Par Michel Ghazal.
Une belle petite fille tenait une pomme avec chacune de ses deux mains quand sa maman est entrée dans la pièce. Avec un grand sourire, cette dernière lui dit gentiment : ma chérie, veux-tu bien donner à maman une de tes deux pommes ? La fille regarda sa mère pendant quelques secondes, puis, soudainement, croqua une bouchée de la première pomme qu’elle entrepris d’avaler rapidement. Le sourire de la maman s’est figé sur son visage. À peine la fille avait-elle fini, qu’elle s’empressa cette fois de mordre une bouchée de la deuxième pomme. Là , la mère avait de plus en plus de mal à cacher sa déception. C’est alors que la petite fille tendit une des deux pommes à sa maman en disant : tiens maman, celle-ci est la plus bonne.
Cette anecdote est révélatrice d’un des obstacles majeurs à la réussite dans la gestion négociée d’un conflit : les jugements hâtifs. En effet, les différends et les disputes ne reposent pas sur des réalités objectives. Bien souvent, ce qui est en cause ce sont les pensées différentes qu’en ont les parties en présence. Or, ces pensées sont déterminées par les perceptions qu’elles se sont forgées de la situation et qui vont les conduire à une certaine vision de la réalité.
Or, comme cette anecdote le montre, nos perceptions sont forcément partisanes et biaisées et ne reflètent pas toujours LA vérité. Notez la différence entre l’intention de la petite fille et l’interprétation vraisemblable que la mère en a faite. Plus généralement, les gens ne voient que ce qu’ils veulent voir. Des informations mises à leur disposition, ils vont retenir celles qui confirment leurs premières impressions et occulter celles qui les obligeraient à les remettre en question. Cinq témoins d’un accident de voitures vont rapporter des histoires tellement différentes que les enquêteurs peuvent parfois être amenés à se demander si ceux-ci ont assisté au même événement.
Comment dépasser cet obstacle ?
Même s’il s’agit d’un talent qui n’est pas donné à tous, surmonter cet obstacle nécessite d’être capable de suspendre son jugement et chercher parallèlement à comprendre la vision et la perception de l’autre. Pour y parvenir, le négociateur efficace va s’efforcer de suivre 5 étapes :
- Suspendre son jugement
Plus nous sommes sûr de notre fait, plus l’affaire nous paraîtra entendue et plus nous aurons des difficultés à accepter de mettre momentanément entre parenthèse notre jugement et de le différer. Pour y parvenir, il convient de négocier avec cette voix interne qui nous répète sans cesse que nous avons raison et que l’autre a tort et que donc il n’y a rien à apprendre.
- Se mettre dans la peau de l’autre
Comment changer la vision de quelqu’un si nous ne savons pas sur quoi elle repose. Se mettre dans la peau de l’autre va au-delà de chercher à l’écouter. C’est devenir « l’autre » pour réellement et sans jugement s’imprégner complètement de l’intérieur de son mode de fonctionnement. C’est la condition sine qua non pour exercer une quelconque influence sur lui.
- Adopter une attitude d’enquêteur
Plutôt que d’être aveuglé par nos certitudes, se laisser guider par notre curiosité. Pour cela, adopter l’attitude de l’enquêteur toujours ouvert à apprendre avant d’arrêter une conclusion. Pour cela, poser des questions et attendre la réponse. Cela peut prendre cette forme : « Aidez-moi à comprendre, pouvez-vous m’expliquer qu’elles sont les raisons … »
- Exprimer sa compréhension
Pour avoir une chance d’être écouté et compris par notre interlocuteur, il convient en premier de lui montrer de l’écoute et de la compréhension. Donc, comprenez-le d’abord en reformulant ce qu’il a dit et ce que vous avez compris avant de chercher à vous en faire comprendre. Rappelons-le, comprendre l’autre ne signifie ni être d’accord ni adhérer même si cela peut conduire à réviser notre point de vue.
- Co-inventer une solution
Dès que les perceptions différentes ont pu être exprimées et ont été reconnues, cela provoque un changement dans l’esprit des parties en présence. Dès lors, une ou des pistes de solutions permettant de régler le différend de manière satisfaisante pour tous apparaissent. C’est toute la magie de la négociation efficace qui opère.
En conclusion
Qui que nous soyons, aussi expérimenté que nous puissions être, et combien même nous pensons a priori être bien informé, évitons les jugements hâtifs et laissons nous guider par le désir d’apprendre. Non seulement nous pourrons récolter d’agréables surprises mais, de surcroît, nos relations sortiront renforcées avec une plus grande capacité pour gérer les inévitables désaccords dans le futur.
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Les lecteurs ont bien appris la leçon et n’ont pas émis de jugements hâtifs. 😀
Merci, excellent article. Si tout le monde lisait « getting to yes » nous serions tous plus heureux.
Non: lire ça ne sert pas à grand chose, dans ces relations. Il ne faut pas que ce soit une technique mais bien le résultat d’une réflexion sur son vécu: on a alors les outils les meilleurs pour soi-même, avec sa propre sincérité, ses propres convictions, et les conséquences jouent en feed-back positif. Aucun livre ne vous donnerait cette (auto)motivation.
Lisez le bouquin d’abord, on en reparlera après. Cela vous permettra d’éviter les jugements hâtifs ?
@ « zefran » et @ « Moi »,
O.K. Je fais amende honorable! Il est très fréquemment utile de lire et, en l’occurrence, surtout ce qui peut remettre en cause des idées, attitudes ou comportements habituels.
Je pensais surtout que « juger » est difficile et souvent inutile, et le terme de « conclusions » de la réflexion me plait plus, certaines s’accompagnant souvent d’un « ? ».
Je ne connais personne qui n’a pas le vécu pour comprendre qu’il faut éviter de sauter aux conclusions. Ce qui manque à beaucoup, c’est une prise de conscience. Les gens n’y pensent pas, c’est aussi simple que ça. Du coup, de tels livres ont tout de même une certaine utilité.
si faut pas faire de jugement à tif pourquoi es juges y zont une perruque?????POURQUOI????
Écouter sans juger les auditeurs. Le jugement perso ne sert à rien, il est absolument inutile de raconter son jugement personnel