Que d’évolutions depuis notre dernière note de la mi-juillet ! Alors que les estimations de la demande de pétrole étaient revues à la hausse, le baril a rechuté fin août pour atteindre les plus bas niveaux depuis janvier 2009…
Par Aymeric de Villaret
Que s’est-il passé ? À quoi pouvons-nous nous attendre ? Faire des prévisions sur les cours du baril a toujours été un exercice périlleux. Il y a (et il y aura) toujours des éléments plaidant pour une hausse et d’autres pour une baisse : les fondamentaux, le sentiment sans oublier les flux financiers.
Cours du baril : où en est-on ? Le rebond semble n’avoir été qu’un feu de paille
Alors que la guerre des prix enclenchée par l’Arabie Saoudite semblait porter des fruits avec un remarquable rebond (+33%) du baril de janvier (le 13, Brent à 45,13$/b) à avril 2015 (66,69$, le 29), force est de constater que depuis le baril a reperdu et même plus que son rebond :
Évolution des cours du Brent (en $/b) depuis janvier 2008 et depuis janvier 2015
Fin août (du 24 au 26), le baril de Brent a même approché la limite des 40$, passant sous la barre des 42$, ce qui n’était pas arrivé depuis janvier 2009, lors de la précédente chute du baril.
La guerre des prix continue !
Production OPEP aux plus hauts
En effet, l’OPEP, malgré la nouvelle chute des cours du brut, persiste dans sa volonté de maintenir ses parts de marché, et les dernières données de l’AIE et de l’OPEP montrent clairement surtout de la part de l’Arabie Saoudite, une production aux plus hauts :
Source : rapport OPEP septembre 2015
Ainsi l’Arabie Saoudite en août 2015 a produit 10,36 Mb/j, un niveau que le royaume n’avait pas atteint depuis plus de 7 ans.
Et comme le montre le tableau ci-dessous, la part de marché de l’OPEP progresse, car (nous le verrons plus loin dans ce billet) la production américaine commence à reculer :
Source : rapport OPEP septembre 2015
En effet selon le rapport de l’OPEP, l’offre globale de pétrole mondiale en août aurait baissé de 0,53 Mb/j à 94,62 Mb/j par rapport en septembre alors que la production OPEP a augmenté.
Après la forte chute, vers une stabilité des forages aux États-Unis ?
Depuis ce début d’année, les investisseurs tant industriels que financiers ont eu les yeux fixés sur l’évolution des forages aux États-Unis, puisque ces derniers réagissent extrêmement rapidement à celle des cours du baril et sont censés être un signe avancé de la production future de l’huile de schiste américaine.
D’ailleurs on l’a bien vu avec la chute du nombre de rigs de gaz en 2008-2009 et de ceux du pétrole à partir du moment du déclenchement de la guerre des prix de la part de l’Arabie Saoudite.
Évolution du nombre de rigs de forage aux États-Unis
de 1987 au 11/09 et depuis octobre 2015 juste de ceux de pétrole
Le graphe ci-après montre bien que la baisse du nombre de rigs s’est arrêtée mi-juin avant une petite progression et de nouveau un déclin.
Évolution du nombre de rigs de forage aux États-Unis depuis le 24/04/2015
Cela incite à penser qu’aux niveaux de baril actuels, seuls sont mis en forage, des puits « profitables » et que la formidable hausse de production américaine ne sera plus celle qu’elle avait été ces dernières années.
Production américaine en recul…
Évolution de la production de pétrole américaine
depuis 2010 jusqu’au 4 septembre 2015 et variation annuelle (en kb/j)
La baisse des forages aux États-Unis entraîne depuis le milieu de l’été une baisse de la production américaine.
Ainsi la résistance à la chute du baril est certaine avec certes une baisse dans la croissance moyenne annuelle mais une croissance restant non négligeable.
Poursuite des révisions à la hausse de la demande pour 2015 ; interrogations pour 2016
Comme nous l’avons déjà souligné à plusieurs reprises, la corrélation à la baisse entre les révisions de la demande et l’évolution du prix du baril a été très forte.
En revanche, à la hausse, il semble y avoir beaucoup de retard, et la baisse en moyenne des cours du Brent sur les mois de juin et juillet, creuse ce retard.
Évolution de juillet 2014 à juillet 2015 pour 2015
de la hausse de la demande mondiale de pétrole (Mb/j) et du Brent ($/b)
Source : rapports mensuels de l’AIE (Agence Internationale de l’Énergie)
L’OPEP dans son bulletin daté de la mi-septembre confirme ces révisions à la hausse en août pour 2015 alors que le cours du Brent aura été de 46,5 $/b (10 $ de moins qu’en juillet !).
Source : rapport OPEP septembre 2015
Quid de la Chine ? Plus pour 2016 que pour 2015 …
Il est vrai aussi que de nombreux observateurs s’interrogent sur le ralentissement de la croissance chinoise impactant toutes les matières premières.
Mais si la croissance de la demande chinoise ralentit, cette croissance est toujours là et la Chine ne représente que 11,6% de la demande mondiale alors qu’en même temps les États-Unis en représentent 20,6%.
Il n’en demeure pas moins vrai que du coup pour 2016, l’OPEP a, dans son bulletin de septembre, révisé la croissance de la Chine à 0,30 Mb/j (elle est estimée à 0,37 Mb/j pour 2015). C’est ainsi que si la demande mondiale 2015 a été revue (toujours dans le bulletin de l’OPEP) à la hausse de 84 kb/j, celle de 2016 a été révisée à la baisse de 50 kb/j, du fait d’un « momentum » économique moins fort en Amérique Latine et en Chine.
Conclusion
Le baril de pétrole est revenu à ses plus bas : cela est vrai également pour de nombreuses matières premières. Les craintes de moindre croissance sur la Chine ne sont pas là pour améliorer le sentiment morose quant aux perspectives de retour à la hausse des prix.
Cependant, nous notons que :
- La demande mondiale de pétrole est forte alors que celle-ci est dopée par la chute des prix de ce même pétrole ;
- Que la production américaine se met à baisser alors que celle de l’OPEP croît augmentant la part de marché de l’organisation.
Bataille éternelle entre offre et demande…
Et si les prix continuent à rester aussi bas, entraînant comme cela est le cas depuis le début de l’année une baisse des investissements, il est difficile de ne pas craindre un manque de production… le jour où les craintes sur la demande auront disparu.
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