Par Patrick Coquart.
Un article de l’Institut Économique Molinari
Après l’exemple de la prison, regardons quelles ont été les autres réformes sociales liées à la Big Society.
Commençons par le domaine de l’emploi. En juin 2011, le gouvernement Cameron lançait le Work Programme. Il s’agissait « d’ouvrir le service public d’accompagnement personnalisé au retour à l’emploi à des prestataires indépendants issus du secteur privé ou du tiers secteur ». N’étaient concernés par le programme que les demandeurs d’emploi de longue durée ou à employabilité réduite.
Selon le principe du payment by results (PbR) déjà évoqué, les prestataires retenus sont payés au résultat. Ils reçoivent de 400 à 500 livres lors de la prise en charge du chômeur. Le complément – plusieurs milliers de livres et jusqu’à 13 800 livres selon la complexité du reclassement – n’est payé que lorsque la personne a retrouvé un emploi stable.
Le Work Programme devait permettre un retour à l’emploi plus efficace des chômeurs, grâce au paiement au résultat, à l’autonomie et à la diversité des prestataires. Son bilan est jugé mitigé par l’Institut de l’entreprise.
En effet, les chômeurs ayant retrouvé un emploi pérenne grâce au dispositif étaient peu nombreux. Moins d’un sur six lors du premier bilan en 2013. Cependant, les résultats semblaient s’améliorer avec le temps pour tourner actuellement autour d’un chômeur sur trois ayant retrouvé un emploi. Rappelons tout de même que le programme concerne les chômeurs de longue durée, par définition les plus éloignés de l’emploi.
Ce bilan mitigé pourrait également s’expliquer par « certaines erreurs de planification commises par le ministère de l’Emploi lui-même ». Le phénomène existe également en France où Pôle Emploi sous-traite l’accompagnement de demandeurs d’emploi à des prestataires privés. Comme leurs collègues français, les Britanniques ont eu beaucoup de mal à s’organiser car les flux de chômeurs à suivre n’étaient pas ceux promis par l’administration.
En janvier 2013, le gouvernement Cameron a fait voter le Public Services Social Value Act afin d’accroître la part des associations parmi les prestataires, de faciliter l’échange des bonnes pratiques et mieux structurer les contrats liant l’administration aux prestataires.
Toujours est-il que le chômage atteint aujourd’hui ses plus bas au Royaume-Uni, avec moins de 6 % de la population active. Sous le gouvernement Cameron, il a baissé de 25 %. Le Work Programme n’y est peut-être pas pour grand-chose, mais les résultats sont là . Et il est plus que probable que l’obligation faite à de nombreux chômeurs « de retrouver un emploi pour continuer à toucher les allocations auxquelles ils pouvaient prétendre  » ait contribué à réduire leur nombre.
Dans le domaine de la santé, Cameron a souhaité une restructuration d’ampleur du National Health Service (NHS) avec trois mesures. Avec la première, « au niveau local, il s’agit de donner davantage de responsabilités directes aux médecins traitants eux-mêmes pour gérer et dépenser les fonds qui leur sont alloués. 60% du budget du NHS doit ainsi passer en gestion directe, et permettre aux praticiens de redéfinir le service offert ». L’objectif est, bien sûr, de diminuer la bureaucratie intermédiaire.
La deuxième mesure est la création d’une agence nationale (NHS England), indépendante du gouvernement, afin « d’élaborer une stratégie de long terme », coproduite avec les citoyens et fondée non pas sur les réductions de coûts, « mais sur la manière de fournir différemment les soins ». Enfin, troisième mesure, introduire davantage de concurrence dans les services du NHS et y accroître la place du secteur privé.
Cette réforme du NHS ne s’est pas faite sans douleur. Les débats ont été longs (plus de 14 mois) et houleux. Il faut dire que le NHS, selon le mot de l’ancien chancelier de l’Échiquier, Nigel Lawson, est l’équivalent d’une religion nationale. Y toucher soulève immédiatement les passions. Par ailleurs, cette réforme ne figurait pas dans le programme de la coalition menée par Cameron qui, au contraire, s’était engagée à mettre fin aux incessantes réorganisations du NHS. C’est ainsi que plusieurs des mesures initiales de la réforme ont été atténuées.
Finalement, la réforme du système éducatif a servi d’exemple, et le pouvoir a été transféré des professionnels de santé vers les patients en développant la transparence à tous les niveaux. « Les patients sont désormais informés, via internet, de la durée moyenne d’attente par hôpital, des taux de mortalité pour chaque chirurgien, ou de la rémunération des médecins de famille, tandis que des inspections ont été conduites dans les cabinets médicaux pour la première fois depuis 65 ans, avant de voir leurs résultats rendus publics ».
Le gouvernement a également lancé les « budgets personnels de santé » (personal healthcare budgets) pour les personnes en affection de longue durée. Il s’agit de leur attribuer, chaque année, une somme monétaire qu’elles pourront ensuite dépenser auprès du prestataire de leur choix.
Autre sujet auquel s’est attaqué le gouvernement britannique, celui des allocations sociales. Il a d’abord fait le constat que « le système social actuel, du fait notamment de l’existence d’une cinquantaine d’allocations différentes, pénalise le travail et enferme les bénéficiaires de l’aide sociale dans la dépendance, le chômage et la pauvreté, tout en induisant des coûts de fonctionnement élevés ». Il a alors réfléchi à la mise en place d’une allocation unique, appelée Universal Credit, en remplacement des prestations existantes destinées aux personnes en âge de travailler.
Mais, comme l’indique l’étude de l’Institut de l’entreprise, la mise en place de l’Universal Credit a connu de « nombreuses déconvenues, liées notamment à un système informatique inefficace. La capacité du gouvernement à faire migrer vers ce système 2,9 millions de bénéficiaires à l’horizon 2017 demeure aujourd’hui incertaine ». La réforme la plus structurante dans le domaine du workfare pourrait ainsi être repoussée aux calendes grecques, voire abandonnée.
À suivre…
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