Par Drieu Godefridi

À l’occasion d’un séminaire sur le “genre” récemment organisé à Venise, je me suis trouvé confronté à la question que se posent aujourd’hui de nombreuses personnes qui voyagent : faut-il réserver un hôtel, ou un appartement ?
De prime abord, l’hôtel offre la sécurité d’un choix classique, avec la garantie des commodités de base (lit, boissons, petit-déjeuner). On réserve, on pré-paie par exemple via l’un de ces grands sites de réservation du genre Booking, et on paie sur place suivant le mode de son choix. Rien que de très rassurant.
Pourtant, l’offre des appartements s’étant élargie, il m’a semblé intéressant d’en tenter l’expérience. Qui s’est avérée plus que concluante. Qu’on en juge : pour une surface en plein Venise de 120m2, j’ai payé moins de la moitié de ce que j’aurais payé pour une chambre de 15m2 dans un hôtel de moyenne facture : deux fois moins cher pour huit fois plus grand ! Vue directe sur le Canal Grande, à quelques dizaines de mètres de Campo San Polo. Le propriétaire, un professeur qui s’est installé aux États-Unis, a eu la bonne idée de laisser dans son appartement toutes sortes d’affaires personnelles, dont des centaines de livres, dans plusieurs langues, au lieu d’en faire un endroit aseptisé tout juste bon à enchaîner les locataires. Photos de famille, produits de première nécessité (café, sucre, huile), petit écriteau « les chiens sont bienvenus » : aucun détail ne manque, ce qui fait de cet appartement vénitien, et de très loin, l’endroit le plus charmant que j’aie occupé dans la cité des Doges en plus de 80 séjours.
Même si les lobbys hôteliers entreprennent actuellement les pouvoirs publics pour dresser toutes sortes d’obstacles sur le chemin des particuliers qui souhaitent louer ou échanger leur bien, fût-ce par le truchement d’entreprises Web-based de type Airbnb, il paraît extrêmement douteux que quiconque arrête cette vague de fond, laquelle n’est que l’expression d’une liberté fondamentale : la possibilité pour un individu de louer, fût-ce à très brève échéance, un bien qui lui appartient.

L’argument suprême de toutes les corporations qui démarchent le politique en vue de mettre des bâtons légaux et réglementaires dans les roues de leurs nouveaux concurrents est toujours le même : il faut garantir un minimum de qualité ! Certes. Mais, s’agissant de qualité, à qui feriez-vous le plus confiance : à l’État italien, qui distribue des étoiles aux hôtels, ou aux particuliers du monde entier, comme vous et moi, qui évaluent, chacun pour ce qui le concerne, la qualité du bien qu’ils viennent d’occuper ? Bien sûr, ces “ratings” peuvent être manipulés à la marge. Mais aucun système n’est parfait et, pour ma part, je préfère largement le jugement aggloméré de consommateurs multiples au jugement unique d’un fonctionnaire dûment habilité.
Quoi qu’il en soit, si vous projetez un séjour à Venise, par exemple à l’occasion de la Biennale (ne manquez pas les pavillons du Japon et de la Russie !) pourquoi ne pas tenter l’expérience de l’appartement, qui vous offrira de vivre, non pas en touriste, mais en Vénitien? Bonnes vacances !
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Les propriétaires et les utilisateurs sont satisfaits.
Reste un troisième acteur qui ne l’est pas toujours, les voisins… et c’est peut-être plus vrai dans les immeubles à petite surface et forte résonance du Marais que dans les vastes appartements vénitiens.
J’ai déjà souligné ce point dans un article de H16 du mois de mai, ce à quoi il avait répondu que ce genre de problème devait se régler à travers un règlement de copropriété sans que l’Etat vienne y fourrer son museau ou son groin 🙂
Ceux qui sont dérangés devront faire en sorte d’obtenir une majorité nécessaire au sein d’une copropriété pour “encadrer”l’activité lucrative de leurs voisins à travers une modification de règlement de copropriété (qui a un coût) à voter en AG… ce qui prendra au minimum un an.
Sauf si une majorité de copropriétaires décident d’arrondir leur fin de mois de cette façon, la modification du règlement de copropriété consistera à interdire les locations saisonnières point-barre, non pas parce que le libéralisme déplait aux co-propriétaires mais parce qu’ils refuseront les nuisances liées à une activité qui ne leur rapporte rien. ( nuisances sonores, dégradations des parties communes, diffusion des codes de sécurité etc…)
Ci-joint un article de Camille Pascal paru dans Valeurs Actuelles mais les quartiers chics de Paris ne sont pas les seuls concernés…
http://www.valeursactuelles.com/lenfer-est-pave-par-airbnb-54657
Mais quelle droit à la copropriété de s’immiscer dans l’usage des parties privées ?
Ce que j’aime c’est que la plupart des gens appelent ce révolutionnaire courant qui plait à tout le monde “l’économie du partage”. Ce qui n’est en réalité ni plus ni moins du libéralisme à l’état presque pur.
On décèle dans votre propos une touche d’antilibéralisme… Me tromperais-je?
Je dirais l’inverse.
Moi aussi je suis charmé de voir mes collègues néo-kéynésiens, socialistes, néo-marxistes etc. tous violemment anti-capitalistes / anti-libéraux chanter les louanges de cette “économie du partage”, ces “modes alternatifs d’échange” voir pour certains des “monnaies alternatives” qui “échappent au contrôle des banksters” (mais surtout de l’État et de la banque centrale et qui permettent la naissance de “proto-banques” et d’un système financier parallèle mais surtout libre).
Le plus beau est que tous ces trucs (sauf quand il y a un nom américain trop visible dessus) étant perçus comme “de gauche et anti-capitalistes” les forces de l’Etat et les médias ne luttent pas vraiment contre.
Les bases et mécanismes de la société libérale totale, tendance anarcho-capitaliste est en train de se mettre en place et les socialistes la bichonnent… J’adore
oui, ça fait plaisir, enfin un peut de libéralisme dans ce monde. Il était temps…
Hotel ou appartement : article sympa … j’ ai moi-même aussi déjà beaucoup aimé des adresses/séjours airbnb à New York et à San Francisco. Pourriez-vous partager les détails de l’ appartement que vous avez tant aimé à Venise ?
Bonne journée,
Jean Van den Eynde