Marronnier de saison et point de passage rituel de l’actualité en ce début septembre : c’est la rentrée ! À nouveau se profile ce moment charnière où des paquets d’enfants bigarrés, de collégiens turbulents et de lycéens boutonneux vont transiter des vacances vers l’école et retrouver les temples modernes de l’apprentissage et de la formation pour, essentiellement, relier les points et découvrir ce que Pluto a dans sa gamelle.
Comme à chaque rentrée, les articles de presse se multiplient pour revenir sur les évidentes difficultés que traversent (dans l’ordre) les petits bambins découvrant la maîtresse, les parents quand ils parcourent les listes de fournitures et les rayonnages de magasins bondés, les professeurs lorsqu’ils découvrent leur établissement ou leurs élèves et la ministre lorsqu’elle tente de lire une recette de cuisine. Comme à chaque rentrée, on insistera sur les nouveautés et sur les changements de l’organisation ou des programmes scolaires. Et comme à chaque rentrée, on s’attend bien sûr à quelques communiqués de presse, du ministère ou des syndicats pour dénoncer ceci ou expliquer cela. Rien que de très normal, en somme.
Sauf que cette année, en plus des inévitables articles lacrymogènes du Monde ou de Libération, on sait déjà que ça ne pourra pas bien se passer.
Il faut en effet se rappeler que l’année scolaire précédente s’était soldée par un constat d’échec au sujet de l’actuelle réforme des collèges tant les différents acteurs du dossier s’étaient crispés sur leur position. D’un côté, le corps enseignant, à commencer par les professeurs de lettres (latines et grecques) et ceux de langues, avait compris la mise en pièces de leurs disciplines par le ministère. De l’autre, la ministre, enfilant mensonges et propos dilatoires pour noyer un poisson de plus en plus gros et de plus en plus frétillant, refusait de bouger d’un iota ; sa réforme était en route, rien ne pourrait plus l’arrêter.
On aurait pu croire que les vacances auraient apaisé les tensions. Il n’en est rien. Déjà , la période estivale fut l’occasion pour beaucoup d’enseignants de continuer d’exprimer leur mécontentement, tant sur les réseaux sociaux que dans la boîte à lettre du ministère en lui envoyant l’une ou l’autre carte postale rappelant que l’actuelle réforme ne leur plaît guère. En outre, les vacances furent aussi propices à la préparation d’un inévitable mouvement de grève dont on ne sait pas encore quand il tombera mais qui marquera aussi, avec une régularité saisonnière touchante, la rentrée syndicale.
Notons au passage qu’en marge des grognements de plus en plus vifs liés à la réforme du collège et à la bulldozerization des programmes scolaires, on retrouve dans la bouche des syndicats les sempiternelles demandes d’augmentation de moyens. Quelque part, ces demandes marquent bien l’écart entre la base enseignante inquiète des directions idéologiques prises par l’actuel gouvernement dans l’élaboration des programmes et les syndicats, encore et toujours arc-boutés sur des réclamations financières et humaines : elles apparaissent outrancières au vu de l’état général des finances du pays et du rapport pourtant sans ambiguïté entre l’argent cramé dans l’éducation et les résultats minuscules obtenus en retour.
À ces tensions malgré tout entretenues pendant les vacances et qui promettent de se développer encore dans le mois à venir quand les petits soucis de programme seront connus de tous, il va falloir ajouter celui de la gestion toute politico-médiatique du Conseil Supérieur des Programmes (CSP) par le ministère de l’Éducation Nationale. Le CSP, c’est cet appendice organisationnel ajouté en octobre 2013 par Vincent Peillon, en remplacement plus ou moins heureux du précédent Haut Conseil de l’éducation, lui-même évolution du Conseil national des programmes datant de 1989. L’idée derrière ce comité théodule Conseil, c’est d’avoir un groupe de personnes qui donne son avis (plus ou moins scientifique) et formule des propositions sur les programmes scolaires ; il est normalement indépendant du ministère et les avis rendus doivent permettre d’orienter concrètement les programmes.
La réalité, bien sûr, est un peu plus pastel : depuis son installation, on est à la quatrième démission d’un de ses membres. Et après la démission d’Alain Boissinot, son propre président, qui reprochait à cette structure de ne pas être en capacité de « fabriquer les programmes, très concrètement, à tous les niveaux du système éducatif », c’est au tour d’Annie Genevard de claquer la porte. Pour la député du Doubs, le CSP n’est absolument pas indépendant du ministère (« Chaque semaine, le président du Conseil supérieur des programmes rencontrait un membre du cabinet de la ministre. On est indépendant, ou on ne l’est pas. ») et, en outre, « la feuille de route donnée à ce Conseil n’est pas tenable. Réformer neuf niveaux en même temps est une folie ».
Plus enquiquinant pour le pouvoir en place, on observe depuis le début la multiplication des reproches envers la ministre de partis pris idéologiques et pédagogiques pour l’élaboration de ses programmes ; par exemple en Histoire, on découvre le mélange d’une approche chronologique et d’une approche thématique ou la mise en valeur de certains aspects au détriment d’autres, ce qui n’arrangera rien à la confusion qui règne déjà dans la matière. En français, un projet de programme recommandait dans sa première mouture de respecter la parité entre les auteurs, ce qui posera, on s’en doute, quelques petits soucis dans les textes classiques.
Plus les jours avancent, plus les discussions s’enflamment, plus les fuites des différentes recommandations, circulaires et modifications des programmes laissent entrevoir une réforme qui entraîne encore un peu plus l’enseignement français vers l’abîme. Tout semble ainsi fait pour faire s’évaporer l’excellence, pour que le goût de l’effort et que le niveau d’exigence soit suffisamment abaissés afin de ne laisser personne sans un diplôme, et ce même si sa valeur résiduelle pratique devient nulle.
Devant ces éléments, l’inquiétude est de mise.
On pourra toujours arguer que le corps enseignant a pris conscience des dégâts possibles de cette réforme, puisqu’il bataille déjà âprement pour un retour à des bases plus saines. Cependant, le mouvement est enclenché et la bureaucratie éducative semble tous les jours plus puissante, plus lourde et plus implacable. Et du point de vue des parents consciencieux, on ne peut pas décemment leur demander de tout miser sur la présence d’esprit de professeurs qui, en définitive, devront choisir entre leur carrière et des programmes cohérents, entre leur tranquillité d’esprit (voire leur paye) et un combat de tous les jours pour essayer de faire passer des savoirs que toute l’institution tente de morceler, d’éparpiller et de diluer dans une myriade de sous-matières rigolotes mais parfaitement inutiles.
Autrement dit, la fuite des élèves de familles les moins défavorisées vers le privé continuera, s’accentuera même. Ceux qui le pourront mettront leurs enfants dans le privé sous contrat, puis hors contrat, le mal s’étendant, montrant à tous que chaque nouvelle réforme, chaque nouvelle dose massive d’idéologie, de collectivisme et de nivellement par le bas sera une raison supplémentaire pour pousser les parents à reprendre en main l’éducation de leurs enfants. La rentrée 2015 devrait voir le mouvement de repli des parents vers le privé, ou vers l’auto-éducation (à la maison) atteindre de nouveaux sommets.
Jamais le décalage n’aura été aussi fort entre ce que les individus réclament, ce qu’ils payent avec leurs impôts et leur travail, et ce que l’État leur jette au visage.
Là encore, force est de conclure que ça va forcément bien se passer.
—-
Sur le web
La dernière phrase du 1er lien m’a tué 😀 😀 😀
« Hé ! La ministre, t’as oublié le truc vanillé ! »
L’Education Nationale française est l’un des plus des plus gros employeurs du monde, du MONDE !!!!
Avec aujourd’hui un résultat catastrophique et totalement déconnecté des réalités professionnelles de notre temps. C’est un truc de fou quand on compare les effectifs avec ceux des autres pays et encore je ne parle pas des ratios professeurs/élèves, là on fait une crise cardiaque.
Nous n’avons pas besoin de plus de personnels d’ans l’EN, pas de plus d’instituteurs, institutrices ou machin truc pédagogique. Nous avons seulement besoin d’une optimisation de nos effectifs. Tomber en dessous du million ne serait pas choquant.
Et qu’on mette enfin le chèque éducation en place !!!
Autant je suis d’accord avec l’auteur sur la plupart des points, autant son utilisation de certains chiffres est plus que contestable. Après tout, Churchill ne disait-il pas qu’il ne croyait qu’aux statistiques qu’il avait truqué lui-même ??? Le tableau du figaro est totalement faux, et cela a été amplement démontré depuis belle lurette. Il est issu de l’ifrap, qui, en l’occurrence, aurait mieux fait de vérifier ses sources. Renseignements pris dans les statistiques étatiques européennes et nationales :
France : 855 000 enseignants en 2015 (15 000 de plus qu’en 2012, ce qui en dit long sur les 60 000 postes de plus de Hollande …) pour 12,5 millions d’élèves, pas 10,5…
Allemagne : 8,5 millions d’élèves, pas 10,5 millions.
G-B : 9,5 millions d’élèves, pas 10,5.
On ne peut baser de comparaison juste sur des chiffres faux. Qu’on aime ou pas le système actuel, il n’en reste pas moins que les taux d’encadrements des élèves sont les plus mauvais en France. Toutes les classes urbaines de primaire et du secondaire (sauf en REP et REP +) sont presque à 30. En Espagne, en Allemagne et en G-B, c’est très loin d’être le cas.
Totalement faux le tableau ? Peut être, je n’en sais rien. Les citoyens doivent exiger du pouvoir des données incontestables de comparaison entre la France et d’autres grands pays.cest du benchmarking, une pratique courante et efficace dans les grandes entreprises. Peut être que la réalité est si calamiteuse qu’on ne veut surtout pas en parler.
Les deux pays ont environ 10.5 millions de jeunes dans la classe 0-14. Où partent les 2 millions d’Allemands qui disparaissent de l’école entre 15 et 18 ? En apprentissage ?
Nombre d’élèves : Non, les chiffres sont donnés hors maternelle et enseignement supérieur… puisque pratiquement tous les enseignants du supérieur ne font plus partie de l’éducation nationale.
Le MEN a fait diminué ses chiffres concernant son personnel en logeant une partie de celui-ci (300,000) dans des EPA (Etablissement Public à Caractère Administratif) qui sont payés par d’autres (communes, départements, régions).
Il y a en france 50% d’établissements en plus à nombre d’élèves pratiquement identique.
On dépense en france plus de 140Mds pour l’enseignement et c’est 2 à 2.5 fois le budget de l’EN.
vérifiez vous même :
http://cache.media.education.gouv.fr/file/2015/67/6/depp_rers_2015_454676.pdf
http://www.education.gouv.fr/cid92069/annee-scolaire-2015-2016.html
les chiffres du tableau figaro/ifrap sont corrects, et même un peu trop élevés en ce qui concerne le nombre d’élèves
12,3 M élèves de la maternelle au lycée (2nd lien) dont 2,6 M en maternelle (1er lien), ça laisse 9,7 M d’élève du primaire+secondaire
855 000 enseignants selon le second lien, 926 000 selon le premier. Va comprendre Charles… La différence pourrait s’expliquer par les enseignants de maternelle
et votre chiffre d’élèves par classes est faux. les officiels sont dans le second lien
25,7 élève par classe en maternelle
23 en primaire
24.8 au collège
19.3 en lycée pro
29.9 en lycée général et techno
« En français, un projet de programme recommandait dans sa première mouture de respecter la parité entre les auteurs, ce qui posera, on s’en doute, quelques petits soucis dans les textes classiques. »
et heureusement que l’on ne fait pas la même chose pour les sciences !…
et Carl Dinesen (Karen Blixen) et Georges Sand, comptent dans quel camp?
Ou pour la philosophie !!!
En France, nous avons beaucoup d’organismes « indépendants »….
C’est surtout le personnel administratif qui nous tue. Beaucoup de paperasse et de règles rien que pour justifier leur embauche, pourrissant la vie des élèves.
Et les responsables syndicaux, payés par nos impôts alors que ça fait longtemps qu’ils n’ont pas vu un élève de près.
Sur le principe, c’est vrai, mais selon le ministère, ça ne représente qu’environ 4000 ETP (Equivalent Temps Plein). Certes, il serait souhaitable de revoir ce système, mais il ne faudra pas en attendre de miracles…
Par contre, faire passer tous les agrégés à 18 h de cours SANS augmentation de salaire, y aurait de quoi économiser 30 000 postes au bas mot, et quelques milliards en perspective. Mais qui aura ce courage ???
ça m’a toujours surpris le 18H pour les profs certifié et 15h pour les agrégés.
Je sais que l’explication donnée est  » le reste du temps est utilisé pour préparer les cours ».
Autant le temps de correction de copies est un temps incompressible.
Mais ne peuvent-ils pas automatiser les préparations de cours,TP,enoncés d’examens par section ou matiere? N’ont-ils pas mis en place des corpus en ligne avec les préparations des professeurs des années précédentes par exemple?
Au lieu de demander plus de prof, demander de la modernisation et automatisation, vous gagnerez du temps pour faire plus de cours et donc reduire le nombre d’eleves par classe par exemple ou un meilleur suivi des éleves en difficultés.
Ne pas être bien intelligent c’est un leitmotive de nos ministres de Gauche : après la ministre de la culture qui ne lit pas un livre, la ministre de l’éducation qui se fait reprendre par une élève, lorsuq’elle lit une recette avec hésitation « Mais tu ne sais pas lire ? », froid dans la salle ..comme Chevènement ministre de l’éducation présentant, son livre chez Pivot(il y a longtemps-je n’oublie rien) -Quel est le liminaire de votre live : Le ministre « Qué ! » -le liminaire « Quoi ? », mais enfin Mr. le Ministre !
@ Sam Player : je suis de votre avis, on nous cache bien des chiffres. 1 600 000 les fonctionnaires de l’éducation nationale.
J’ai lu que 400 000 étaient détachés, des amis que l’on met dans des placards, pour leur permettre de percevoir le salaire tout en exerçant une autre fonction rémunérée. Ils sont payés par l’éducation nationale, mais sont-ils comptés comme de l’éducation ou pour leur nouvelle fonction ? (je pense que c’est le dernier point, mais nécessite d’être sûr)..Sinon on aurait le tourni / 2 000 000Fonctionnaires pour la seule éducation nationale.. Pour des résultats catastrophiques.
C’est quoi ce chèque éducation dont vous parlez ?