Par Nafy-Nathalie.
Roger Quilliot, ministre du Logement et de l’urbanisme (gouvernement Mauroy – Mitterrand) est à l’origine d’une loi du 22 juin 1982 qui fut la première loi réglementant réellement les rapports locatifs dans le cadre d’un bail d’habitation. Elle imposait l’obligation de rédaction d’un contrat de bail avec précision de la répartition des charges, la souscription d’une assurance contre les risques locatifs. Elle a aussi créé le droit au logement opposable, réinstauré un contrôle des loyers et rendu plus difficile l’expulsion des locataires même en cas d’impayés. Ces mesures qui révolutionnaient l’immobilier ont eu deux effets négatifs : la chute immédiate des constructions de logements locatifs privés et l’impossibilité de se loger pour les locataires les moins fortunés. Toutes les lois qui ont suivi sont venues essayer d’améliorer et corriger les déséquilibres entraînés par la loi Quilliot.
Le 6 juillet 1989 dite « loi Mermaz », du nom du Président du groupe socialiste à l’assemblée entre 1988 et 1990, introduit le droit de disposer d’un local d’habitation conforme à la dignité humaine. Cependant, la construction de logements plus confortables a également des répercussions sur les coûts des loyers qui sont en augmentation. La persistance de la crise de l’emploi fait que le logement devient un secteur central et problématique des politiques de lutte contre la pauvreté et l’exclusion. La loi Alur intervient dans ce contexte et la question de son apport réel sur le secteur locatif peut se poser.
Avant la loi Alur, il n’existait aucun texte encadrant spécifiquement la location meublée qui était définie plus ou moins comme «un logement décent et garni d’un mobilier suffisant pour permettre la vie courante ». Les relations entre bailleur et locataire, elles, relevaient du Code civil. L’avantage de ce type de location était donc principalement la souplesse des règles et une rentabilité meilleure. Madame Duflot a mis bon ordre à tout ça en soumettant le statut de la location meublée, à titre de résidence principale, aux mêmes obligations que celui de la location nue à quelques exceptions près. La définition donnée par la loi Alur au logement dit « meublé » en tant que résidence principale du locataire est celle d’ « un logement décent équipé d’un mobilier en nombre et en qualité suffisants pour permettre au locataire d’y dormir, manger et vivre convenablement au regard des exigences de la vie courante ». L’idée est de pouvoir venir avec une valise et de s’installer directement ; à défaut, la sanction est la requalification de la location meublée en nue par le juge. La rédaction de cet « inventaire et un état détaillé du mobilier » est à annexer à tous les baux signés à partir du 1er septembre prochain et la liste des éléments de mobilier précis a été fixée par le décret du 31 juillet 2015. Cette avancée qui ne fait que consacrer la jurisprudence existante finalement ne provoque même pas un léger soubresaut.
La location meublée conserve sa souplesse concernant la durée du bail : 9 mois pour les étudiants, 1 an minimum pour les autres. Ses modalités de résiliation s’alignent sur celles du vide hormis pour les délais. Le bailleur peut donner congé au locataire à la date anniversaire du bail avec un préavis de trois mois contre six mois en location vide. La loi Alur rendait la mesure applicable aux contrats souscrits après le 8 août 2015. La loi Macron du 6 août 2015 l’étend à tous les contrats quelle que soit leur date de signature. Pour le locataire, elle est possible à tout moment à condition de respecter un préavis de trois mois ramené à 1 mois dans les zones tendues et les meublés. On ne trouvera donc pas ici le bouleversement espéré.
Peut-être que le formalisme du bail révolutionnera le système ? Depuis le 1er août 2015, et dans un souci de normalisation, la loi Alur impose également, pour la location nue ou meublée d’utiliser les modèles types de contrats publiés par décret du 29 mai 2015 et qui comprennent des nouvelles mentions obligatoires à savoir : le nom du locataire, les équipements, montant et description des travaux effectués depuis la fin du dernier contrat ou du dernier renouvellement ainsi que, le cas échéant, ceux à réaliser, par qui et avec quels impacts sur le prix à venir, montant du loyer de référence dans la zone où est situé le logement, montant du dernier loyer acquitté par l’ancien locataire. À ces contrats, il faut également annexer une note décrivant les droits et obligations du locataire et du propriétaire, lesquels sont tout à fait classiques. Tout le monde connaît les baux du style Tissot utilisés par beaucoup de professionnels et de particuliers. Cette avancée ne casse pas 3 pattes à un canard non plus.
Quant aux pièces annexes au bail, l’article 3-3 de la loi du 6 juillet 1989, introduit par la loi Alur, prévoit qu’un état de l’installation intérieure d’électricité et de gaz devra être annexé au contrat de location selon les modalités d’application qui devront être définies avant 2020… oui, on a le temps de voir venir. L’état des lieux, lui, peut être complété à la demande du locataire dans les 10 jours de sa réalisation au moment de l’entrée, ce qui n’a rien de nouveau non plus puisque la jurisprudence l’admettait tout à fait. Une fuite sur radiateur de chauffage ne pouvait pas, par exemple, être constatée hors période de chauffe. De même est-il impossible de vérifier le bon fonctionnement de l’installation électrique si les ampoules sont grillées. Bref ! Pas de grand chamboulement pour le moment mais on ne connait pas encore le modèle d’état des lieux que le Conseil d’État doit définir, ni le contenu du décret relatif à la grille de vétusté qui devra être fixée afin qu’il n’y ait plus d’ambiguïté sur les modalités de retenues sur le dépôt de garantie en cas de dégradation.
Concernant le loyer, il s’encadre à la relocation pour la location meublée depuis le 1er août 2014, comme cela est déjà le cas pour la location vide depuis juillet 2012. Mais l’encadrement des loyers voté en mars 2014 a été suspendu et n’est plus appliqué qu’à titre expérimental à Paris depuis le 1er août avec un impact faible. Par contre, l’indexation du loyer perd son caractère rétroactif, ce qui n’amène pas grand-chose au final. Il est à noter que le paiement des charges peut être forfaitaire pour le meublé, ce qui consacre également une pratique puisque du fait de la durée des baux, la régularisation des charges intervenait souvent plusieurs mois après le départ du locataire. On pourrait s’attarder sur la fixation des délais de contestation du loyer et des charges par le locataire du loyer, porté à un délai curieux de 3 ans après la signature du bail et donc à une durée supérieure au bail lui-même pour les baux meublés, évoquer son impact psychologique pour les propriétaires. On ne le fera pas, car dans les faits, les locataires entament rarement une procédure, et encore moins pour de faibles montants. La gratuité de la délivrance des quittances de loyer est consacrée mais elle était déjà obligatoire. Le dépôt de garantie est réduit à un maximum de 2 mois de loyer hors charges pour le meublé contre 1 seul en vide. Il doit être remboursé dans les 2 mois qui suivent la restitution des clefs, ramené à 1 mois si aucune dégradation n’a été constatée lors l’état des lieux de sortie.
La Garantie universelle des loyers (GUL), mesure phare très controversée, devait être mise en place au 1er janvier 2016. Nous attendons son abrogation et son remplacement par une caution solidaire de l’État au bénéfice des locataires les plus en difficulté. Ce n’est pas là non plus que nous aurons le grand chambardement annoncé et attendu.
Par contre, on note qu’en cas de sous-location, le locataire doit transmettre au sous-locataire l’autorisation écrite du propriétaire et la copie du bail, ce qui était plus ou moins le cas puisque le locataire devait obtenir l’autorisation préalable du propriétaire avant de sous-louer. Le nouveau statut de la colocation s’applique à la location meublée comme au vide. Par exemple, la solidarité du colocataire sortant cesse au plus tard six mois après la fin de son préavis. C’est bien, mais cela n’apporte pas grand-chose non plus. La Commission départementale de conciliation (CDC) est compétente pour les litiges relatifs aux loyers, aux congés, à l’état des lieux et du mobilier, au dépôt de garantie, aux charges, aux réparations et ainsi qu’aux caractéristiques de décence. Bref !
La seule vraie innovation de cette loi semble être, pour la location, dans le plafonnement des honoraires avec la certitude qu’elle va dans le sens contraire de l’effet souhaité.
À la question de savoir ce que va changer la loi Alur à la location vide ou meublée pour les propriétaires ou locataires, la réponse est tout simplement « pas grand-chose ». Les investisseurs ne s’y sont d’ailleurs pas trompés et c’est la raison pour laquelle, rassurés par le détricotage de la loi, ils recommencent à investir même si le locatif stagne comme l’indique Les Echos.
Jusqu’au milieu du XIXème siècle, le logement est une question d’ordre privé, l’État n’intervient pas. Il est notable que la première cité ouvrière a été construite par des personnes privées. Mais l’État, confronté à l’urgence de trouver une solution au logement dans les villes, s’est occupé de construire des cités pour les ouvriers, des cités pour accueillir les ruraux, recevoir les immigrés, de donner un logement décent aux plus pauvres, pousser par des aides à la propriété et ainsi de suite. Son intervention a créé des déséquilibres accentués la plupart du temps par les interventions en vue de les rectifier. La prolifération des lois, décrets, amendements autour du logement depuis le 19ème est étourdissante et ne résout rien. Réglementer n’est pas la solution. Il faudrait au minimum cesser de le faire, au mieux, libérer mais l’erreur est humaine et persister semble être le fait de nos politiques.
Laisser un commentaire
Créer un compte