dirigeants. Quand bien même voudraient-ils « bien faire » que, sans l’arbitrage d’un marché, sans la confrontation à la nécessité de satisfaire des clients volontaires, ils ne le pourraient pas. Le résultat est que la seule méthode de management disponible est la méthode bureaucratique, nécessaire pour que les agents de l’État exécutent, si possible, la volonté des dirigeants. La hiérarchie fixe des « objectifs » dont il faut justifier de la réalisation (ou non) avec de la paperasse. Le management est basé sur des « instructions », « normes », « indicateurs ». Se comporter en despote, favoriser des incompétents, descendre des collaborateurs capables ne présente aucun risque pour l’organisation. C’est l’une des raisons pour lesquelles le taux de syndicalisation est très supérieur chez les agents de l’État que dans les entreprises privées : les agents cherchent à se prémunir contre les abus, ce qui aboutit naturellement à d’autres abus.
Ce qui est étonnant, c’est que, selon le résumé de Frédéric Mas, Antony de Jasay parviennent à des conclusions si proches de la vérité avec des prémisses aussi fausses. J’apprécie particulièrement l’extrait suivant :
« Si la fin de l’État est de maximiser son pouvoir discrétionnaire, alors penser que l’État puisse s’auto-imposer des limites en matière de choix collectifs revient à imaginer que l’État puisse être un acteur anti-étatique dont le but rationnel serait à l’opposé de celui de l’État ».
Sans oublier que derrière l’État, il y a des individus.
Que veut l’Etat ? Mais nous rendre « meilleurs » pardi !
Sauf que ce n’est pas ce qu’on lui demande…
L’argent n’est pas un but mais le moyen de perpétuer sa subsistance. Le profit peut en réalité revêtir plusieurs apparences et l’analogie qui compare l’état et l’entreprise n’est pas totalement infondée si l’on considère que toute entreprise humaine est irrévocablement non vaine.
L’état a d’ailleurs pour seul but son irrévocable légitimité à conduire « les affaires » et c’est ici son profit le plus précieux, celui qu’il défendra contre vents et marées quitte à asservir la majorité de la population pour le bien de la nation dont il se désire l’alpha et l’oméga, pour son profit.
L’Etat est un organisme vivant. Instinct de survie, prédation et extension de l’espace vital sont son quotidien.
Et si on considérait une administration plutôt comme un cancer ? Un cancer ne « sert » aucun but. Il est juste une formation d’agents (ou de cellules) qui cherchent à proliférer au détriment de l’organisme où il a pris naissance. Dans un tissu normal, les cellules se tiennent les unes aux autres et leur cycle est contrôlé. Dans un cancer, les cellules ont perdu le contact avec les autres et retournent à l’état planctonique, à la division incontrôlée. C’est une formation abberrante, ravageuse, et le plus souvent mortelle pour tout le monde…
@cray c est plutôt un organe utile quand il reste cantonné à ses fonctions de base qui a choppé le cancer et qui metastase de partout.
« Si l’État est fort, il nous écrase. S’il est faible nous périssons. »
(Paul Valéry)